Chapitre 37 où Joseph présente Nan à Julia et où ils font une rencontre fâcheuse

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Joseph présenta Nan à Julia et tous trois prirent la décision d'aller faire un tour sur le chemin Sainte-Foy. Julia avait entendu, à la radio, un reportage qui avait particulièrement frappé son imagination, au sujet d'événements étranges qui se passaient là.

Il avait décidé de tout lui raconter. Comment et pourquoi il s'était enfui de chez lui, et pourquoi il était hors de question qu'il retourne vivre avec ses parents. Comment pourrait-il côtoyer tous les jours un criminel et l'appeler « Père »? Pour lui, c'était impensable!

Et tant qu'à procéder au grand déballage, il lui avait aussi révélé quelle était la véritable nature de Nan. Mais ça, elle ne l'avait pas cru. Il s'y attendait et n'avait pas insisté, se disant qu'elle finirait par le constater par elle-même. Il lui avait suggéré de lui poser des questions sur n'importe quel sujet, comme sa mère l'avait fait. Elle verrait bien que Nan avait réponse à tout. Jusque-là, elle n'avait pas réussi à la prendre en défaut. Mathématiques, histoire, agriculture, santé, aucun domaine de la connaissance humaine n'était à son épreuve. « Arrête, lui dit-il. Tu n'y arriveras pas. Elle est incollable. » Il avait demandé à Nan de lui montrer sa blessure, ce qui avait troublé Julia sans toutefois la convaincre tout à fait.

Autrement, elles s'entendaient plutôt bien. Julia lui avait prêté une veste et un foulard, non pas pour la protéger du froid, mais pour la faire paraître plus normale. En plus de lui permettre de passer inaperçue, cela présentait l'avantage de cacher la trace du coup de feu sur sa chemise. Au fond, tout ce que Joseph voulait, c'était qu'ils aient l'air assez quelconques pour qu'on leur foute la paix.

― Mais c'est ce bon vieux Joe. Comment ça va, p'tit frère.

― Et on dirait qu'y s'est fait des amies. Alors Joe, tu te sauves de nous? Tu ne veux pas partager tes copines avec tes potes? Et moi qui croyais qu'on était amis...

― Finalement, il n'est pas aussi sympa que je pensais! Tu me déçois, Joe...

« Y manquait plus que ça! » se dit Joseph. Provenant de la rue vers laquelle ils se dirigeaient, les trois gars louches du squat où il avait dormi le premier soir venaient de pénétrer dans la ruelle et s'approchaient d'eux. Il les avait presque oubliés, ceux-là. Dès qu'elle les vit, Julia lâcha un « Shit! » entre ses dents qui montrait qu'elle les connaissait bien elle aussi et qu'elle n'avait pas plus que lui envie de croiser leur route. Nan n'eut aucune réaction et resta elle-même, c'est-à-dire neutre. Alors que la distance s'amenuisait entre les deux groupes, Joseph essaya de se placer entre ses amies et le trio, mais les gars n'avaient pas perdu de temps et avaient déjà amorcé leur manœuvre d'encerclement.

― Toi, la maigrichonne, j'ai l'impression que je te connais, dit l'un d'eux en lorgnant Julia du coin de l'œil. Mais toi, ma poulette, t'es nouvelle dans le coin?

Le gars, un grand brun aux épaules d'athlète sur un corps élancé, s'était adressé à Nan, qui n'en fit aucun cas. Joseph savait que des trois, il était le seul à porter une arme, qu'il avait sûrement cachée dans son dos, à l'intérieur de sa ceinture. La veille, il avait eu le temps de les observer et l'avait identifié sur-le-champ comme le leader du groupe. Julia avait peur, elle tremblait comme une feuille et serrait les lèvres. Mais seuls ses yeux appelaient à l'aide.

― Écoutez les gars, nous on ne veut pas de problèmes. Alors, laissez-nous passer, OK?

Comme s'ils faisaient de la télépathie, les trois réussirent à faire, précisément au même moment, le même petit sourire malsain.

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