Chapitre 5, où Philibert apprend qu'on peut chasser autre chose que des lapins

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Philibert Tremblay arriva à bout de souffle au campement et se dirigea vers la plus grosse yourte, au centre du village. Il salua de loin sa mère occupée à fendre du bois, mais il était pressé de partager sa trouvaille avec Aliénor, sa grand-mère et la cheffe du clan.

En s'approchant, il vit qui gardait l'entrée de la tente. Son cousin Clothaire, qui avait le double de son âge et qu'il n'aimait pas trop parce qu'il passait son temps à se moquer de lui.

― Tasse-toi Clothaire!

Mais ce dernier tendit un bras, lui bloquant le passage.

― Wow! On se calme! L'Ancêtre fait une sieste et a ordonné qu'on ne la dérange sous aucun prétexte. Et à ce que je vois, ta chasse n'a rien donné aujourd'hui. Alors, file microbe! Tu reviendras quand tu auras quelque chose à offrir.

« S'il savait ce que j'ai à offrir, justement... » pensa Philibert. Mais de l'intérieur de la yourte leur parvint une série de bruits sourds, accompagnés de jurons, et à la fin la voix fâchée et encore ensommeillée d'Aliénor grogna « Qu'est-ce qui se passe ici! »

― Ce n'est rien Grand-mère, lui répondit Clothaire. C'est Philibert, le chasseur de lapins pourris, qui veut vous déranger. Je lui ai dit de revenir à Noël.

― Mes lapins ne sont pas pourris et de toute façon, ce n'est pas au sujet de la chasse que je dois te parler, Aliénor.

Philibert avait fait exprès d'appeler sa grand-mère par son prénom, Aliénor, parce qu'il faisait partie des quelques privilégiés qui pouvaient s'adresser à elle ainsi. Clothaire, lui, avait maintenant atteint l'âge adulte. Il devait dire « Grand-mère » ou « l'Ancêtre », et la vouvoyer. Philibert n'ignorait pas que ça enrageait l'autre de voir que lui, ce misérable chasseur de lapins était un de ses petits-fils préférés. Après quelques bruissements, la toile qui fermait l'entrée de la yourte s'entrouvrit et Aliénor apparut, achevant de remettre de l'ordre dans sa tenue.

― Alors Philibert, qu'as-tu de si urgent à annoncer qui ne peut attendre qu'une vieille femme termine sa sieste?

― J'ai fait une découverte très importante Aliénor et tu dois être au courant, je te jure, tu ne regretteras pas de m'avoir écouté.

Il se fraya un chemin sous la tente, repoussant Clothaire du coude. Ce dernier le suivit et s'installa près de l'entrée, jambes écartées et bras croisés, ses yeux exorbités rivés sur son jeune cousin qui venait de défier son autorité.

― Il n'a pas à entendre ce que je vais te confier, ça doit rester un secret, dit Philibert, en désignant l'autre du menton.

Aliénor se tourna vers son gardien et lui ordonna « Dans ce cas, Clothaire, continue de surveiller l'entrée et veille à ce que personne ne nous dérange ». Penaud, il quitta la tente. Aliénor prit son petit-fils par le bras et le conduisit au fond de la yourte où se trouvaient une table basse et deux fauteuils. Elle se laissa tomber dans le plus gros des deux en poussant un soupir, rajusta ses lunettes sur son nez, coinça une mèche de cheveux gris derrière son oreille, puis annonça: « Tu as deux minutes. Parle! »

― Tu sais au lac, là où il reste plein de vieilles maisons, tout le monde dit qu'il existe un bunker que personne n'a exploré encore... commença Philibert.

― On en a trouvé plusieurs, des petits abris souterrains. Ils ont tous été vidés depuis longtemps.

― Celui-là, c'est certain qu'il n'a même jamais été visité. C'est dans la grosse maison, celle avec deux cheminées. Un homme et une femme sont entrés, je les ai surveillés, de loin, et j'ai vu qu'ils avaient ouvert une porte dans un mur, une ouverture qui n'était pas là avant. Je me suis avancé et derrière, de l'autre côté, j'ai trouvé un escalier qui descendait très profond dans le sol, et...

― ... tu les as suivis et qu'ont-ils fait?

― Quand ils ont disparu à l'intérieur, je n'ai pas osé approcher, j'avais trop peur qu'ils me découvrent. J'ai couru jusqu'ici en me disant que tu saurais quoi faire.

Philibert constata, satisfait, qu'Aliénor se montrait contrariée à l'idée que des Urbains viennent fureter dans le coin. Elle n'appréciait pas cette intrusion sur un territoire qu'elle considérait comme son fief personnel. Elle tapota le bras de son fauteuil du bout des doigts. Au bout d'une minute, elle se leva et le poussa vers la sortie en lâchant « Je dois finir de m'habiller ». Puis elle cria à son garde du corps « Clothaire, rassemble une dizaine de tes cousins et cousines et arme-les. On va aller réclamer ce qui nous appartient! »

Ne voulant pas être exclu de l'expédition, Philibert demanda « Je peux y aller aussi Aliénor? »

Elle se pencha vers lui et lui sourit. « Bien sûr, bien sûr! Tu auras bientôt onze ans. Il est temps que tu apprennes à chasser autre chose que des lapins. »

*** Toutes les illustrations qui accompagnent ce roman ont été réalisées grâce à l'Intelligence Artificielle sur le site NightCafe Studio.

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