Chapitre 30, dans lequel Arnaud se fait parler de zombis et d'odeur de sainteté

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Arnaud Riopel écoutait Radio-Espérance, ce matin-là. La météo annonçait un ciel couvert, un taux de radiation presque acceptable et des possibilités d'averses à trente pour cent. Quant aux nouvelles du jour, une morte aurait fait des miracles et un adolescent, membre d'une riche famille du Vieux-Québec, aurait disparu en compagnie des deux domestiques de la maison. Le petit coquin n'allait pas s'ennuyer.

Bref, rien pour écrire à sa mère. La présentatrice du bulletin, elle, ne cessait de souligner à quel point « ces comportements anti-chrétiens déshonorent notre belle ville ». Si cela n'avait dépendu que de lui, Arnaud aurait syntonisé plutôt Radio-Chaos, mais ce n'était pas lui qui décidait.

― Comment font-ils à Radio-Espérance pour évaluer les possibilités d'averses à trente pour cent? Il n'y a plus de satellites, plus de radars, alors d'où est-ce qu'ils tirent leurs données?

Il avait posé la question à Roberta, une agente plus âgée que lui et qui aurait pris sa retraite si elle l'avait pu. C'était elle qui contrôlait le choix du poste de radio. « Question d'ancienneté », disait-elle.

― Qu'est-ce que j'en ai à faire moi, où qu'ils trouvent leurs données? Dans le nombril du Bon Dieu, va donc savoir!

― Si c'était ça, leurs prévisions seraient plus fiables. Mais ils se trompent neuf fois sur dix. Et je suis loin d'être sûr que le Bon Dieu a un nombril, de toute façon...

― Voyons mon cœur! Pourquoi je m'intéresserais à la météo? J'ai qu'à regarder ta belle petite gueule d'ange et c'est comme si le soleil brillait tout le temps... C'est pour la musique que j'écoute ce poste-là. À Radio-Chaos, y'a que des trucs pas écoutables pour les jeunes!

Arnaud attendait une nouvelle affectation. Depuis sa virée au lac aux Bruants avec Caitlin Lawless, il avait pris des vacances, à ses frais, grâce à l'argent provenant de la vente de Nan. Il en avait profité pour passer quelques jours avec son Grand-père, mais était maintenant de retour au travail. Il devait gagner sa vie. Son patron, Tom Bordeleau, le fit venir dans la salle de réunion où il lui présenta un homme dans la jeune quarantaine, trapu, chevelu à l'excès et qui semblait affolé.

― Voici monsieur Eduardo Rodriguez. C'est le propriétaire de la morgue, qui a ouvert récemment sur le chemin Sainte-Foy.

Arnaud salua le client et affirma que le besoin pour un tel laboratoire se faisait sentir depuis longtemps à Québec. Il l'interrogea sur les différents tests que ces nouvelles installations allaient rendre possibles. Arnaud se demandait si la demande pour ce genre d'analyse était réelle.

― On nous réclame toutes sortes d'expertises. Des autopsies, des tests d'ADN, on peut tout faire, ou presque.

― Et les clients, qui sont-ils?

― Des parents de victimes de meurtres qui recherchent des indices pour mettre la main sur un coupable. Ou encore des hommes qui désirent s'assurer qu'ils sont bien le père de leurs enfants, ou des femmes qui veulent prouver qui les a violées. C'est un marché en plein développement! Voici, d'ailleurs...

Le directeur de la morgue lui tendit sa carte professionnelle, qu'Arnaud glissa dans la poche de sa chemise.

― Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour vous?

Tom quitta la pièce en lançant « Bon, je vous laisse discuter de tout ça, j'ai du travail. » Une fois seul avec le client, Arnaud l'invita à lui exposer la nature de son problème pendant qu'il mettait un semblant d'ordre parmi les papiers qui traînaient sur le bureau.

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