― Ne leur dis surtout pas que tu viens pour vendre quelque chose, dit Arnaud.
Caitlin, Arnaud et Nan se dirigeaient à pied vers le point de contrôle de la porte Saint-Jean. La veille, Arnaud avait pris rendez-vous avec sa mère, qui devait leur présenter Louise Quintal, « une haute gradée de l'élite de la ville » qui, selon ses dires, était très désireuse d'obtenir les services de Nan. Arnaud n'arrêtait pas de lui dispenser ses conseils sur l'attitude à avoir en présence des agents de sécurité qu'ils allaient devoir affronter pour accéder au Vieux-Québec.
― En fait, parle le moins possible, insista Arnaud. Mieux encore, ne répond qu'à leurs questions et avec le minimum de mots. Tu leur donneras tes armes quand ils te les demanderont. De toute façon, tu les récupéreras à la sortie. Toi, Nan, tu leur diras que tu t'appelles Nan Lawless et que tu es la sœur de Caitlin. C'est le nom que j'ai indiqué. Ma mère va être là, alors ça devrait accélérer la procédure.
― Pourtant on ne se ressemble pas tant que ça, moi et Nan! protesta Caitlin.
― S'ils en parlent, vous expliquerez que vous êtes des demi-sœurs.
Caitlin n'avait jamais mis les pieds dans le Vieux-Québec. Elle imaginait qu'elle aurait dû se sentir nerveuse. Elle n'y connaissait personne, et après tout le mal qu'on lui avait raconté sur ses habitants, c'était l'endroit dans la région qu'elle aurait normalement voulu éviter à tout prix. Mais Arnaud semblait bien plus angoissé qu'elle. Pourtant, il fréquentait les lieux et y avait même de la famille.
L'amoureuse de Caitlin, Claude, aurait aimé les accompagner. Elle non plus n'était jamais allée dans la vieille ville, mais il fallait que quelqu'un surveille la boutique. Les adieux entre elle et Nan avaient été déchirants. Les quelques jours passés avec l'androïde les avaient convaincues de sa valeur. Elles avaient même longuement hésité avant de se résoudre à la vendre. Elles auraient pu l'utiliser pour toutes sortes de tâches. Nan était infatigable, prête à travailler vingt-quatre heures par jour sans jamais se plaindre. Elles avaient donc décidé d'un prix minimum en bas duquel le marché ne se ferait pas, et Caitlin aurait quasiment préféré que ce soit le cas.
Elle se sentait mal, comme une vulgaire marchande d'esclaves. Mais Nan semblait accepter son sort et ne trouvait rien d'anormal à faire l'objet d'une transaction. Caitlin espérait qu'au moins, elle serait placée dans une famille où des enfants pourraient profiter de ses immenses connaissances. Après tout, elle avait été conçue pour ça.
Une courte file s'allongeait au point de contrôle de la porte Saint-Jean, mais ils n'eurent pas à attendre longtemps. Quand leur tour arriva, ils firent face à deux femmes en uniforme qui, visiblement, détestaient leur travail. Elles semblaient donc avoir décidé que toutes les personnes qui désiraient avoir accès au Vieux-Québec étaient responsables de la monotonie de leur existence et que ce ramassis de barbares devait expier ce péché.
Elles firent aligner leurs trois victimes devant elles et les questions fusèrent. Arnaud fut le premier à se frotter à elles.
― Quelle est la raison de votre venue à Québec?
― Nous venons voir ma mère, répondit Arnaud.
― Est-elle prévenue de votre visite?
― Oui, elle nous attend d'ailleurs.
― Avez-vous des fusils ou toute autre forme de protection individuelle sur vous?
― Oui.
Ils durent se départir de leurs pistolets, qui furent remisés dans des casiers. Trouvant étrange que Nan se promène sans arme, une des gardiennes décida de procéder à une fouille au corps sur sa personne. Caitlin se retint de sourire en pensant à la tête qu'elle ferait si l'envie lui prenait d'explorer tous les orifices corporels de Nan. Mais la curiosité de la femme ne la mena pas jusque-là et, n'ayant rien découvert dont elle eut à s'inquiéter, elle mit fin à la fouille. La question suivante ne fut pas dirigée vers quelqu'un en particulier.
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La République des Miracles
Science Fiction2070 : Une guerre nucléaire ravage la planète. 2121 : Dans la région de Québec, des survivants essaient de rebâtir une société à partir des ruines de l'ancienne. Mais les choses ne sont pas si simples... D'un côté, des catholiques traditionalistes...