Chapitre 22, où Morgane fait le récit de son côté à elle de l'histoire

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Morgane était installée à sa table près de la fenêtre, quand elle avait vu dehors une inconnue s'arrêter devant la vitrine de la librairie. À l'instant où Nan avait levé la tête, elle avait reconnu son visage. Tout un pan de sa vie avait basculé dans le néant, tout ce qu'elle était devenue depuis cinquante ans s'était effacé et elle était redevenue une fillette de neuf ans, inconsolable de la perte de sa meilleure amie.

Elle les avait accueillis chez elle et ils étaient maintenant réunis dans son salon. Elle prit la main de Nan assise à ses côtés sur le canapé et dit « C'est un miracle! »

― Quand je t'ai vue sur le trottoir, lui dit Nan, je t'ai reconnue tout de suite. Ton regard n'a pas changé.

― Raconte-nous, demanda Caitlin. Comment ça s'est passé pour toi?

Morgane se rappela quand la tempête solaire s'était abattue sur la Terre. Dès le début, tout avait cessé de fonctionner.

― J'étais ici, à la maison, avec Théo et tante Marwa, raconta-t-elle, et toute communication était impossible. Cellulaires, Internet, plus rien ne marchait. Nous nous sommes couchés le premier soir en nous disant que le lendemain, nous allions reprendre le cours de nos vies. Évidemment, ça ne s'est pas passé comme ça. Mais le pire c'était les rumeurs. Les amis avec lesquels nous jouions avaient tous des nouvelles aussi terribles les unes que les autres, qu'ils avaient entendues de leurs parents, puis déformées ou amplifiées. Ça a duré trois jours, puis ça a été le blitz nucléaire. On s'est réfugiés à la cave, parce que c'était le seul abri possible.

            ― Comment avez-vous survécu? lui demanda Caitlin

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― Comment avez-vous survécu? lui demanda Caitlin.

― Comme mon père se servait de notre sous-sol pour entreposer ses réserves de nourriture pour le restaurant, on a eu de quoi bouffer au moins pour quelques semaines.

― Et combien de temps ça vous a pris pour sortir de là?

Sortir de là... Se sort-on jamais d'une épreuve pareille? Morgane avait parfois l'impression qu'une partie d'elle était encore dans cette cave. Ils étaient cinquante dans la maison et les adultes faisaient beaucoup d'efforts et de sacrifices, elle s'en était rendu compte beaucoup plus tard, pour que les enfants aient un semblant de vie normale.

― Rien ne pressait, franchement! Avec l'hiver nucléaire qui venait de commencer, la nuit régnait en permanence. Heureusement, maman et papa avaient fait installer une minicentrale géothermique ici, en même temps qu'au chalet. Alors on avait de l'énergie.

Ils avaient hébergé des voisins qui n'en avaient pas et la période de l'hiver nucléaire s'était passée dans cette drôle d'ambiance. À travers les morts, les crises d'angoisse, les famines, les rumeurs qui n'arrêtaient jamais, jamais... Et l'ennui... Elle ne savait pas comment ils avaient fait. Cinquante ans plus tard, alors qu'elle racontait ça, elle était encore étonnée d'être passée au travers.

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