Chapitre 32, dans lequel Arnaud se retrouve lui-même suspect

9 0 0
                                    

Il avait cessé de pleuvoir depuis quelque temps quand Arnaud se présenta devant la résidence de la rue Sainte-Geneviève. Ce fut une connaissance de Louise Quintal qui vint l'accueillir. Gabrielle Trépanier était une proche de la famille, qui s'était déplacée dans le seul but de prêter main-forte à son amie Louise qui « traversait des moments si difficiles ». Petite, la quarantaine, sportive, les cheveux teints en roux, elle se présenta comme la mère de Lucie qui était, selon ses dires, la presque-copine de Joseph. Elle était désolée que la maison soit dans cet état. Tout était chamboulé, les domestiques avaient fui, Joseph avait disparu, peut-être même avait-il été kidnappé.

― Savez-vous si Lucie a eu des nouvelles de lui? demanda Arnaud. S'attendait-elle à le voir fuguer comme ça?

― Oh! non. Lucie est aussi surprise que tout le monde. Joseph est un garçon si tranquille!

― Mais a-t-elle été en contact avec lui récemment? A-t-elle une idée de l'endroit où il pourrait se cacher?

― Elle dit qu'elle ne l'a pas vu depuis un bout. Vous connaissez les jeunes, un jour ils s'aiment, le lendemain ils ne sont plus capables de se blairer. À cet âge-là, on ne sait pas encore trop ce qu'on veut, alors on fait toutes sortes d'expériences...

Arnaud l'assura qu'il n'avait pas l'intention de déranger Madame Quintal, mais qu'il avait des renseignements concernant ses domestiques disparues qui pourraient intéresser son amie Louise.

― Ou peut-être le Colonel Traversy, s'il est disponible, ajouta-t-il.

― Vous avez des nouvelles de Joseph? demanda-t-elle avec une pointe d'anxiété dans la voix.

― J'aimerais mieux ne transmettre ces informations qu'aux parents, je suis sûr que vous comprenez...

Elle tenta sans succès de dissimuler sa déception, mais n'insista pas et l'invita à passer au salon avant d'aller prévenir son amie. Il venait à peine de s'installer dans un fauteuil lorsque le colonel Traversy surgit dans la pièce. Arnaud avait devant lui un homme solidement charpenté et qui le dépassait de cinq bons centimètres, malgré que lui-même ne fût pas spécialement petit. Il portait son habit de la Garde des Fortifications, et Arnaud se demanda s'il lui arrivait même de porter quoi que ce soit d'autre. La rigueur militaire en tout temps, même dans l'intimité de son foyer. Au-dessus de sa moustache en guidon de vélo, deux yeux perçants le scrutaient.

 Au-dessus de sa moustache en guidon de vélo, deux yeux perçants le scrutaient

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

― Avez-vous des nouvelles de Joseph? demanda-t-il sans préambule.

― Non, Monsieur, pas pour l'instant. Mais j'ai des informations concernant l'une de vos domestiques. Une jeune fille blonde...

― Ah! Il doit s'agir de Maëlle. Il ne lui est rien arrivé de grave, j'espère.

Arnaud perçut une présence derrière la porte. Se sentant épié et devinant qu'il pourrait s'agir de Gabrielle Trépanier, il suggéra au colonel d'aller poursuivre leur conversation dans un endroit plus à l'écart. L'autre le guida jusqu'à son cabinet de travail, une vaste pièce luxueusement meublée d'une immense table de chêne autour de laquelle plusieurs chaises en cuir étaient disposées. Là s'entassaient pêle-mêle plusieurs grandes feuilles qu'Arnaud reconnut au passage pour être des plans détaillés des fortifications. Dans un coin de la pièce trônaient deux lourds fauteuils autour d'une table basse. C'est là qu'il conduisit Arnaud.

La République des MiraclesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant