Chapitre 49, dans lequel Arnaud Riopel rappelle à son devoir le père Mathias

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Arnaud avait retenu son souffle, tout à l'heure, lorsque le sergent avait pointé son doigt vers Louise Quintal. Sa mère aussi avait réagi comme si elle avait reçu un coup de poing dans le plexus solaire. On venait d'accuser du pire des crimes une femme qu'elle considérait comme une amie intime. En fait, tout le monde dans la salle avait été pris de stupeur pendant un moment... Puis un vacarme indescriptible avait succédé au silence, pendant que la pauvre juge Bérubé tentait de calmer le jeu en frappant à grands coups de maillet sur son bureau.

Alors qu'un calme relatif était revenu, quelqu'un se mit à crier « Appelez un médecin! » On vit alors Louise Quintal étendue par terre, entourée du colonel Traversy et de Nan, toujours très calme, qui cherchait à rassurer tout le monde. « Elle va bien! Elle n'est qu'évanouie! »

Joseph s'approcha de sa famille et s'agenouilla près de la forme allongée sur le sol. Il cria « Mère! Mère! » Nan prit sa main et le rassura. Un des quatre officiers, profitant de la cohue, tenta de s'éclipser de la salle. Des agents de la Cour l'en empêchèrent et le ramenèrent à sa chaise où il s'effondra, lamentable, la tête inclinée sur sa poitrine, pendant que sa femme lui jetait un regard dédaigneux.

Le seul journaliste présent dans la pièce, celui de Radio-Espérance, semblait se demander ce qu'il avait pu faire au bon Dieu pour se retrouver à couvrir un scandale pareil. Arnaud essaya d'imaginer le reportage qu'aurait pu faire Nadine Bourlamaque dans une situation semblable.

Des agents s'étaient regroupés stratégiquement près du couple Quintal-Traversy, autant pour les empêcher de s'enfuir, d'ailleurs, que pour les protéger, car quelques individus scandalisés par la tournure de l'affaire ne se gênaient pas pour insulter celle qu'ils considéraient, quelques minutes auparavant, comme faisant partie de la fine fleur de l'élite de Québec. Des insultes fusèrent. « Salope! » « Vieille vache! » Ayant retrouvé ses esprits, Louise Quintal se tenait prostrée, le visage enfoui entre les mains. Au bout de cinq minutes, la Juge reprit le contrôle de la salle et ordonna à tous de se rasseoir.

― Je désire rappeler une fois de plus que ceci n'est qu'une audience préliminaire, et non un procès. Je peux par contre vous assurer que procès, il y aura! Louise Quintal, des agents de cette Cour vous reconduiront à votre domicile où vous devrez rester confinée jusqu'à ce qu'une procédure criminelle soit intentée contre vous. La date vous en sera communiquée sous peu. Le même ordre s'applique à vous, Colonel Traversy, ainsi qu'aux quatre sergents de la Garde des Fortifications présents à votre résidence ce soir-là. Je veillerai à ce que vos identités soient transmises à tous les postes de contrôle de la ville et vous déconseille fortement toute tentative de fuite. Je déclare donc close cette audience spéciale de la Haute Cour du District militaire de Québec.

Elle se leva et quitta les lieux d'un pas pressé, accompagnée de son secrétaire, pendant que des officiers du tribunal se chargeaient d'escorter les intimés jusqu'à leurs domiciles respectifs.

Joseph était resté assis tout seul à sa place et fixait obstinément le plancher. Son avocate venait de s'éclipser, ayant probablement réalisé qu'elle aurait du mal à percevoir des honoraires auprès de son client. Maintenant que la vérité avait éclaté, Arnaud se dit que ce garçon aurait besoin d'assistance. De soutien moral, bien sûr, mais aussi d'un toit. Il imaginait mal Joseph retournant vivre dans la maison de ses parents comme si de rien n'était. Le père Mathias avait jugé son neveu coupable dès le premier instant. Il avait voulu couvrir son crime quand il l'en croyait responsable, il n'allait tout de même pas lui refuser son aide maintenant qu'il avait reçu la preuve incontestable de son innocence. Arnaud repéra le prêtre dans l'assistance. Il était effondré sur une chaise, jetant un regard vide vers les gardes qui escortaient sa sœur et son beau-frère hors de la salle. Il s'avança vers lui.

― Je pense que vous devez des excuses à quelqu'un, non?

Le Père Mathias releva la tête et lui jeta un regard las. Puis il se leva, s'approcha de son neveu et murmura quelques mots. Arnaud aurait bien aimé jouir, comme Nan, de la capacité de lire sur les lèvres pour savoir ce qu'ils se disaient, quoique l'attitude de l'adolescent parlait d'elle-même. D'abord réticent, il finit tout de même par écouter son oncle.

*** Toutes les illustrations qui accompagnent ce roman ont été réalisées grâce à l'Intelligence Artificielle sur le site NightCafe Studio.



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