Chapitre 23, dans lequel Caitlin suit les conseils d'une grenouille de bénitier

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Les adieux entre Nan et Morgane s'étaient plutôt bien passés. Caitlin avait craint qu'elle veuille récupérer Nan, à titre d'héritière des anciens propriétaires du robot. Mais le sujet n'était que brièvement apparu dans la conversation, et la question s'était réglée sans déchirement, et même sans véritable discussion.

Elle et Nan descendaient maintenant la rue Saint-Jean à la suite d'Arnaud. Le petit groupe emprunta une artère transversale, plus résidentielle, où habitait Madeleine. Ils franchirent un portail derrière lequel un escalier étroit les mena, un étage plus haut, à une porte d'un noir austère munie d'un heurtoir. Mais Arnaud entra sans frapper dans un appartement sobrement meublé et décoré où les attendait Madeleine. Caitlin avait remarqué qu'à aucun moment, Arnaud n'avait utilisé une clé.

― Bienvenue dans ma modeste demeure, annonça Madeleine.

― Vous ne barrez donc pas vos portes?

― Ici, ce n'est pas nécessaire. Nos policiers se feront un plaisir d'expulser de la ville toute personne prise en flagrant délit de vol. Le voleur ira alors rejoindre la masse des barbares qui peuplent les alentours. C'est une perspective qui ne sourit à personne... Cela dit sans vouloir vous offenser.

Des barbares... Caitlin trouva que la maîtresse des lieux avait une bien étrange façon de lui faire savoir ce qu'elle pensait d'elle, pour quelqu'un qui ne voulait pas l'offenser. Avait-elle la même opinion au sujet d'Olivier et d'Arnaud, qui vivaient eux-aussi parmi les « barbares »?

Elle choisit de ne pas lui poser la question, surtout qu'Arnaud semblait pressé de changer de sujet. Pendant qu'avec sa mère ce dernier amorçait une conversation sur des affaires familiales, Caitlin commença, par déformation professionnelle, à faire l'inventaire de la demeure de Madeleine. Une demeure des plus spartiates, d'ailleurs. Quelques meubles sans style choisis pour leur côté pratique, des tableaux sur les murs qui tenaient plus de l'image pieuse que de l'œuvre d'art, une douzaine de livres dans la bibliothèque dont les reliures noires, austères, lui rappelèrent des ouvrages religieux, biographies de saints et tout le tralala. Elle avait surtout hâte que l'heure de leur rencontre arrive.

― Dites-moi, Madeleine, qui est au juste cette femme avec qui nous avons rendez-vous? Arnaud ne m'a pas beaucoup parlé d'elle, mais dès que j'ai mentionné son nom, au moment de notre passage au poste de contrôle, on nous a ouvert toutes grandes les portes de la ville.

― Louise Quintal? C'est sûrement l'une des notables les plus puissantes de Québec. Elle fait partie d'une vieille famille de commerçants.

Elle lui expliqua que cette femme ne devait pas sa fortune à sa famille, par contre, mais à l'élevage de grillons. Elle était la fondatrice des produits Grill Burger, ainsi que de la chaîne de restaurants du même nom. Et son mari, le colonel Traversy, dirigeait la Garde des Fortifications, la police de la ville, en quelque sorte. La force de l'argent réunie à l'autorité policière. Un couple puissant, donc, habitué à naviguer dans les hautes sphères du pouvoir.

― Elle a deux gamins, continua Madeleine, dont une fillette en bas âge. Alors un peu d'aide pour leur éducation, ça ne sera pas de trop. Dites-moi, Nan, avez-vous des compétences dans les soins aux enfants?

― Mes créateurs m'ont conçue pour ça, Madame. Mais aussi pour l'instruction générale, de la maternelle au collège. Également pour les soins gériatriques.

― Louise va être folle de joie. Bon! Il est l'heure de partir pour notre rendez-vous, elle aime qu'on soit ponctuel, même si elle ne l'est jamais elle-même. Au fait, quel prix aviez-vous l'intention de demander pour cette merveille?

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