― Salut Arnaud. Mais qu'est-ce qu'ils font là?
Caitlin venait d'arriver de sa chambre et s'était plantée devant l'écran, les yeux encore bouffis de sommeil et les cheveux en désordre. Elle assista aux derniers préparatifs de l'installation des explosifs et Arnaud l'entendit murmurer « Ils sont devenus fous! »
― J'admets que c'est un peu extrême comme stratégie de négociation, dit-il. Mais je suis pas mal certain qu'elle n'a pas l'intention de faire exploser tout ça.
― Peux-tu préciser ce que tu entends par « pas mal certain »?
― Aliénor convoite ce bunker. Elle essaie de nous obliger à déguerpir. Mais je suis sûr qu'elle ne va pas risquer de tout détruire ou de le rendre inaccessible seulement pour se venger de nous. Ou alors elle est complètement folle.
― En ce qui me concerne, je ne parierais pas trop sur la santé mentale de cette bande de consanguins dégénérés. Nan, y'a quoi comme bouffe?
― Eh bien! dit Arnaud, il semble que Madame la Marquise de Lawless se soit habituée assez vite à se faire servir.
― Caitlin, êtes-vous vraiment une marquise? demanda l'humanoïde.
― C'était du sarcasme, Nan, précisa Arnaud.
― Oh! s'exclama Caitlin, Monsieur le Vicomte de Riopel fait du sarcasme maintenant, on aura tout vu. Qu'est-ce que tu bois?
― C'est un simple café filtre, ça ressemble plus à du café d'orge que le cappuccino d'hier. Goûte!
Elle but, du bout des lèvres, une petite gorgée à même sa tasse.
― Ouais, je serais capable de m'habituer à ça. Nan, je vais prendre une tasse de café filtre, s'il te plaît.
Nan se leva et, se dirigeant vers la cuisine, lâcha « Et un café filtre pour la Marquise, un! » Caitlin resta sans voix.
― Est-ce qu'elle se moque de moi, là?
― Je pense que Nan vient de découvrir la notion de sarcasme.
Sur l'écran, les préparatifs avaient pris fin. Aliénor avait repris sa place dans son fauteuil, Philibert toujours accroupi à ses pieds. Ils fixaient la caméra.
― Ils ont l'air d'attendre qu'on les contacte, dit Arnaud. As-tu réfléchi à ce que tu veux vraiment?
― Sortir d'ici au plus vite, en emportant avec moi les trucs les plus chers. Alors, essaie de négocier avec elle. Quand tu auras terminé, il y aura un dernier détail. Mais pour ça, je vais devoir parler avec cette Aliénor moi-même.
Arnaud n'avait aucune idée de la raison pour laquelle Caitlin tenait à s'adresser à Aliénor ni du sujet qu'elle désirait aborder avec elle. Il redoutait que ce soit pour lui dire ses quatre vérités, ce qui viendrait compromettre toutes ses tentatives pour arriver à un règlement négocié. Mais Caitlin semblait déterminée, inébranlable même. Et après tout, il était à son service. Il fit un effort pour être positif et quand il sentit qu'il avait accumulé assez de bonne humeur en lui, il rouvrit la communication.
― Bonjour, Aliénor, dit-il de sa voix la plus enjouée. Vous avez bien dormi?
― Très bien, merci. Et vous-même, avez-vous réfléchi à mon offre?
― Elle n'était pas des plus généreuses, Aliénor. Je suis sûr que vous pouvez l'améliorer encore.
― Vous avez probablement remarqué la petite modification que nous avons faite à l'entrée du bunker. Avant d'aller plus loin, je veux être certaine que vous avez bien conscience de la précarité de votre situation.
― Cela ne pourrait pas être plus clair, n'en doutez pas. Mais vous-même, vous devez mesurer ce que vous avez à perdre. Des fusils, des munitions, des vivres, de l'alcool, des outils, une génératrice d'électricité... Dois-je continuer? Êtes-vous prête à sacrifier tout ça? N'oubliez pas vos propres paroles. « Personne ne sort gagnant d'une guerre, tout le monde perd quelque chose. »
Il la vit tiquer quand il lui cita ces mots qu'elle avait prononcés tout bas à l'intention de son petit-fils et qu'il n'était pas censé avoir entendus. Il s'en aperçut trop tard et s'en voulut un peu, mais tant pis! Au point où ils en étaient, ça n'avait plus tellement d'importance.
― Vous désirez une meilleure proposition? Je vais vous en faire une, mais ce sera mon offre finale, à prendre ou à laisser. Vous pouvez quitter le bunker tous les trois, avec tout ce que vous pourrez porter sur vous. Alors, c'est oui ou c'est non?
En prononçant cette dernière phrase, Aliénor sortit la main de sa poche et l'éleva quelque peu, juste assez pour qu'ils puissent voir le détonateur qu'elle tenait, relié par un fil aux caisses de dynamite. Les jeunes de son clan, rassemblés derrière elle, semblaient horrifiés à la vue de ce qu'Aliénor s'apprêtait à faire. Vraie menace ou bluff? Arnaud jeta un regard en direction de Caitlin, qui hocha la tête en signe d'approbation.
― C'est oui, Aliénor. Mais il y a autre chose. Ma cliente désire vous parler.
― Aliénor, je suis Caitlin Lawless. Lorsque vous visiterez le bunker, vous trouverez, dans une des chambres, deux cadavres sur le lit. Je veux que vous vous engagiez à ne profaner d'aucune façon ces dépouilles. J'ai l'intention de revenir un jour pour leur donner une sépulture décente. Voilà, c'est tout. Ce n'est pas grand-chose et ça ne vous coûtera rien. Promettez-le.
Aliénor fulminait. Ses yeux exorbités lançaient des éclairs en direction de la caméra. Arnaud vit sa main crispée sur la manette, l'agitant dans tous les sens, sous les regards apeurés de sa jeune troupe. « Comment pouvez-vous seulement penser que nous ferions une chose pareille? Nous prenez-vous pour des psychopathes? Vous avez une heure pour sortir de là. Soixante minutes, pas une de plus », cracha-t-elle. Elle se leva avec toute la dignité dont elle était encore capable, décocha un regard fulminant vers la caméra, puis disparut de l'écran.
*** Toutes les illustrations qui accompagnent ce roman ont été réalisées grâce à l'Intelligence Artificielle sur le site NightCafe Studio.
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La République des Miracles
Science Fiction2070 : Une guerre nucléaire ravage la planète. 2121 : Dans la région de Québec, des survivants essaient de rebâtir une société à partir des ruines de l'ancienne. Mais les choses ne sont pas si simples... D'un côté, des catholiques traditionalistes...