Joseph avait bien spécifié à Nan de le laisser dormir et de ne venir dans sa chambre sous aucun prétexte. L'humanoïde lui avait répondu que de toute façon, sa mère lui avait demandé de veiller surtout sur Lisbeth, cette nuit-là. C'était parfait! En fait, ça ne pouvait pas être mieux!
Il savait que Gabrielle était retournée chez elle seule. Son mari était resté avec son père et les autres officiers de la Garde pour une « réunion au sommet » et ne rentrerait pas avant minuit. Surtout si, comme il l'avait souvent constaté, ladite réunion se transformait en beuverie.
Il avait réussi à se procurer ce que Gabrielle lui avait demandé. Une dizaine de petites enveloppes anonymes dans un emballage de carton gris, sans aucune identification dessus. C'était tout petit, mais ça lui avait coûté la peau des fesses. Assis à son bureau, il contemplait la boîte quand on frappa à la porte de sa chambre.
― Merde, Nan, j'ai dit que je ne voulais pas être dérangé.
― C'est moi, Maëlle, je peux entrer?
Il rangea le paquet en vitesse dans un tiroir et alla ouvrir. Maëlle pénétra dans sa chambre en coup de vent et referma la porte. Quelque chose la troublait. Elle semblait inquiète. Elle se mit à marcher de long en large, les sourcils froncés, les lèvres serrées comme pour retenir une lamentation.
― Qu'est-ce que t'as?
― Les amis de ton père. Il va falloir que je m'occupe d'eux.
― C'est ce que tu fais d'habitude, non?
― Oui, mais ce soir, ils avaient un air étrange. Ils étaient... bizarres, quoi!
― C'est que des vieux séniles, ils sont inoffensifs quand ils sont saouls.
― Pas si inoffensifs, je t'assure! T'aurais dû les entendre, avant le repas, quand je suis allée leur offrir des apéritifs. Si Nan n'avait pas été avec moi, je ne donnais pas cher de ma peau.
― T'avais qu'à leur rappeler que l'alcool est interdit à l'intérieur du Vieux-Québec. Il existe un règlement là-dessus, ils doivent bien être au courant, non?
― Bien sûr qu'ils le connaissent le règlement et ils s'en foutent! Tu ne peux pas venir avec moi? Rester pas loin du bureau, je me sentirais plus en sécurité.
― Je ne peux pas, Maëlle. Je dois sortir ce soir, t'es au courant... Je suis certain qu'il ne t'arrivera rien de méchant. Et puis, t'as déjà vu neiger, comme on dit. C'est pas comme si c'était nouveau pour toi, hein?
Il n'aurait jamais dû prononcer ces mots. Il se sentit idiot au moment précis où ces paroles franchissaient ses lèvres, et il était évident que Maëlle pensait comme lui.
― Qu'est-ce que tu veux dire, au juste?
― Tu te rappelles d'où tu viens, non? Tu ne vas pas me faire le coup de la vierge offensée...
Elle le regarda, sembla se demander s'il était vraiment aussi irrécupérable qu'il en avait l'air.
― Les hommes! Vous êtes vraiment qu'une bande de porcs!
Elle sortit en lui lançant un regard noir. Qu'est-ce qu'il pouvait y faire, de toute façon? Maëlle était tout le temps inquiète. C'était peut-être à cause de son enfance, pensa-t-il. Elle ne l'avait pas eu facile. En travaillant pour les parents de Joseph, elle avait tout de même amélioré son sort, en comparaison de ce qu'elle avait dû subir avant.
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La République des Miracles
Science Fiction2070 : Une guerre nucléaire ravage la planète. 2121 : Dans la région de Québec, des survivants essaient de rebâtir une société à partir des ruines de l'ancienne. Mais les choses ne sont pas si simples... D'un côté, des catholiques traditionalistes...