Chapitre 50, où Caitlin apprend comment on fabrique une sainte

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― Mais pourquoi l'a-t-elle tuée? demanda Caitlin.

― Parce qu'elle était saoule comme une botte, lui répondit Arnaud. Elle ne se souvenait de rien. Au procès, ça a été sa seule ligne de défense.

― L'ivresse, ce n'est pas un peu facile comme excuse?

― Rassure-toi, ses coaccusés ne lui ont pas permis de s'en tirer aussi facilement! Alors, jalousie? Crise de colère? Elle seule pourrait le dire.

Arnaud était venu chercher Caitlin à sa boutique et ils roulaient vers le Vieux-Québec dans la Tesla de Sécurpol. Après un été où se mettre à l'abri de la canicule avait constitué leur principale occupation, les températures avaient fini par redevenir supportables. Il faisait vingt-cinq degrés, le ciel était partiellement couvert et il y avait un léger vent de l'est.

Un temps idéal pour retourner au lac aux Bruants. Aujourd'hui était une journée spéciale pour Caitlin, qui souhaitait honorer sa promesse. Mais d'abord, un détour par le Vieux-Québec s'imposait.

― Mais Maëlle a bien dû faire quelque chose qui a mis sa patronne en colère, non? continua Caitlin.

― Ça, on n'en sait rien. Maëlle s'est retrouvée devant une femme ivre et folle de rage, alors qu'elle sortait du bureau.

Elle venait d'apporter une dernière bouteille au colonel et à ses hommes. Ces derniers avaient entendu des cris et avaient interrompu leur réunion pour aller voir ce qui se passait. Maëlle gisait sur le sol. D'après eux, elle était morte sur le coup. Louise Quintal était agenouillée à côté du corps, couverte du sang de sa victime, et continuait à planter son couteau dans la poitrine de Maëlle. Elle aurait hurlé « Regardez ce que j'en fais de votre pute! » Elle riait et semblait s'amuser beaucoup de la tête qu'ils faisaient tous.

Par la suite, la panique s'était emparée d'eux. Dans une tentative désespérée pour dissimuler le meurtre de Maëlle par sa patronne, ils avaient décidé de transporter la victime à l'extérieur des remparts de la ville, croyant que ce crime passerait inaperçu si on pouvait en rejeter la faute sur les « barbares ».

― Ce n'est pas un si mauvais calcul! dit Caitlin. Ça arrive souvent qu'on trouve un corps au petit matin. Va donc savoir qui a fait le coup... Quand ça arrive, souvent, les gens organisent le ramassage du cadavre, et puis l'expédient dans une fosse commune, sans plus de cérémonie.

Arnaud continua son récit. Quelqu'un avait fait venir la morgue pour récupérer le corps de Maëlle. Les employés d'Eduardo Rodriguez s'étaient présentés et avaient fait l'erreur de le ramener avec eux, alors qu'ils auraient dû le laisser sur place, selon leur patron. Entre-temps, le Colonel Traversy avait entendu Lisbeth pleurer à l'étage de la maison. Il était monté et avait constaté que Lisbeth était seule, que Nan et Joseph avaient disparu, et que la fenêtre de la chambre de Joseph était ouverte.

Il avait alors appelé son beau-frère à la rescousse et lui avait appris que Maëlle avait été victime d'un meurtre, mais sans préciser que sa femme, Louise Quintal, était la coupable. Quand le Colonel avait ajouté que Joseph et Nan avaient disparu peu après, le père Mathias en avait conclu que Joseph avait tué Maëlle, pour s'enfuir par la suite.

― Une conclusion un peu rapide!

― J'ai l'impression qu'il a un peu paniqué, lui aussi. Il s'est donc mis à la recherche du corps de Maëlle. Voulait-il lui donner une sépulture décente? Ou est-ce qu'il essayait juste de contrôler l'information au maximum? Les sergents de la Garde lui ont indiqué où ils l'avaient abandonné. Arrivé sur place, il n'a rien trouvé, mais un type à moitié saoul qui rentrait chez lui a dit qu'il avait vu une ambulance identifiée à la morgue partir avec un cadavre.

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