Chapitre 29 où Eduardo Rodriguez voit sa morgue envahie et doit appeler à l'aide

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― Bonjour Monsieur Rodriguez.

― Bonjour... mon brave.

Eduardo Rodriguez, le directeur de l'Institut médicolégal de Québec, n'arrivait pas à se souvenir du nom du gardien de sécurité. Comment s'appelait-il, déjà? Jean-Yves? Jean-Pierre? Il ne dirigeait cette morgue que depuis trois semaines, mais il aurait au moins dû être capable de se rappeler du nom de ses employés. En tout cas de ceux qu'il croisait tous les jours. Mais il avait toujours eu une mauvaise mémoire pour ce genre de détail...

― Alors tout va bien?

Il lui avait demandé ça, histoire de changer de sujet. Son employé ne pouvait pas savoir grand-chose, puisqu'il ne faisait que surveiller le stationnement et voir à ce que personne d'indésirable ne pénétrât dans la bâtisse.

― Je ne pourrais pas dire, Monsieur. J'ai entendu parler qu'il y aurait eu du grabuge ce matin, un peu avant que j'arrive. Mais ça semble s'être calmé, maintenant. Ils en savent peut-être plus à l'intérieur.

Du grabuge? Dans sa morgue? « Pourtant les cadavres sont reconnus pour être une clientèle plutôt docile », pensa-t-il. Il se força à réprimer un sourire. Ce n'était pas très bien vu de faire des blagues au sujet des défunts, surtout quand on administrait une morgue. « Ah! Ça me revient, il s'appelle Jean-Paul. »

― Merci Jean-Paul.

― C'est Jean-Bernard, Monsieur.

― Ah, oui! Bien sûr! Désolé...

Il se dirigea vers l'accueil où la réceptionniste pourrait peut-être lui en apprendre plus. Heureusement, celle-là portait un macaron d'identification avec son nom en évidence, ça allait lui faciliter les choses. Il s'attendait à plus d'animation dans le bureau, mais Marie-Flore était toute seule derrière son pupitre. En temps normal, au moins une autre secrétaire aurait dû se trouver là, en plus de deux ou trois techniciens occupés à ne rien foutre en sirotant leur café matinal. Ceux-là, dès qu'ils l'apercevaient, faisaient semblant de consulter des dossiers pour lui faire croire qu'ils étaient débordés de travail. Il connaissait le stratagème. Il avait été lui-même laborantin autrefois. Il vit de loin la secrétaire qui le regardait, l'air catastrophé.

― Bonjour Marie-Flore. C'est calme ce matin?

― C'est que, Monsieur... On nous a amené quelqu'un cette nuit.

― Quelqu'un?

― Oui, la dépouille d'une jeune fille.

― Oh! C'est triste! Je suppose qu'on nous a réclamé une autopsie?

― On ne nous a rien demandé, Monsieur. On a reçu un appel pour un cadavre, nos deux gars y sont allés et ont ramené le corps. Comme on ne savait pas trop quoi en faire, on l'a transporté dans la salle d'autopsie, en attendant.

― En attendant quoi?

― Que quelqu'un se déplace pour l'identifier, Monsieur. Personne n'est venu, mais là... on a comme un problème...

― Quoi, elle s'est enfuie?

― L'autopsie va être compliquée, Monsieur. Il faudrait que vous descendiez voir vous-même...

« Pas moyen de lui tirer les vers du nez, celle-là! pensa-t-il. Hi! Hi! Les vers du nez... C'est drôle ça! »

La salle d'autopsie était au sous-sol. Il se dirigea donc vers l'escalier. Une odeur inhabituelle flottait dans l'air, un arôme floral entêtant, obsédant même. Il se promit d'en reparler au responsable de l'entretien. Il lui avait pourtant spécifié de n'utiliser que des produits désinfectants sans parfum. Il devrait lui rappeler la directive. Le message n'avait, de toute évidence, pas passé.

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