Chapitre 4, dans lequel Caitlin entreprend de faire l'inventaire du bunker

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Caitlin et Arnaud restèrent immobiles à la porte du bunker, tendant l'oreille, dans l'attente d'un comité d'accueil qui ne vint pas, essayant de détecter le moindre signe d'occupation récente des lieux. Une odeur indéfinissable flottait dans la pièce. Caitlin percevait le ronronnement lointain d'un système de filtration d'air. Elle actionna l'interrupteur près de l'entrée et une lumière douce se répandit, en même temps qu'un léger grésillement qui s'estompa au bout de quelques secondes. Ils se trouvaient dans une salle de quatre mètres sur cinq, meublée d'une table avec cinq chaises. Un mur était couvert d'armoires d'un bout à l'autre, son opposé n'était qu'un immense écran. On pouvait apercevoir, dans un coin, le début d'un couloir étroit qui menait vers une autre pièce.

Par la fenêtre on pouvait contempler un paysage champêtre : des enfants jouaient près d'une rivière. Arnaud s'approcha. Au bas du cadre, trois boutons, discrets. Il appuya sur celui de droite. La scène changea. Une vallée verdoyante s'offrait maintenant à leur regard. Il appuya encore. Des montagnes s'élevèrent devant leurs yeux.

― C'est un écran, lâcha-t-il.

L'image était si réaliste qu'il leur était facile d'oublier qu'ils se trouvaient à vingt mètres sous terre.

― J'imagine que sans ces fausses fenêtres, les habitants de ce bunker seraient devenus fous assez rapidement... Ici, ça ressemble à une salle familiale, conclut-il en regardant autour de lui.

― Ou à un espace d'entreposage, ou à un genre d'accueil avec cet immense écran. Je me demande s'il fonctionne encore...

― Les fausses fenêtres fonctionnent, alors je suppose qu'il est toujours en état de marche. Que dirais-tu de commencer à jeter un coup d'œil sur tout ça? Pendant ce temps, je vais effectuer une tournée rapide pour avoir une idée de l'étendue de l'ensemble et m'assurer que nous sommes bien seuls.

Il disparut dans la pièce suivante. Caitlin ne perdit pas de temps et entreprit de faire l'inventaire des armoires. Des jeux de société, d'adresse, des casse-têtes, des équipements sportifs, des cannes à pêche. De la vaisselle, des linges de table. Une étagère ne contenait que des masques respiratoires et des survêtements de protection. Sur la suivante s'entassaient des albums de photos de famille remontant au milieu du vingt et unième siècle, en plus de divers titres de propriété de quelques immeubles, tous dans la région de Québec.

Caitlin trouva aussi un classeur renfermant divers papiers: certificats de naissance, passeports, carnets de santé, tous en quatre exemplaires, un pour chaque membre du foyer. Elle trouva le passeport de Morgane. Dès qu'elle l'ouvrit, le portrait holographique de Morgane Chemaly-Sirois surgit devant elle. Des cheveux bruns, mi-longs, soigneusement brossés, encadraient une tête ovale, un regard intelligent, un nez retroussé, des lèvres minces qui n'esquissaient aucun sourire. On avait dû lui demander de n'exprimer aucune émotion pendant la prise de cette photo officielle. Malgré tout, Caitlin était heureuse de pouvoir enfin mettre un visage sur l'enfant qu'elle s'était contentée d'imaginer depuis deux ans. « Qu'es-tu donc devenue? » se demanda-t-elle. Si cette famille avait quitté le bunker, pourquoi n'avaient-ils pas emporté ces documents avec eux?

Elle remit les documents à leur place et revint à son inventaire. À part les masques et survêtements, pas grand-chose ne présentait une quelconque valeur de revente. Arnaud revint au bout de quelques minutes.

― C'est plus grand que je ne pensais. J'ai même vu qu'il y avait un autre étage en dessous. Je n'ai pas complété ma tournée, mais je n'ai trouvé personne, ni aucun indice d'habitation récente. D'après moi, ce bunker a été déserté il y a longtemps.

― Je n'en suis pas aussi certaine. J'ai découvert dans cette armoire des papiers personnels, des passeports entre autres. Je les imagine mal quittant leur abri en laissant ça derrière eux. Tu as trouvé la cuisine?

― Ouais. La prochaine pièce m'a l'air d'un entrepôt, mais la suivante est la cuisine. C'est clair que personne ne s'est fait à manger là depuis belle lurette. Avant de continuer mes recherches, je vais fermer la porte d'en haut. On n'a vu personne en venant ici, mais on ne sait jamais...

Caitlin passa dans la seconde salle, seulement meublée d'une longue table en bois naturel, d'un style sobre, mais très élégant. Tous les murs étaient recouverts d'armoires, à première vue très profondes. Elle ouvrit la première, qui contenait des pièces de remplacement pour différents appareils qu'elle ne put d'abord identifier, mais des boîtes empilées au fond de l'étagère attirèrent immédiatement son attention. Il s'agissait de cartouches de rechange pour des systèmes de filtration d'eau.

La guerre avait stoppé l'importation de ces filtres et pulvérisé les usines qui les produisaient. Plus personne n'était en mesure de les fabriquer alors que les appareils eux-mêmes se trouvaient facilement. Elle se demanda si elle ne devait pas les garder pour elle, mais en y réfléchissant bien, elle connaissait un tas de gens qui paieraient le prix fort pour ces cartouches. L'argent qu'elle pourrait en tirer allait financer l'entièreté de cette expédition, et il lui resterait un profit substantiel dans les poches.

Arnaud revint en lui lançant « La porte est refermée, on va être tranquille! » Il repartit aussitôt terminer l'exploration du bunker. Caitlin ouvrit la seconde armoire. Elle contenait tout un arsenal : des fusils d'assaut, des fusils de chasse, des mitrailleuses, des pistolets. Sans être une spécialiste dans ce domaine, elle savait que les armes n'étaient pas si difficiles à dénicher que ça. Ce qu'elle avait sous les yeux était de qualité, mais elle ne remarqua rien qu'elle pouvait revendre rapidement.

            Cependant, ces joujoux ne viennent jamais seuls, et dans l'armoire suivante, bingo! Elle trouva les munitions

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Cependant, ces joujoux ne viennent jamais seuls, et dans l'armoire suivante, bingo! Elle trouva les munitions. Des dizaines, voire des centaines de boîtes de cartouches de divers calibres et de différents types : balles blindées, perforantes, 9 mm Parabellum.

Quelques artisans se consacraient encore à la fabrication de munitions, mais ils peinaient à répondre à la demande et vendaient leur production à prix d'or, même si elle n'était pas toujours de la meilleure qualité. Les balles et cartouches d'origine étaient devenues rarissimes et Caitlin savait déjà à qui elle allait offrir en priorité cette marchandise de premier choix.

Absorbée par son inventaire, elle n'avait pas remarqué qu'Arnaud était revenu de sa tournée de reconnaissance et qu'il était maintenant assis à la table, l'air ennuyé.

C'est officiel, lui annonça-t-il, nous sommes seuls ici. Enfin, façon de parler...

― Que veux-tu dire?

― Je sais ce qui est arrivé à la famille de Morgane.

*** Toutes les illustrations qui accompagnent ce roman ont été réalisées grâce à l'Intelligence Artificielle sur le site NightCafe Studio.

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