Je retrouve Hal rapidement dans notre bungalow. Ce dernier est assis dans le canapé, l'air perdu et profondément ancré dans ses pensées. Le verre dans sa main m'indique qu'il essaie de noyer son chagrin dans l'alcool. Il sent que je m'approche et lève un regard déstabilisé vers moi. Je crois ne l'avoir jamais vu à ce point dépité.
— Qu'est-ce qui cloche chez moi Jackson ?
Il fait une grimace et je m'installe à côté de lui en posant mes coudes sur mes genoux. Je tourne la tête dans sa direction avant de lui répondre.
— Rien, Hal. Tu es on ne peut plus normal.
— D'après mon père quelque chose cloche pourtant.
— Ton père a réagi sur le coup de la surprise. Personne ne s'attend à s'entendre dire par son fils qu'il aime les hommes.
Je marque une pause tandis que Hal boit une gorgée de son verre.
— Je ne tiens pas à excuser ton père, loin de là, continué-je. Mais il a eu la réaction qu'ont tous les pères. Le mien a réagi exactement de la même façon quand je lui ai annoncé que j'aimais les hommes et les femmes.
— Ton père est mort. Et tu ignores s'il aurait fini par l'accepter ou non.
— Je sais qu'il l'avait accepté.
Hal me regarde, intrigué car il sait que mon père est mort lors de sa mission, quelques jours après lui avoir avoué mon orientation sexuelle. Je détourne le regard car quand je parle de celui qui m'a vu naître je me sens toujours très vulnérable.
— Il m'a envoyé une lettre depuis son campement en Arménie. On s'était quittés plutôt fâchés. Il n'avait pas voulu m'adresser la parole et je n'ai pas voulu lui accorder un seul regard car j'étais en colère contre lui. Il est parti sans même me dire au revoir et puis, surtout, je fuyais ma maison parce que je ne supportais pas de les entendre parler à voix basse à chaque fois que j'arrivais dans une pièce. Il n'y avait que ma mère qui me soutenait à cette époque et heureusement que je l'avais. Je crois ne l'avoir jamais vraiment remerciée pour ça parce que sans elle je n'aurais jamais pu être celui que je suis aujourd'hui, en dehors du fait qu'elle nous a pratiquement élevée toute seule, mes sœurs et moi.
Je marque une pause avant de reprendre.
— Enfin bref, quelques jours après son départ, j'ai reçu une lettre et je me rappelle de chaque mot qu'il avait écrit et je la garde toujours près de moi.
Je sens Hal profondément troublé et à la limite du frisson car il sait à quel point c'est douloureux de parler de mon père. Même si nous n'avions pas le genre de relation que pouvaient envier la plupart des gens, nous nous aimions.
— Cher Jackson, me remémoré-je. Mon cher fils. J'ai été si dur avec toi et je t'en prie, accorde-moi ton pardon. Tu es et tu resteras pour toujours mon sang et ma chair. Peu importe qui tu deviendras, peu importe qui tu aimeras, je serais toujours fier de toi et je te soutiendrai dans tes choix. Vis ta vie comme tu l'entends sans jamais te soucier du regard des gens. Mon fils, je suis impatient de rentrer pour te serrer dans mes bras, comme j'aurai dû le faire avant de partir. Pardonne mon attitude et prends soin de maman ainsi que de tes sœurs pour moi jusqu'à mon retour mon grand. Je t'aime. Papa.
Les larmes me montent aux yeux car j'ai failli à la promesse que je lui ai faite en répondant à cette lettre. Je ne sais même pas s'il a eu le temps de la lire ni même de la recevoir parce que quelques jours plus tard, on apprenait qu'il était mort des suites causées par une attaque de grenade sur le campement militaire où il était assigné à la protection des locaux qu'ils avaient réussi à libérer de l'emprise des militaires russes.
— Jackson, hésite Hal. Ton père était dans l'armée. Il savait que chaque jour ou même carrément chaque minute était comptée. En aucun cas le mien aura cette lucidité d'esprit.
— Tu n'en sais rien. Laisse-lui un peu de temps d'accord ?
Puis, je souris en m'appuyant sur le dossier du canapé.
— Et je sais ce qu'il te faut.
Hal lève un sourcil interrogateur vers moi. Vu l'épisode de tout à l'heure, il pense probablement à une méthode plus efficace mais je m'empresse de proposer :
— Tu veux qu'on aille danser ?
Il explose de rire mais se reprend très vite.
— Tu détestes les boîtes de nuit depuis ce qui est arrivé à ta sœur.
Trois ans que Joyce est morte des suites d'un viol collectif à la sortie d'une boite de nuit et son souvenir est toujours aussi douloureux.
Je tente de cacher mon trouble et l'appréhension qui me gagne à l'idée de me rendre dans ce genre d'endroit.
— C'est vrai, mais je peux faire l'effort pour remonter le moral de mon meilleur pote.
Hal lève son regard luisant et reconnaissant vers moi.
— Tu en es sûr ?
Je hoche la tête. Il n'y a pas de raison que je me sente mal, pas vrai ? Hal sait se défendre et il n'est pas aussi fragile qu'on pourrait le croire. Et Holly va probablement entrer tranquillement se mettre devant la télé ou dans son lit pour lire un livre alors franchement, je n'ai pas de raison de m'en faire pour l'un ou pour l'autre.
Je souris à Hal pour lui faire comprendre que tout va bien mais je sens tout de même mon cœur redoubler d'effort quand il finit par acquiescer et par se lever.
Avant qu'on ne se mette en couple, la seule manière de lui remonter le moral c'était de se faire une sortie entre potes et boire des verres jusqu'à ne plus savoir comment prononcer son nom. Et aujourd'hui, c'est ce qu'on va faire parce que l'autre façon est tout simplement impossible. Bien que nous soyons dans une sorte d'entre-deux relation avec Holly, je ne compte pas lui donner des raisons supplémentaires de douter de moi.
VOUS LISEZ
Love, Lies & Desires
RomanceRésumé : A l'âge de vingt-cinq ans, Holly est toujours vierge et s'est lassée d'attendre le prince charmant. Amoureuse secrètement de Jackson, elle parvient à le convaincre d'être son premier amant mais ce dernier lui impose une règle : ne jamais r...