Chapitre 27

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« Il semble évident que si notre monde était dénué de magie, la guerre n'existerait pas. »

– Ji Sangpo, De la magie.


Le général darda un regard à la fois attendri et malicieux sur Yoongi.

« Alors prouvez-le-moi.

— Pardon ?

— Si vous me faites confiance, si vous m'appréciez, prouvez-le-moi : fermez les yeux.

— Pourquoi ? Ne me croyez-vous donc pas ?

— Si, bien sûr, mais je veux le constater de mes propres yeux. Alors fermez les vôtres, et ne les rouvrez pas avant que je vous l'aie dit.

— Si ce n'est que cela. »

Le Phénix haussa les épaules et s'exécuta. Son monde se voila de noir, il prêta davantage attention à ses autres sens. L'odeur du plat près de lui sembla soudain plus marquée, et il perçut le discret mouvement de Jimin qui s'était relevé du lit. Il l'entendit s'éloigner, puis revenir jusqu'à se placer tout près de lui. Il ne réagit pas, se contentant de tourner la tête comme s'il le suivait du regard.

Quand le général lui prit le poignet, il frémit, surpris tant par son geste que par sa douceur. Il l'incita à ouvrir la main et y déposa un petit objet de métal que reconnut sans grande peine son aîné, de qui un sourire amusé étira les lèvres.

« Vous pouvez rouvrir les yeux, et bon appétit. »

Yoongi rouvrit les paupières, observa un court instant la fourchette entre ses mains, et avant qu'il n'ait eu le temps de prononcer le moindre mot, son ami était parti. Soulagé, ses tracas effacés, il se régala de ce dîner puis se recoucha. Il s'endormit, et même en se mettant au lit à leur tour plus d'une heure après, les militaires ne le réveillèrent pas. Plongé dans une profonde torpeur, le Phénix ne bougea pas d'un pouce, sa silhouette caressée par le regard affectueux de son cadet.

Au matin, Yoongi fut tiré de son sommeil par Aena, qui avait profité de ce que chacun était assoupi pour s'habiller en plein milieu de la pièce, peu gênée de toute façon – elle était habituée à se changer devant ses camarades, la nudité ne choquait personne dans l'armée. Elle exécutait des mouvements si silencieux qu'elle n'avait dérangé jusqu'à ce qu'elle enfonce une dague dans le fourreau qu'elle portait à la ceinture, de façon volontairement bruyante afin que chacun se lève.

Jimin, toujours aux aguets et prêt à bondir, se redressa en sursaut sur son lit, extrayant de sous son oreiller sa propre dague avant de comprendre qu'il s'agissait d'une fausse alerte.

« Aena, par Pyros, ne refaites plus jamais cela, grommela-t-il.

— Pardonnez-moi, mon général, ricana-t-elle en retour. Je pensais juste que vous voudriez reprendre la route au plus tôt.

— C'est le cas, mais vous n'étiez pas obligée de me réveiller de cette façon.

— J'en suis désolée. »

Chacun abandonna à regret le matelas douillet et les couvertures devenues chaudes contre leur corps. L'amie d'Aena se changea avec Jimin, dans la chambre en lui tournant le dos, tandis que Yoongi préféra la salle de bains commune pour cela. Il enfila sa tunique, son pantalon, puis retourna auprès des autres pour revêtir les pièces de son armure, tâche qu'il effectuait de plus en plus vite au fil des jours.

Une fois les quatre cavaliers prêts, ils quittèrent le dortoir pour se rendre dans la salle principale, où l'on apportait les premiers petits déjeuners. À une large table de huit places, dont la moitié était vacantes, discutaient les épéistes déjà équipés, qui attendaient leur chef avant de demander le repas. Ils saluèrent le groupe qui arrivait, échangèrent quelques politesses, puis l'on réclama au patron de quoi prendre des forces avant les ultimes heures de chevauchée. L'homme, toujours au service le matin et le soir, leur adressa un signe pour leur indiquer qu'il s'en chargeait, et il revint avec un assortiment appétissant ainsi que de quoi offrir à chacun un thé bien chaud.

L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant