Chapitre 21

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« Renoncer était parfois plus simple que se battre, surtout quand les circonstances annonçaient la défaite. Mais se battre – oui, se battre ! – apportait au moins la satisfaction de mettre des bâtons dans les roues de son adversaire. »

– Yon Palik, Les hommes d'ombre et de lumière.


Yua observait le soleil se lever, le port digne mais le cœur meurtri. Jour après jour, elle rêvait que son frère la retrouve, les sauve tous par un miracle qu'elle ne s'expliquait pas encore, et leur offrait un nouvel endroit où vivre. Puis elle s'en voulait de faire peser sur ses frêles épaules de si lourds espoirs. Il ne méritait pas une pression pareille.

Ce matin-là, elle élaborait un énième plan pour s'enfuir, se figurait trancher des gorges dont il jaillirait un flot de sang écarlate, quand on frappa à sa porte. Ses idées emmêlées s'effacèrent soudain, comme une bulle de savon explosait, et elle se tourna sans un mot pour observer le nouveau venu. Mincheol entra, dans des habits un peu plus propres que la veille et dont on avait recousu les quelques trous.

La prêtresse n'esquissa pas l'ombre d'un sourire.

« Bonjour, comment allez-vous ? s'enquit-elle.

— Bonjour, bien et vous ?

— Aussi bien que l'on puisse aller dans une cage. Avez-vous des nouvelles intéressantes pour moi ?

— Non je le crains. On continue de parler en cuisine de la colère du Prince, qui compte soit attaquer la frontière arixienne, soit envoyer des espions aux trousses de votre frère – voire les deux.

— Pourquoi veut-il mon frère, bon sang ? N'en savez-vous pas plus ?

— J'en suis désolé. Il doit penser qu'il est un homme important, ce qui n'est pas tout à fait faux, si j'ai bien compris.

— Mon frère est un gardien des savoirs : il connaît notre histoire par cœur, la chante à l'occasion de cérémonies religieuses, et conseille les citoyens qui veulent des réponses. Son rôle se limite presque toujours à ces quelques tâches. Pourquoi le poursuivre ?

— Peut-être veut-il s'approprier tous les Phénix.

— C'est un barbare, et je suis sûre que tous les miens pensent la même chose. Votre prince de pacotille est un rustre qui se permet de condamner un peuple entier pour son bon plaisir. Les gens comme lui sont répugnants, infâmes et ne méritent qu'une chose : la mort. Les parasites, moi, je ne me contente pas de les chasser de chez moi : je les écrase pour être sûre qu'ils ne reviendront pas.

— Quelle sévérité !

— Elle est méritée ! Cet homme a ordonné un massacre : quel droit a-t-il de vivre alors que d'un geste il a fait assassiner sans remords des centaines, des milliers de personnes ? Que ceux qui font le mal en subissent les conséquences ! J'espère que votre souverain mourra et qu'il sera jeté aux rapaces ! s'emporta Yua.

— Le Prince a de bonnes raisons de s'en prendre à votre peuple, il n'agirait pas sinon, je le sais. C'était un homme généreux, je suis convaincu qu'il sait ce qu'il fait, tenta le serviteur.

— Dans ce cas, il sait qu'il a tué des innocents, que c'est un crime et qu'il est un être abject. »

Mincheol parut vouloir répondre puis poussa un soupir et prit un air las.

« Peu importe, de toute façon, je me moque bien de ce que vous pensez de votre geôlier, je suis seulement là pour vous apporter votre repas.

— Pourquoi défendre une telle ordure ?

L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant