L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]

Chapitre 50

« ... et la clémence la plus admirable des vertus. »

– Yon Palik, Les hommes d'ombre et de lumière.

La nuit, tombée depuis un moment, faisait progresser une lune nonchalante qui dardait un regard anémique sur la compétition. De rares nuages ecchymosaient un firmament déjà sombre, dissimulaient les étoiles piquées dans la couverture de Daimón et prouvaient que le temps passait toujours tandis qu'ils suivaient la trajectoire que leur imposaient les autans des hauteurs.

En contrebas, dans les profondeurs du canyon Karnagion, les dix équipes étaient réunies au centre du cercle de torches pour l'ultime épreuve, celle de réflexion. Jimin dominait la large assemblée, à qui il résuma les règles de cette dernière épreuve : « Je vais vous poser une question, la réponse tient en un seul mot, pas un de plus. Le but de cette épreuve est de vous inciter à penser autrement, de ne pas vous jeter dans la facilité, d'envisager toutes les possibilités qui s'offrent à vous, et de tourner le problème dans un sens que l'ennemi n'a pas envisagé. Chaque équipe aura droit à une réponse, si elle échoue elle sera éliminée de l'épreuve. Il sera cependant interdit de discuter entre vous, je veux savoir de quoi vous êtes capables seuls, cette fois. Je pourrai répéter la question autant de fois que nécessaire. Avez-vous tous bien compris ? »

Les groupes approuvèrent tous. Depuis son promontoire, Jimin les observa un à un, laissant flotter un silence pesant, empli de tension et de suspens. Il raffolait de ce genre d'effets. Enfin, satisfait, il posa sa question finale.

« Qu'est-ce qui commence la nuit, termine le matin, et représente le pire fléau de l'humanité ? »

Un groupe requit presque aussitôt de prendre la parole : un soldat s'avança, que Jimin invita à s'exprimer d'un acquiescement.

« Ténèbres, affirma l'homme avec aplomb.

— Éliminé. »

Il jura puis partit s'excuser auprès de son équipe. Deux autres tentèrent leur chance en vain. Il ne s'agissait ni d'une guerre ni de Daimón, solutions que Yoongi trouvait pourtant pertinentes. Or, elles ne répondaient pas aux trois conditions. Les ténèbres ne représentaient un fléau qu'aux yeux de ceux qui les craignaient – elles ne recélaient aucune malfaisance, Yoongi était mieux placé que quiconque pour le savoir. La guerre quant à elle ne s'arrêtait jamais, elle ne leur offrait aucun répit. Daimón pour finir incarnait certes l'obscurité, mais il existait bien pire fléau que ce dieu sans grande importance.

Penser autrement... ne pas se laisser leurrer par les idées les plus simples, celles que n'importe qui pouvait proposer. Ils devaient raisonner de façon unique pour l'emporter. Contourner les pièges ennemis, réfléchir comme eux dans le seul but de deviner la prochaine attaque, et la contrer de manière efficace. Yoongi comprenait où Jimin souhaitait les emmener.

Le Phénix se remémora à la hâte toutes les mentions d'énigmes qu'il avait rencontrées au cours de ses lectures. Les réponses se trouvaient toujours dans la question, dans ce petit twist linguistique qu'elle se permettait pour induire en erreur tout en mettant sur la bonne voie. Une particularité de la langue... l'énoncé était divisé en trois parties. Les deux premières, de toute évidence, étaient liées, mais la troisième... ?

Jimin était bien loin du général belliqueux et stupide que s'était figuré Yoongi en pensant aux Arixiens. Il s'agissait d'un militaire lettré, un roc auquel on pouvait se fier les yeux fermés. Yoongi lui confierait sa vie dans un haussement d'épaules s'il le lui réclamait.

Commence la nuit, finit le matin, représente le pire fléau de l'humanité...

Le Phénix tourna un regard vers Taehyung, dont il soupçonnait qu'il pourrait trouver la réponse. Lui aussi après tout s'avérait assez doué avec les mots pour comprendre le sens caché que Jimin avait sans doute attribué à sa phrase.