Chapitre 76

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« Le général arrive au lieu du rendez-vous. Il s'agit des jardins, au clair de lune. Son regard balaie les alentours. Il est seul. »

– Moon Sungpio, La dame de la lune.


Yoongi observa, hébété, l'homme aux yeux saphir qui se redressait face à lui. Mincheol, un Phénix ? Cela ne rimait à rien : les Princes représentaient la plus ancienne lignée de Sawa, on prétendait même qu'il s'agissait de la plus ancienne famille du Continent ! Il n'existait ici plus un Phénix depuis tant de générations qu'il demeurait impossible que Mincheol descende de ces gens chassés cinq cents ans plus tôt ! Le sang des mages devrait avoir disparu depuis bien longtemps !

Que lui cachait-il ? Qui était-il ?

« Allons discuter, mon ami. »

Cette appellation le fit frémir : même s'il savait que le Scorpion feignait cette proximité qui le dégoûtait, il ne pouvait s'empêcher de penser à Yua qui avait sans doute subi non seulement cette fausse proximité, mais bien pire encore. Cette ordure lui paierait ses actes tôt ou tard, il se le jura.

Yoongi, la pierre sortie de ses ténèbres, percevait son rayonnement. Il pouvait tenter de se débarrasser de son ennemi... pourtant, il avait désormais besoin de comprendre. Il aviserait ensuite, d'autant que Mincheol maîtrisait assez bien sa propre ombre pour endiguer le sort de mort. Il faudrait au Phénix trouver une nouvelle ruse pour le piéger.

Deux gardes maintinrent Yoongi sous leur emprise tandis qu'ils le guidaient dans une chambre toute proche, à la suite du Prince qui referma derrière eux. Le jeune mage découvrit alors une pièce ostentatoire, que l'élégance exagérée rendait presque de mauvais goût. Tout brillait, tout était coloré de pourpre, tout se voulait luxueux à l'excès. Pour avoir grandi dans une maisonnette de quelques mètres carrés, Yoongi n'apprécia pas le moins du monde ni la taille ni la décoration de ce cabinet de travail. Plusieurs fauteuils d'un cuir sombre étaient réunis dans un coin près de la porte autour d'une minuscule table basse sur laquelle tiendrait à peine un service à thé, des bibliothèques de documents tapissaient les deux murs qui couraient jusqu'au fond de la salle, où trônait un majestueux bureau de bois noir rangé à la perfection. Pas un parchemin ne dépassait des piles qui s'y trouvaient, et un pot doré contenait plusieurs crayons de toutes sortes.

Le fauteuil placé derrière ce meuble imposant ressemblait aux autres, à cela prêt qu'il paraissait davantage usé. Combien d'heures ce Prince de pacotille avait-il passées ici à ourdir son plan machiavélique ? Quand avait-il décidé d'arrêter d'être utile à son peuple au privilège de la guerre ?

Une odeur entêtante d'encaustique émanait du parquet tout juste ciré, et Yoongi remarqua aussi un brûle-parfum qui diffusait une fragrance bien plus ténue que la première, de sorte qu'il ne parvint pas à l'identifier – de l'encens qu'il venait juste d'allumer, peut-être. Tout semblait avoir été pensé pour la tête couronnée du pays, depuis les tapis de pourpre jusqu'au lustre de cristal.

Mincheol s'installa sur un fauteuil et invita son prisonnier à le rejoindre d'un geste courtois. Méfiant, ce dernier jeta un regard torve aux gardes qui ne bougèrent pas d'un pouce, immobiles et les yeux fixés devant eux tandis qu'ils encadraient la porte. Eux, il réussirait à les tuer sans mal.

Pour lors néanmoins, il désirait obtenir des réponses. Il observa les iris toujours bleus du Prince, qui croisa les jambes en lui adressant un rictus narquois. Yoongi s'assit sur un fauteuil face au sien, la table basse entre eux. L'air satisfait, Mincheol prit la parole.

« Oui, je suis un Phénix, moi aussi.

— Non, je... je refuse d'y croire, tu cherches à me leurrer.

L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant