L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]

Chapitre 18

« Un monde sans magie est la garantie d'un monde sans guerre. »

– Jang Jinwha, discours prononcé devant l'Assemblée des Cinq Peuples le 13 juin 712

Pour avoir dormi plusieurs heures au cours de la journée précédente, Yoongi ne s'étonna pas de se réveiller à l'aurore, avant Jimin. Ses maux s'étaient apaisés, et il se sentait prêt à passer des heures entières à chevaucher puis à s'entraîner. Si le désespoir l'envahissait à l'apparition de ses douleurs, quand enfin elles s'effaçaient, il en était ragaillardi, le cœur empli de courage et d'une profonde envie d'en découdre avec le Prince de Sawa.

Il quitta la tente, s'éloigna du camp pour se soulager, et croisa Jimin à son retour. Le général, encore en habits de nuit, le dévisagea d'un air incrédule qui surprit le Phénix.

« Jimin, tout va bien ? s'inquiéta-t-il.

— C'est plutôt moi qui devrais vous poser la question : vous aviez l'air au bord du gouffre hier soir, et vous voilà déjà debout, l'air capable de déplacer des montagnes.

— Même mes pouvoirs ont leur limite, plaisanta Yoongi.

— Eh bien, je suis heureux de vous voir sourire, je craignais que vos problèmes ne s'aggravent !

— Non, vous avez pourtant vu à plusieurs reprises qu'il suffisait d'un peu de repos pour que je retrouve mes forces.

— Vous aviez déjà eu une nuit de sommeil hier.

— C'est juste... j'imagine que j'avais vraiment dû dépasser mes limites, dans ce cas – je ne me rappelle rien.

— Vous voulez que je vous raconte tout en détail, n'est-ce pas ? soupira Jimin en constatant que Yoongi lui avait à plusieurs reprises avoué ne pas se souvenir, sans doute à dessein.

— J'apprécierais. »

Le général lui narra toute la scène. Yoongi, sans rien montrer de ce qu'il éprouvait, déglutit, acquiesça, et partit en direction de la tente en indiquant à son ami qu'il allait se préparer. Jimin ne le retint pas : il comprenait qu'il ait besoin de temps pour digérer ces informations.

Les troupes quittèrent le camp au lever du soleil, comme à l'accoutumée, et Jimin annonça qu'ils devraient atteindre leur destination ce soir même s'ils gardaient leur rythme de croisière. Un brouillard frais enveloppait les alentours, apportant au smaragdin de la vallée des nuances de gris et une atmosphère presque menaçante – du moins dérangeante.

Yoongi ravala ses craintes, conscient qu'elles sembleraient ridicules au général.

Parce que le paysage influençait ses états d'âme, sans doute, le Phénix se plongea dans de moroses considérations. Il repensait à ce que Jimin lui avait avoué, à ces larmes de sang qui lui avaient échappé sans qu'il s'en souvienne ensuite. Que signifiaient-elles ? Jamais auparavant il n'avait vu un soldat réagir de cette façon après un entraînement intensif, et la seule mention qu'il se rappelait avoir trouvée au détour d'un livre apparaissait non dans des écrits Phénix, mais dans le roman d'un auteur Serpent, Yon Palik. Le protagoniste y avait versé des larmes de sang, exténué par un combat pourtant perdu d'avance au terme duquel il s'était effondré, vidé de ses forces. Les Quatre Peuples avaient alors réussi à le capturer, et après une scène de torture qui l'avait longtemps marqué dans sa jeunesse, le Phénix expirait, signant le retour de la paix et l'anéantissement des siens.

Une fin aux airs de prophétie, quand on lisait aujourd'hui ce roman.

Jimin n'avait pas évoqué un nouveau changement de couleur permanent de ses yeux, et Yoongi avait vérifié dans un miroir : ils étaient restés identiques depuis le double meurtre de ses ennemis sawaï. Il ne comprenait toujours pas ce que cela signifiait, mais il détestait cette couleur plus sombre sur l'extérieur de son iris gauche.