Chapitre 35

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« Que ces monstres soient tous exécutés, jusqu'au dernier ! »

– Général arixien à l'occasion d'une harangue à ses troupes, an 726.


Taehyung naviguait entre son lit et sa cuisine pour grignoter tout ce qui lui passait sous la main. L'anxiété le rendait gourmand, il fallait qu'il s'occupe mais impossible de tenir en place plus de deux minutes – même son épopée ne contenait pas son angoisse. La réaction de Jungkook lui avait beaucoup déplu, et il ignorait s'il devait l'attribuer à de la jalousie ou bien à un autre sentiment quelconque. Peu importait.

Il sursauta quand un coup frappa à sa porte, et il ne reconnut qu'avec un temps de retard la façon de toquer de Jungkook, à qui il hésita à ouvrir. Que venait-il lui demander à cette heure ? La nuit avait déjà enveloppé de ses ténèbres le Continent, et la capitale s'endormait alors que quelques gouttes de pluie tombaient. Est-ce que le lieutenant... comptait lui réclamer des faveurs d'ordre physique ?

Un frisson d'inquiétude lui parcourut le corps, et quand l'homme insista, il se ressaisit. Il lui ouvrit mais resta debout devant l'entrée pour lui en empêcher l'accès.

« Bonsoir, je suis désolé je travaillais sur mon poème. As-tu besoin de quoi que ce soit ? »

Jungkook, vêtu de sa tenue de militaire – sans néanmoins s'être encombré de ses armes –, comprit le message implicite derrière la position de son aîné. Il se planta sur le seuil de la mansarde ; son visage prit un pli irrité.

« Désolé si je dérange, je voulais juste discuter. Tu sais, nous avions convenu que nous devrions reparler de... notre relation.

— Non, Jungkook. Tu as convenu que nous devrions en reparler. Je n'étais pas d'accord.

— Et pourquoi donc ?

— La raison me semble évidente : coucher avec toi ne m'apporte rien, si ce n'est un bien-être physique qui s'accompagne sans cesse d'un terrible accablement moral. Je n'agissais de cette façon que dans l'espoir de gagner ton affection, ce qui n'a pourtant servi à rien. Je ne t'en blâme pas, je n'ai jamais caressé l'idée de te forcer à m'aimer, mais à présent, je veux m'éloigner un peu de toi. Ne crains rien pour ton épopée, néanmoins : je te l'ai promise, je la rédigerai.

— D'accord pour l'épopée, mais... pourquoi est-ce maintenant seulement que tu décides que tu ne veux plus de moi ? Je suis convaincu que cela a un rapport avec Hoseok, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il te plaît ? Pourquoi persister à nier l'évidence ?

— Il ne me plaît pas, je me sens simplement plus proche de lui après trois jours que de toi après un an et demi !

— Comment oses-tu te plaindre de ce que tu as toi-même exigé ! cracha Jungkook. Je t'avais prévenu que je ne souhaitais aucune implication émotionnelle, tu l'as accepté !

— Je crevais d'amour pour toi, j'étais prêt à tout accepter pour te garder à mes côtés ! se défendit Taehyung. Mais je ne sais rien de toi, tu ne me laisses rien savoir à ton sujet ! Je ne me plains pas de notre incapacité à communiquer : je t'explique que c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de couper court à notre relation ! Je ne t'ai jamais reproché de garder tes distances, je l'ai accepté, et quand j'en ai eu marre, je suis parti, un point c'est tout. »

Il croisa les bras contre son torse, le regard chargé de défi. Jungkook le toisa puis se passa une main agacée dans sa tignasse qu'il décoiffa – il n'en parut que plus beau aux yeux de Taehyung, qui toutefois demeura stoïque.

« Tu ne peux pas me laisser tomber, lui opposa le lieutenant.

— Je t'ai dit que je t'écrirais cette épopée, ne t'en inquiète pas.

L'œil du Phénix [Yoonmin/Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant