Les Passions de Sarah - Tome I

Le Palace - 12

J'avais autrefois entendu Christine parler de frustration sexuelle sans jamais la comprendre car je ne l'avais ressentie. Ce soir-là, ce fut ma première expérience avec la frustration sexuelle. Tant de nouveautés pour moi en si peu de temps. Cette formidable flamme en moi qui ne pouvait être assouvie a fait ressortir le pire que je pouvais avoir en moi. J'avais ignoré mon homme, ignoré ma meilleure amie et pratiquement ignoré mes devoirs à l'hôtel. J'ai à peine dit « Au revoir » à Christine en partant à la fin de mon service.

Pour la deuxième fois, malgré avoir repris des forces et de l'énergie la veille, je suis rentrée chez moi pour dormir. J'avais encore une dernière chance de revoir Joaquim et c'était le soir-même. L'attente était trop lente alors je n'ai rien trouvé de mieux à faire pour passer le temps que de dormir.

Sur mon lit, mon esprit rassemblait mille et unes images, mille et unes idées. Je savais que j'étais en train de perdre le contrôle de ma vie mais je m'en foutais complétement. Ce soir, je coucherais encore avec Joaquim. Le lendemain il repartira et je ne le reverrai jamais, voilà tout. Je pourrais reprendre ensuite le cours des événements de ma vie ennuyeuse et réparer les maladresses que j'avais faites.

Christine ne serait pas au boulot cette fois, donc j'aurais le champ libre. Puis des idées plus inquiétantes me traversèrent l'esprit.

Et si la soirée spéciale d'Arthur ne se déroulait pas comme prévu et qu'il sollicitait mon aide ? Et si Estelle contrairement à ses habitudes venait contrôler ce qui se passait ? Et si Christine revenait faire des heures supplémentaires par besoin d'argent ? Et si Lucas débarquait à l'improviste pour me faire la surprise ? Et si et si et si.

Ces pensées s'entremêlaient dans ma tête et m'angoissaient au plus haut point.

« Non, il n'y a aucune raison pour ce que genre de choses arrive. Je travaille depuis longtemps à l'hôtel de nuit et on ne me sollicite qu'une soirée sur dix. »

Et si aujourd'hui aussi sera la dixième soirée ?

« Non, en réalité la soirée est très longue et je n'ai pas besoin de temps très long pour faire ce que j'ai envie de faire. Pourtant j'aimerais bien. »

Perdue dans mes pensées, je m'endormis.

Je fus réveillée vers midi par un téléphone de Lucas.

- Chérie, tu vas bien ?

- Lucas ? Quelle heure il est ?

- Il est midi passé.

- Ah.

- Comment ça Ah ? Tu es matinale d'habitude.

- Et alors Lucas, nous sommes le Samedi. Il n'y a pas le feu.

Là encore il eut un silence. Je ressentais son malaise et je comprenais. Il n'a jamais été dans mes habitudes de lui parler de cette façon. J'essayai de rectifier le tir.

- Je m'excuse Lucas, ces derniers temps ça n'a pas été facile pour moi avec le boulot et les examens qui arrivent.

- Je sais, répondit-il. Ça me navre que tu ne veuilles pas accepter mon aide, même temporairement. Si tu tiens tant à travailler, nous pourrons toujours te trouver un autre job quand tu auras fini tes examens.

- Lucas s'il te plaît... nous en avons déjà parlé. Je peux tenir le coup. Tu me connais non ?

- Oui mais je n'aime pas trop l'état dans lequel tu es actuellement.

Je ne répondis pas.

- Et si je passais te prendre ? Reprit-il. Il y a un restaurant sympa que je voudrais te faire découvrir. On pourra déjeuner, boire quelques verres et ensuite je te déposerais directement chez toi ou au boulot ?

- Non, je n'ai pas envie.

- Vraiment ?

Il y eut un court silence.

- Sarah, est-ce que tu me caches quelque chose ?

Cette question me terrifia mais je fis tout pour que le timbre de ma voix ne change pas.

- Je viens de te dire que j'étais fatiguée.

- Et moi je t'ai proposé d'aller quelque part te changer les idées et te détendre.

- Faisons ça demain.

- Un Dimanche ? Sérieux ?

- Oui c'est mieux. Comme ça, j'aurais bien dormi et je n'aurais pas de boulot le soir.

Le Dimanche soir était effectivement la seule journée où je ne travaillais pas.

- Bien, répondit Lucas après une longue pause, si c'est ce que tu veux. On se dit à demain alors ?

- C'est ça, à demain chéri.

- Je t'aime.

- Moi aussi.

Il raccrocha.

Je me sentais horriblement cruelle mais je ne pouvais rien y faire. Il y avait quelque chose que je devais faire et qu'il fallait absolument que je fasse sinon je ne sentais que ma santé mentale allait en pâtir.

« Un dernier péché, une dernière fois et ça sera fini. Je serai à la hauteur envers Lucas à partir de demain. »

Je me rendormis.

Le soir, arrivée au boulot, je me suis installée à mon poste.

« Voilà, maintenant plus que quelques heures à attendre. »

Joaquim appelait toujours vers deux heures du matin.

La parade habituelle des couples d'habitués se déroula devant mes yeux. A un moment donné la réception était pleine à craquer. Ensuite Arthur arriva et les invita etc. etc. Quel ennui, quelle routine. Pas pour ces gens là forcément mais pour moi surtout. Arthur me jeta un client d'œil qui me troubla. Me faisait-il un signe par rapport à mon aventure ?

Dieu merci, il ne réapparu pas de la soirée, ni personne d'autre d'ailleurs à part certains clients qui rentraient dans leur chambre. J'étais extrêmement nerveuse et j'avais peur. Peur qu'il n'appelle pas. Peur qu'il soit déjà parti. Peur qu'un événement imprévu vienne tout gâcher. Puis soudain, le téléphone sonna. Il me fallu moins d'une seconde pour décrocher.

- Réception ?

- I have a problem in my room (J'ai un problème dans ma chambre).

Mon coeur bondit dans ma poitrine. Enfin ! J'étais tellement surexcitée que j'ai oublié de dire « J'arrive. » Je raccrochais et je me dirigeais vers le couloir qui menait à l'aile. Et à mesure que j'avançais, je sentais une incroyable chaleur émaner de moi.

Arrivée devant la porte, j'ai sonné.