Déviance - 4

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Je sombrais encore.

Pierre était loin d'être aussi excitant qu'Elias ou Joaquim. Très loin de là. Certes, il était plus respectueux mais ce n'était pas vraiment le profil qui me faisait grimper aux rideaux. Pourtant, il devient très vite mon amant officiel.

Cet homme de quarante était pourtant à peine une version plus âgée de Lucas. Respectueux, inoffensif, avec une queue qui a un ou deux centimètres près n'était pas plus différente de celle de mon petit ami. Alors pourquoi ?

Il loua une garçonnière où on se donnait rendez-vous presque quotidiennement. Généralement tôt dans la matinée, sur mes instructions. Apparemment très prudent de nature, il utilisait toujours une capote pour me baiser et la baise était un tantinet plus sauvage qu'avec Lucas sans être ce que je voulais. Pourquoi je m'obstinais à aller voir cet homme ? Ce n'était pas ce que je voulais. Pourquoi je trompais encore mon petit ami avec une copie de lui ? Pourquoi continuais-je de mentir au monde ?

Avais-je seulement besoin de frisson ? Moins que cela, avais-je seulement besoin de baise ? Aussi normale soit-elle ? Allais-je être prisonnière de cette nouvelle obsession jusqu'à la fin de mes jours ?

Cette nouvelle habitude, combinée à mon obsession à la cacher au monde jeta dans mon cœur la première vraie tâche de ténèbres. Je ne devenais plus différente, j'étais littéralement devenue différente en à peine quelques mois. Août commençait et c'était à peine trois mois plutôt que Joaquim me révéla à moi-même et pourtant, c'était comme si ça remontant à dix ans.

Mon allure changea, ma posture changea, mon expression changea et même mon regard changea. Et ce n'était pas qu'une impression.

- Tu as le regard d'une vipère, me lança Christine une fois.

Elle ne m'avait pas vraiment pardonné ma mystérieuse escapade et me fit la gueule pendant quelques jours. Mais au bout du compte, elle ne put rester très longtemps en froid avec moi et recommença à me traiter normalement. Elle n'aborda plus le sujet de l'escapade, mais je compris qu'elle soupçonnait quelque chose. Et elle n'avait pas tort.

- Eh bien eh bien Sarah, me disait-elle, comment ça se fait qu'une nunuche aussi assommante que toi ait pu acquérir autant d'assurance en si peu de temps ? Tu devrais me présenter à ton coach de vie.

Je ne m'aventurais jamais sur ce terrain avec elle. Je me disais qu'il fallait juste laisser échapper un détail pour que Christine avec son esprit affuté fasse le lien avec tout le reste et découvre mon jeu. J'essayais de me comporter comme d'habitude mais il était clair que j'avais changé.

Peut-être était-ce le fait que j'étais soudainement devenue concentrée uniquement sur mes besoins qui fit que je ne m'intéressais plus beaucoup à ce que pouvaient penser les autres. Cette nouvelle attitude, aussi banale fusse-t-elle, me rendit apparemment beaucoup plus attirante aux yeux de tout le monde.

En fait, ne me préoccupant plus de ce que pouvaient penser les autres de moi et adoptant une personnalité plus décontractée, plus décomplexée, je devins une meilleure version de moi-même. Pourtant, mes habits étaient toujours les mêmes mais ce que j'inspirais changea du tout au tout.

Je sentais même à plusieurs reprises le regard de quelques clients qui s'attardait sur moi. Je n'aurais jamais remarqué ce genre de choses quelques mois auparavant. Des hommes de tout âge, la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, me reluquaient et parfois même osaient me faire des compliments. Je souriais sans répondre. Satisfaite de cette nouvelle aura que je dégageais.

Avec Pierre, bien que ce fût lui qui me baisait, c'était moi qui avais le total ascendant sur lui. Il ne décidait presque rien. C'était moi qui décidais des jours et des heures de nos rencontres et moi qui imposait le rythme. Lui, était heureux comme jamais et ne tarissait pas de compliments à mon égard, mais il ne me faisait ni chaud ni froid. Une fois que je le vidais, je partais, le laissant comblé et léthargique.

- C'est pour quand le voyage ? Me demanda Christine.

- Hein ?

- Vous partez pour Amsterdam Lucas et toi non ?

- Le 23.

- Chanceuse va.

Je ne répondis pas. Aller à Amsterdam avec Lucas ne me faisait pas vraiment quelque chose. Certes je voulais découvrir la ville et passer du temps avec Lucas mais en réalité, j'aurais aimé passer ces jours chez un amant viril et puissant comme Joaquim ou Elias, avec qui j'aurais pris beaucoup de plaisir.

Allais-je maintenant devenir comme ça ? Allais-je perdre petit à petit goût à tout au profil du plaisir de la chair ? Par moment l'idée m'inquiétait mais je savais me mentir à moi-même encore mieux que je ne mentais aux autres.

« Oh non, ne t'inquiètes pas Sarah. C'est forcément une phase transitoire, un truc hormonal sûrement. Bientôt, tu en auras marre de tout ça et tu redeviendras aussi chiante que tu l'étais auparavant. »

Je savais que ce n'était pas vrai, mais ces pensées réconfortantes me rassuraient. Mais j'étais totalement devenue une autre personne et j'adorais ça.

Pour mon naïf cerveau de jeune fille à l'époque, c'était comme si j'avais développé des super pouvoirs. Des super pouvoirs non éthiques mais diaboliquement efficaces. Moi, la gentille et soumise Sarah, j'étais capable à mon âge de jongler entre deux vies. A être la fadasse Sarah qui avait un gentil petit copain et qui étudiait sérieusement le matin et travaillait dur le soir, et à être au même temps une salope manipulatrice capable de tout pour attiser son appétit sexuel intarissable.

Et soudainement, le temps que je passais seule devint pour moi une oasis de tranquillité. Autrefois, je détestais passer la nuit seule à la réception les jours où Christine était absente. Maintenant j'adorais ça. J'adorais cette situation de solitude où j'étais seule avec mes démons intérieurs. J'appris même à jouer des regards avec les clients qui me reluquaient avec leurs regards lubriques, sans jamais sortir de mon rôle de réceptionniste bien sûr.

Une longue nuit s'était installée dans mon cœur et mon âme, mais c'était une nuit délicieuse, infini, pleine de plaisirs. Je m'occupais de moi et uniquement de moi.

- Comment tu t'appelles toi ? Dit soudain une voix. 

Les Passions de Sarah - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant