P3 - XXI.

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Je respire profondément en franchissant le seuil de la salle de réception, mes épaules raides sous la pression invisible de la soirée. Julie est impeccable à mes côtés, son bras glissant autour de ma taille avec cette aisance qui me rappelle combien tout ceci est faux. Pourtant, je m'efforce de jouer mon rôle, de maintenir l'illusion. Autour de nous, certains invités me lancent des regards furtifs, d'autres ouvertement désapprobateurs. Représenter le parti RN dans ce genre de cercle, c'est un poids que je porte en silence, mais ce soir, je n'ai pas le choix. Julie veut que je sois ici, à ses côtés, et je dois rester.

Je sens sa main sur mes hanches, légère mais présente, alors qu'elle engage la conversation avec quelques collègues. Je me force à sourire, à participer. Ils parlent de tout et de rien, de la réforme récente qui fait débat. Je tente de suivre, mais mon esprit est ailleurs, tourné vers Lucas qui, malgré mes messages, n'est toujours pas là. L'inquiétude monte en moi, même si j'essaie de la masquer.

- Tu dois bien avoir une opinion, non, Dan ? me lance Julie, cherchant à m'inclure.

Je m'apprête à répondre, mais mon regard s'accroche à celui de Lucas, qui vient tout juste d'entrer. Et là, le monde autour de moi disparaît. Il est si... différent. Élégant et déroutant à la fois. Son costume noir, sans cravate, la chemise légèrement ouverte laissant entrevoir un morceau de tatouage sur son cou. Ses cheveux bouclés parfaitement en place, et ses piercings captant la lumière tamisée. Il ne ressemble à personne ici, et c'est précisément ce qui le rend impossible à ignorer.

Ma voix s'éteint. Mes mots restent en suspens, et je sens Julie et ses collègues me regarder, attendant que je continue. Mais je n'y arrive pas. Je suis captivé, comme toujours.

- Veuillez m'excuser, dis-je d'une voix basse.

Je m'excuse poliment avant de me frayer un chemin à travers la foule, l'angoisse grandissant en moi. Lucas n'a pas répondu à mes messages, et son absence de réponse, maintenant qu'il est là, m'inquiète davantage. Je me rapproche de lui, mais avant que je ne l'atteigne, quelqu'un interrompt notre échange de regards.

Gabriel.

Je me retrouve face à lui, pris au dépourvu. On se croise tous les jours, mais jamais comme ça. Jamais dans ce contexte.

- Salut, Dan... murmure Gabriel, les yeux baissés, une gêne visible sur son visage.

- Salut, réponds-je, mal à l'aise, le cœur battant à un rythme irrégulier.

Le silence qui suit est lourd, presque douloureux. Gabriel a l'air aussi perdu que moi dans ce moment étrange. Il finit par parler, sa voix timide, fragile.

- Je voulais te parler de Marie. Elle est... bizarre, ces derniers temps. Elle ne me parle plus. Et je crois qu'elle t'évite aussi, non ?

Je hoche la tête, essayant de comprendre ce qui se passe avec elle. J'ai senti la distance, mais je n'y ai pas vraiment prêté attention, trop absorbé par le travail qu'elle me donne.

- Peut-être qu'elle est juste mal à l'aise avec toute cette situation, je ne sais pas... je réponds, sans grande conviction.

Gabriel secoue la tête.

- Non, c'est plus que ça. Je l'ai croisée l'autre jour, et elle était avec...

Il n'a pas le temps de terminer. Un homme s'approche, posant une main possessive sur son épaule. Je sais immédiatement de qui il s'agit. Matthieu, c'est ça. Le nouveau.

- Salut, dit-il avec un sourire en coin, tendant la main. Je suis Matthieu.

Je serre sa main machinalement, mais je n'écoute plus. Mes pensées sont déjà ailleurs, vers Lucas, que j'ai perdu de vue.

Un sourire triste traverse mon visage, et je lance un dernier regard à Gabriel, murmurant doucement :

- Content que tu sois heureux.

Gabriel me regarde, légèrement surpris, mais je n'attends pas sa réponse. Je m'éloigne, mon cœur battant plus fort. Lucas. Où est-il ?

Je balaie la salle du regard, traversant la foule sans vraiment la voir. Finalement, je l'aperçois, dans un coin isolé. Il est avec sa mère, Marie. Leur conversation semble tendue. Je repère Lucas dans un coin, légèrement en retrait, face à sa mère. Il se tient raide, les épaules voûtées, et ses mains jouent nerveusement avec le bord de sa manche. Un tic que je ne lui connaissais pas. Il la frotte entre ses doigts, la torturant presque, comme s'il cherchait à évacuer une tension qu'il ne parvient pas à contenir. Il a l'air tendu, presque fragile, et je réalise soudain à quel point il est bouleversé. Ce n'est pas son visage que je vois, mais tout dans sa posture crie la détresse.

Je me précipite vers lui, posant une main sur son épaule.

- Lucas... qu'est-ce qui se passe ?

Il sursaute, se tournant brusquement vers moi, et quand nos regards se croisent, mon cœur se serre. Ses yeux bleus, d'habitude pleins de malice et de lumière, sont remplis de larmes. Il détourne aussitôt le regard, cherchant sa mère des yeux.

- Je suis désolé... murmure-t-il avant de s'éclipser à grandes enjambées.

Je reste figé. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Je me tourne vers Marie, qui semble étrangement calme malgré la situation.

- Marie, qu'est-ce que tu lui as dit ?

Elle lève les yeux vers moi, un sourire forcé aux lèvres.

- Tu connais Lucas, il en fait toujours des caisses, lance-t-elle d'une voix légère, presque désinvolte.

Je fronce les sourcils. C'est tout sauf vrai. Lucas ne dramatise jamais, il garde tout en lui.

- Non, justement. Il n'en fait jamais des caisses. Dis-moi ce qu'il s'est passé, Marie.

Elle me regarde un moment, son expression s'adoucissant. Elle baisse les yeux.

- Je regrette... murmure-t-elle.

Je soupire, profondément agacé par son manque d'explications. Je n'ai pas le temps de rester là à chercher des réponses qu'elle ne veut pas me donner. Lucas est déjà parti depuis plusieurs secondes, et je sens l'urgence grandir en moi. Je dois le retrouver.

Sans un mot de plus, je tourne les talons et me dirige vers la sortie. En chemin, je croise à nouveau Gabriel. Nos regards se croisent, et il m'adresse un sourire discret, presque approbateur. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il veut dire par là, mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir.

Je franchis la porte d'un pas rapide, l'air frais de la nuit me frappant au visage. Mon cœur bat à tout rompre, mes yeux fouillent l'obscurité à la recherche de Lucas.

...

🫰🏻
C'est peut-être LE moment, qu'en pensez-vous ?

PRÊTS À TOUT [ ATTAL X BARDELLA ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant