P3 - VIII.

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Cela fait des jours que la maison est vide. Le silence est assourdissant, pire que tout. C'est drôle, non ? Avant, je pensais que le silence était une bénédiction, un moyen de me ressourcer. Mais là, il me bouffe. Il m'étouffe. Et la raison... c'est Dan.

Je suis ridicule, hein ? Dan, je le connais depuis quoi ? Deux mois, à peine. Et pourtant... pourtant, il me manque comme si ça faisait des années qu'on vivait ensemble, qu'on se connaissait par cœur. Comment expliquer ça ? Comment décrire ce que je ressens sans avoir l'air d'un abruti ? C'est pas comme si c'était logique.

Deux mois. Ça semble dérisoire, mais quand tu passes chaque jour avec quelqu'un, quand tu partages tes pensées les plus sombres, quand tu te retrouves à veiller sur lui comme si ta vie en dépendait... ça crée des liens, des trucs que tu contrôles pas. Dan m'a sauvé la vie, et je lui ai rendu la pareille. Peut-être que c'est ça, au fond. Peut-être que ça, ça change tout. Quand quelqu'un t'empêche de sombrer, de te briser complètement, tu sens un lien, une connexion. Et cette connexion, elle va bien au-delà de l'amitié. C'est viscéral.

Je ne sais pas comment l'expliquer autrement. Vous connaissez ce terme, « âme sœur » ? Ouais, je sais, c'est ringard, un peu cliché, mais... pour moi, Dan, c'est ça. Une âme sœur, c'est pas forcément romantique, c'est pas des papillons dans le ventre ou des grandes déclarations d'amour. C'est quelqu'un qui te comprend sans que tu dises un mot, qui sait ce que tu ressens, qui te voit tel que tu es, même quand toi-même t'arrives plus à te regarder en face.

Et avec Dan, c'est ça.

Il est arrivé dans ma vie comme un coup de vent, sans prévenir, sans que je m'y attende. Et très vite, il a pris toute la place. Quand t'es avec quelqu'un non-stop, que tu partages chaque instant, chaque foutu moment... tu finis par te lier à cette personne d'une manière que même toi tu ne comprends pas. C'est lui, et moi. Et c'est tout.

Il y a des jours où je me dis que je suis complètement fou de penser ça. Après tout, il a Gabriel, et ils sont heureux. Enfin... je crois. Ça devrait être suffisant pour moi, non ? Juste me réjouir pour lui, et passer à autre chose. Mais au fond de moi, je sais que c'est pas si simple.

Ce sentiment, ce lien, cette putain de connexion... c'est plus fort que moi.

Et maintenant, il est parti. Avec Gabriel. Parce que je l'ai poussé à partir. Parce que c'était la bonne chose à faire, pour lui. Mais depuis qu'il a franchi cette porte, je me sens vide. Comme si j'avais fait la plus grosse connerie de ma vie. Parce que je l'ai perdu. Pas physiquement, non. Mais je sens qu'on s'éloigne, qu'il est déjà à des kilomètres de moi. Et chaque jour qui passe rend cette distance plus réelle, plus douloureuse.

Je me passe une main sur le visage, tentant de chasser ces pensées. Mais avant que je puisse m'enfoncer davantage dans mes regrets, le bruit de pas lourds retentit derrière la porte.

Eux. Ils sont là.

Je le savais. Je savais qu'ils reviendraient. Je les entends bien avant qu'ils ne frappent. Leurs voix graves, ce ton méprisant. Les deux types qui m'ont fait comprendre, l'autre soir, à quel point je suis dans la merde.

Ils entrent sans attendre que je les invite, comme si cette maison leur appartenait. Je ressens cette même tension que la dernière fois, ce mélange de peur et de haine.

- Salut, Lucas, commence-t-il avec ce sourire de prédateur. On se demandait comment t'allais... avec tout ce qui te tombe dessus, t'as l'air de gérer, non ?

Je serre les dents. Ils ne sont pas là pour des amabilités.

- J'ai pas pu... J'étais à l'hôpital, je vous l'ai déjà dit, balbutié-je. Je me suis fait voler la marchandise pendant que j'y étais.

Ils éclatent de rire, comme si ma situation était une blague.

- Et on doit te croire ? siffle le plus petit en allumant une cigarette. Tu sais, Lucas, on commence à perdre patience avec tes excuses.

Le grand s'avance encore, son visage à quelques centimètres du mien.

- On t'a confié quelque chose, et t'as merdé. Maintenant, on veut notre argent. Ou alors... t'es prêt à payer d'une autre façon ?

Je ne bronche pas. J'ai vu bien pire que ce qu'ils me demandent. Alors, la menace est prise avec un détachement calculé.

- Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? murmuré-je, résigné.

Le plus grand éclate de rire cette fois.

- On veut que tu fasses un tour dans une vieille bâtisse en pierre. Une belle baraque dans les hauteurs. Collection privée de montres de luxe. Tu rentres, tu prends ce qu'on te dit, et tu sors. Simple, non ?

Je hoche la tête, un sourire amer étirant mes lèvres. C'est un cambriolage, mais je ne suis pas effrayé. J'ai fait pire, bien pire. Voler des trucs de luxe, ça ne me fait pas peur. Sauf que, cette fois, c'est pour une dette, et la pression est différente.

- Et si je refuse ? demandé-je, la voix calme.

Le plus petit s'avance cette fois, son regard se plantant dans le mien avec une froideur glaçante.

- Si tu refuses... ce sera Dan qui en paiera le prix. Tu sais, ton petit pote, là. Le gars qui s'est pointé pour t'aider. Ce soir, il passe à la télé, sur France 2, non ? On l'a vu, il a de l'avenir ce mec. Ce serait con qu'il lui arrive quelque chose, tu crois pas ?

Mon cœur rate un battement. Ils menacent Dan. Je ne suis pas surpris, mais ça me met en rage. Pourtant, je garde mon calme.

- Vous aurez ce que vous voulez, dis-je simplement. Quand ?

Le grand sourit, satisfait.

- On te laisse jusqu'à ce soir. Pas d'excuses cette fois, Lucas. On veut tout ce qu'on a demandé, et vite.

Ils se tournent et quittent la maison, me laissant là, seul avec mes pensées.

Je regarde mon téléphone, et une notification apparaît. Une adresse, à quelques kilomètres de Paris. Mon cœur s'emballe en réalisant que c'est là que je dois me rendre pour le cambriolage.

Puis, un nouveau message arrive, Dan. Je l'ouvre avec une impatience mêlée d'angoisse :

Salut Lucas, j'ai un plateau télé ce soir. J'aimerais vraiment qu'on se voie après, si tu es dispo. J'ai besoin de te parler et de te voir.

...

PRÊTS À TOUT [ ATTAL X BARDELLA ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant