P3 - XXXIV.

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Je me souviens de cet après-midi comme si c'était hier, chaque détail gravé dans ma mémoire, chaque moment comme une plaie béante qui refuse de cicatriser. Je revois le visage de Julien, le père de Dan, cet homme que j'ai toujours redouté. Il était là, menaçant, le regard noir, prêt à exploser. C'est comme si, à cet instant, tout ce que j'avais imaginé de pire s'était matérialisé devant moi. Je savais qu'il était dangereux, je l'avais toujours su. Mais jamais je n'aurais cru que ça irait aussi loin.

J'aurais dû faire quelque chose. Intervenir, dire un mot, n'importe quoi. Mais j'étais paralysé, figé par la peur. Mon corps ne répondait plus. J'ai vu Julien lever cette arme, j'ai vu la scène se dérouler comme au ralenti, et je n'ai rien fait. Et puis, soudain, Lucas s'est interposé. Il s'est jeté devant moi. Une fraction de seconde, c'est tout ce qu'il a fallu. Le coup de feu a éclaté, et Lucas... Lucas a pris la balle.

Pour me sauver.

Et maintenant, plusieurs jours plus tard, cette scène continue de me hanter. Lucas est mort pour moi. Dan est resté en garde à vue pendant tout ce temps, enfermé dans un silence glacial. Accusé de tentative de meurtre contre son père, même si c'est lui qui avait vu Lucas mourir sous ses yeux. Dan n'a rien dit, rien fait pour se défendre. Il n'a même pas demandé d'avocat. Il était comme un fantôme, comme s'il n'avait plus rien à perdre. J'ai supplié les policiers, je leur ai raconté ce que j'avais vu, et plusieurs collègues ont fait de même. On a plaidé en faveur de Dan, expliquant qu'il avait perdu le contrôle à cause du traumatisme. Finalement, grâce à cela, Dan a été relâché aujourd'hui.

Il est dans la voiture, à côté de moi, mais il est toujours absent, figé dans une bulle de douleur et de colère. Je tente de lui parler, de lui dire quelque chose, mais ses yeux sont vides, rivés sur le paysage défilant à travers la vitre. Finalement, je me risque à rompre le silence.

- Tu es sûr de vouloir rentrer chez toi ? Après tout, là-bas, tout te fera penser à...

- Je suis sûr, répond-il froidement.

Je sais que là-bas, tout lui rappellera Lucas. Chaque meuble, chaque objet. Est-il vraiment prêt à affronter tout cela ? Peut-être qu'il serait mieux chez moi, juste le temps qu'il trouve un peu de paix.

- Peut-être que tu pourrais rester chez moi, au moins pour cette nuit, tu n'as pas à tout affronter si vite... essayai-je encore, le ton hésitant, mes doigts crispés sur le volant.

Dan ne réagit pas immédiatement. Puis, soudain, sa voix éclate, tranchante, pleine de rage.

- Ramène-moi chez moi, Gabriel ! crie-t-il. Putain, s'il te plaît... murmure-t-il cette fois m'offrant une vue sur ses yeux emplis de larmes.

Je serre les dents, mon cœur se serre, j'espère qu'un jour il s'en remettra. Je ne veux pas le brusquer, mais la façon dont il rejette tout, sans même écouter, me fait mal. Je finis par hocher la tête, sans dire un mot de plus. Après tout, je n'ai pas le droit de lui imposer quoi que ce soit.

Quand nous arrivons devant son immeuble, il sort de la voiture en claquant la portière sans un mot. Je le regarde s'éloigner, gravissant les marches vers l'entrée de son appartement sans même un regard en arrière. Une tension me traverse. Je devrais partir. Lui laisser de l'espace. Mais une part de moi refuse de le laisser seul dans cet état. Alors je sors de la voiture à mon tour et je me précipite derrière lui.

Je monte rapidement les escaliers, le cœur battant fort dans ma poitrine. Quand j'arrive à son étage, il est déjà devant la porte de son appartement, sur le point de rentrer.

- Dan, attends...

Il s'arrête, la main sur la poignée, mais ne se retourne pas. Je me tiens à quelques pas de lui, sentant le malaise grandir. Je ne sais même pas ce que je veux lui dire, mais je ne peux pas le laisser comme ça.

- Écoute... tu n'as pas à affronter tout ça seul, d'accord ? Je... je suis là. Tu peux rester chez moi, juste un peu de temps, jusqu'à ce que... que les choses aillent mieux.

Il ne répond pas, mais je le vois hésiter une seconde. Son dos se tend, et je peux presque sentir la bataille intérieure qui se joue en lui. Finalement, il secoue la tête.

- Que les choses aillent mieux ? Dit-il un rire sarcastique traversant ses lèvres. J'ai besoin d'être chez moi, Gabriel. Va-t'en.

Sa voix est dure, froide. Je m'avance un peu plus, jusqu'à ce que je sois juste derrière lui, presque trop près.

- Je comprends... dis-je doucement, la voix presque brisée. Mais je ne veux pas que tu restes seul... pas maintenant.

Pour toute réponse, Dan ouvre la porte et me la referme violemment au nez, sans un mot de plus. Le bruit sec résonne dans le couloir, me laissant planté là. Je ferme les yeux, j'ai l'impression que des larmes accident les emplissent.

Et c'est à ce moment-là que mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je soupire en le sortant, jetant un coup d'œil rapide à l'écran.

Matthieu.

Je jure à voix haute, agacé. C'est la dernière chose dont j'ai besoin en ce moment. Matthieu, mon petit ami, qui veut sûrement savoir où je suis, pourquoi je ne donne plus de nouvelles, et comment je vais. Mais comment je pourrais lui parler là, maintenant, alors que mes pensées tournent autour de Dan ?

Je fixe l'écran un instant, ma respiration encore lourde de frustration, puis je décroche enfin, résigné.

- Ouais, dis-je d'une voix tendue.

Mon cœur bat plus vite, et le sentiment de culpabilité que je ressens depuis des jours ne fait qu'empirer.

...

Pardon pour l'attente, faut croire que j'étais en deuil.
🥀.

PRÊTS À TOUT [ ATTAL X BARDELLA ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant