41. 💢 Ahmed 💢

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C'est à dix-huit heures que Rémy se retrouva seul dans l'appartement et il n'aimait clairement pas ça. Tout était trop calme, trop grand pour lui. Il se rendit rapidement au petit magasin du coin pour s'acheter des cigarettes puisque Florian n'était pas là, puis se posa devant la télévision afin de regarder quelques épisodes de la série "The Great" sur HBO. Il aimait beaucoup le côté déjanté du programme, qui lui permettait de ne penser à rien. Alors qu'il fumait cigarettes sur cigarettes en vidant une bouteille de Pepsi, il reçut un message de la part d'Ahmed.

○ Si mon père voit mon nez, je vais me faire tuer... Quel merdier.

○ T'es pas encore rentré ? Tu fais quoi ?

○ Non... Je traîne dans un parc. Mon père n'est pas du genre à rire.

○ Tu veux dormir à l'appart' ce soir ?

○ Ça ne te dérange pas ? Florian va rien dire ?

○ T'inquiètes, allez viens, on commandera des frites...

Rémy en savait assez peu sur le père de son ami, mais il savait ce que c'était de ne pas savoir où aller et il était certain que Florian comprendrait. Il n'y avait aucun mal à aider un ami et il fallait bien avouer qu'il en avait peu. Quitte à passer la soirée seul, au moins, ils seraient deux. C'est trente minutes plus tard que le garçon fit son entrée chez lui, le visage fatigué.

- Journée de merde... J'ai vraiment merdé... dit-il au blond en s'asseyant.

- Ça arrive. C'est clair que tu aurais dû garder ça pour toi, mais t'as ramassé un beau coup dans la gueule en retour, vous êtes quitte...

- Florian est parti ?

- Malheureusement, ouais... Ça me fout le cafard quand il part... répondit Rémy. Au fait, ça ne va pas avec ton père ?

- Il est assez strict, enfin, tu vois le genre. Si je rentre avec le nez en compote, il va me péter la gueule en pensant que j'ai fait des conneries. S'il sait que je suis gay, je me fait égorgé sur place. Chez nous, avec la religion et tout ça, c'est pas trop apprécié...

Rémy soupira un moment en trouvant la situation terriblement triste. A côté, la sienne lui semblait bien facile malgré ses problèmes. Il avait d'ailleurs beaucoup de chance, puisqu'on lui avait prêté un appartement et qu'il avait un super petit-ami.

- Il ne se doute pas que tu es homo ?

- Si, je suis sûr que si, ça se voit à cent kilomètres mais dans ma famille, ils préfèrent jouer les aveugles. Après, je fais beaucoup plus attention à la maison, je joue un peu les hétéros, j'essaie de pas rouler du cul et de changer ma façon de parler mais même, je sais que c'est flagrant. Mais si ça devenait officiel, s'ils en avaient la preuve, là, ça serait pire qu'un drame pour eux, ça serait une honte...

Les parents d'Ahmed s'étaient installés en Belgique il y a de cela vingt ans. Marocains, musulmans et très croyants tous les deux, ils n'aimaient pas particulièrement les mœurs occidentales et avaient beaucoup de mal à s'habituer à la culture européenne. Le mariage gays, les transgenres, les femmes en mini jupes, les séries Netflix trop osées, les manifestations de soutiens à Israël non loin de chez eux ou encore l'avortement avaient l'art de leurs donner de l'urticaire et il était hors de question que leur seul fils ait l'intention de prendre les gens de leur pays d'adoption en exemple. Une fois, Ahmed, qui avait onze ans, avait eu le malheur de vouloir un paquet de saucisson de jambon au supermarché et s'était retrouvé à terre en quelques secondes, la joue presque en sang.

- Comme je disais la tantôt à Florian, on est bientôt majeur... Si ça peut te consoler... lui dit Rémy, le regard plein de compassion.

- C'est malheureux mais je leur dirai "Adieu" dès que j'en aurais l'occasion... Je rêve juste d'être comme Flo et toi... Et d'avoir une relation comme la vôtre.

Just Love MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant