Cela fait cinq heures. Cinq heures déjà que je me morfonds dans ma chambre, allongée sur mon lit, en regardant le plafond. Il est seize heures passées et je ne me suis même pas présentée à table ce midi, malgré les protestations de Zack et des autres. Je me sens coupable de ce qui arrive à Zorak même si au fond, je sais que je n'y suis pour rien. En plus, j'ai beau retourné encore et encore la chose dans ma tête, je ne sais pas comment nous allons va faire pour le délivrer, de surcroît sans la certitude qu'il soit encore en vie. « Eramo trouvera une solution ». Voilà le seul espoir qui me permet de ne pas me frapper la tête contre un mur afin de me punir d'avoir révélé une telle information au camp ennemi.
Avec toute cette histoire, j'ai complètement oublié de demander à Eramo si je pourrais participer aux missions de sauvetages à l'avenir. À mon avis, il aura certainement trop peur que je mette en péril une mission si l'autre abruti qui m'a hypnotisé décide de remettre ça...
Tout à coup, une idée me vient à l'esprit : « C'est toi et toi seule qui doit sauver Zorak ». Je me redresse en position assise. Bien sûr, c'est normal ! C'est moi qui l'ai mis dans ce pétrin, c'est donc à moi de l'en sortir. Mais comment m'y prendre ? J'établis rapidement un plan dans ma tête.
Tout d'abord, trouver la réserve d'armes. Il y en a sûrement une quelque part dans le camp, je prendrais un ou deux pistolets avec un poignard, histoire d'assurer ma sécurité. Ensuite, voler un vaisseau. Franchement, je crois que cette partie sera la plus compliquée... A moins que ce ne soit celle où je devrais nous emmener -le vaisseau et moi- à bon port sans une égratignure. Il faudra que je prenne des provisions, car je mettrai certainement plusieurs jours à mener mon enquête à Madagascar, et encore plus de temps si je découvre que les Amoqs Haeras le retiennent ailleurs que sur l'île. Si j'ai de la chance, je tomberai peut-être sur les survivants que Zorak était venu chercher, et ils sauront éventuellement quelque chose.
La grosse difficulté de ce plan réside cependant dans ma disparition du camp sans me faire remarquer, et de ma capacité à ne pas me faire tuer par les Amoqs Haeras qui seront peut-être sur place. C'est pour ça que le terme « plan suicide » me paraît désormais plus approprié. Je n'ai pas vraiment confiance en moi. Je ne suis pas sûre de réussir. Mais c'est le seul moyen que j'ai pour atténuer ce sentiment de culpabilité qui m'enserre la poitrine.
* * *
Ce soir, je mange à table avec tout le monde. Personnes ne me demandent pourquoi je n'ai pas voulu venir manger ce midi, pas même Kayna, bien qu'ils aient tous l'air de s'en soucier. Après le repas, je prends une douche -certainement la dernière avant longtemps- puis m'enferme dans la chambre jusqu'à être sûre que tout le monde dort. En silence, je prends des vêtements de rechange que je fourre dans un sac de sport noir qui traîne dans mon armoire. Je sors dans la salle à manger pour me rendre à la cuisine. Je vide le frigo en mettant dans mon sac tout ce que je peux trouver, que ce soit périssable ou non, et m'attache ensuite à faire la même chose en fouillant les placards. Je m'apprête à ouvrir un tiroir, mais stoppe mon geste au dernier moment. A force d'avoir toujours été sur mes gardes durant ces années de cavales, j'ai développé comme un sixième sens, quand quelqu'un ou quelque chose m'observe ou m'approche, sans le voir n'y forcément l'entendre, je sais qu'il est là.
- C'est qui ? demandé-je sans me retourner.
Aucune réponse. Je finis finalement par me tourner vers la personne. J'écarquille les yeux en découvrant le visage du garçon qui se tient devant moi.
- Tyler ?
Il me regarde droit dans les yeux et je vois bien qu'il se demande ce que je suis en train de fabriquer dans la cuisine, en pleine nuit, sans aucune lumière allumée. Plus les secondes passent et plus il semble commencer à comprendre que je fais quelque chose de louche. Il s'écoule une éternité -durant laquelle nous nous fixons comme des demeurés- avant qu'il ne me demande d'un ton méfiant :
- T'es qui ?
- Jennifer. Je suis arrivée ici il y a maintenant presque un mois, avec mon petit frère, lui expliqué-je, mal à l'aise.
- Qu'est-ce que tu trames ?
- Rien du tout.
- C'est ça, fou-toi de moi, me dit-il avec un sourire en coin.
- Occupe-toi de tes affaires, je lui réponds sur la défensive.
- C'est aussi ma maison, donc ce sont aussi mes affaires.
- Ah ouais ? Pourtant, je pense que cette cuisine m'a plus souvent vu que toi !
Il me foudroie du regard et un frisson me traverse le corps malgré moi. Ce type, avec ses un mètre quatre-vingt-cinq, ses yeux bleu glacier et ses cheveux blonds façon surfeur respire l'arrogance. Il me suffit de le regarder pour savoir que c'est exactement le genre de personne qui m'insupporte.
- Dépêche de me dire ce que tu fabriques ou je réveille les autres.
Je vais le frapper ! Il va tout gâcher, je ne vais pas pouvoir partir et je me lèverai tous les matins avec le ressenti d'avoir abandonné Zorak ! Je suis dos au mur. Soit je lui dis ce que je compte faire, soit je subis un interrogatoire de la part des autres. Dans les deux cas, ça me retombe dessus. Je tente vainement de m'en sortir :
- J'avais faim, alors je suis venue chercher un truc à grignoter.
- Ah ! Tu me prends pour un abruti ou quoi ? Tu dois avoir drôlement faim pour prendre toute la bouffe et l'entasser dans un sac.
- Parle moins fort, on va t'entendre ! chuchoté-je.
- Et alors ? T'as un truc à te reprocher ?
Quel enquiquineur ce mec ! Je m'attendais à voir un gars timide, amaigri et maniaco-dépressif le jour où je le rencontrerais pour la première fois. Mais non, il a même plutôt l'air de bien se porter. Je respire un bon coup, désormais je n'ai plus le choix, je dois tout lui raconter.
- Zorak est en mauvaise posture par ma faute, je compte me rendre à Madagascar afin de le ramener ici.
Tyler hausse les sourcils comme pour me dire « T'as aucune chance ! », mais s'abstient de tout commentaire. Je baisse les yeux sur mes chaussures, incapable de soutenir son regard plus longtemps, je déteste ces moments de silence, ça me met mal à l'aise, il semble le remarquer car il raille :
- T'as aucune chance !
Je manque de pouffer de rire face à l'ironie du sort, mais me retiens.
- Bon, ça y est, je peux partir ? lancé-je nonchalamment.
- Pardon ?! J'ai peut-être l'air d'un beau salaud mais c'est pas mon trip de laisser les gens se suicider, il y a eu assez de morts comme ça ces dernières années.
Sur le coup, sa réponse me surprend, il ne se désintéresse pas complètement de ce qui peut m'arriver contrairement à ce que je pensais. Je me suis peut-être trompée sur son compte. Je reste bouche bée, étonnée, mais finis par balbutier :
- De toute façon, tu... tu ne m'arrêteras pas !
Il me fixe intensément, j'ai l'impression qu'il me sonde du regard, comme pour découvrir je ne sais quoi d'enfoui profondément en moi.
- Alors... je viens avec toi, renchérit-il.
- Il n'en est pas question !
- Je tiens à t'aider.
- Pourquoi tu m'aiderais d'abord ?
- Parce que je sais ce que ça fait de vouloir retrouver quelqu'un à tout prix.
C'est vrai qu'il a perdu sa sœur... Mais est-ce que je dois accepter son aide pour autant ? Je ne sais pas pourquoi je suis si réticente à l'idée qu'il m'accompagne. Peut-être que j'espérai enfin pouvoir prouver mon aptitude à me débrouiller seule. D'un autre côté, je l'ai prouvé souvent, ces dernières années. Oh et puis après tout ce n'est pas comme si j'avais le choix !
- Prends des vêtements de rechange, je ne sais pas quand on reviendra... Ni même si on reviendra d'ailleurs.
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Que pensez-vous de Tyler ?
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Aeternam Galaxia
Science FictionLa Terre. Planète dominée par l'espèce humaine depuis des milliers d'années. Mais ceci est en train de changer... En 2029, la Terre est bien différente de celle que nous avons pu connaître par le passé. Extraterrestres et humains se combattent sans...