➳ Chapitre 59 : Yoran

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Je ne saisis que quelques mots de la discussion qui se fait entendre à une dizaine de mètres de nous, mais c'est amplement suffisant. Je comprends que les soldats font partie de l'équipe envoyée pour enquêter sur la mort des gens affectés à la base scientifique. Ils savent qu'un groupe d'humains vit dans le coin, et que des Haeras les ont rejoint pour leur prêter main forte. Ils sont également au courant que deux membres de la Secte sont recherchés, sans savoir pourquoi, et s'interrogent donc sur ce qu'ils devront faire de nous s'ils nous trouvent. Jamais la Secte ne laissera échappée que deux de ses disciples l'ont trahie. Pourtant, c'est bien présomptueux de la part de mes anciens chefs que de penser pouvoir nous retrouver en fournissant si peu d'informations à l'équipe de recherche... À moins qu'ils n'aient envoyés leurs propres chasseurs parallèlement, ce que je redoute beaucoup. Bien que j'ai pu faire partie de la Secte, un combat contre l'un de ses membres serait des plus compliqués, notamment parce qu'il pourrait prévoir mes coups d'avance. Et s'ils sont plusieurs, l'issue serait rapidement fatale pour Seya et moi.

Ils restent sur cette route, à quelques pas de nous, durant un temps qui me paraît interminable. Je m'attends à chaque instant à voir fuser des tirs plasmas autour de nous. Pourtant, ils finissent enfin par poursuivre leur chemin, se dirigeant lentement en direction de la rivière au bord de laquelle nous nous étions arrêtés auparavant. Pourvu que nous n'ayons laissé aucune trace, prié-je silencieusement. Paralysés par cette impression que la Mort les a une nouvelle fois frôlée de près, les humains semblent encore retenir leur souffle, bien que le danger soit désormais écarté. Même les chiens restent tapis dans les fourrés, immobiles, peut-être ressentent-ils l'inquiétude de leurs maîtres comme si elle était la leur. Je me lève et les encourage à en faire autant. Christophe grommelle quelques indications contraire, mais force est de constater que nous ne risquons plus rien, il finit par ordonner à tout le monde de se redresser.

- Nous devrions nous dépêcher d'avancer, leur conseillé-je alors. S'ils descellent des traces de notre passage, ils reviendront par ici.

- Tu as raison, concède Christophe.

- J'espère qu'ils ne se dirigeront pas vers la grotte, s'inquiète Eric, ses pensées allant certainement à ses enfants restés là-bas.

- Avec toute la végétation qui obstrue l'entrée, peu de chance qu'ils remarquent sa position, tente de le rassurer Brooke.

De peur d'effrayer le père et de le faire rebrousser chemin -le mettant du même coup en danger-, je décide de ne pas leur révéler que les équipes de recherches sont souvent équipées de radars thermiques, qui leur permettraient de capter la chaleur des corps humains même à travers la pierre. Nous reprenons notre marche, en restant toutefois sous le couvert des arbres, davantage sur nos gardes que précédemment. Deux heures plus tard, Christophe décide de s'arrêter afin que nous puissions manger et nous reposer un peu. En voyant la fatigue des membres du groupe et en entendant leurs ventres crier famine, je prends alors conscience des talents de chef de Christophe. Un bon chef sait évaluer les limites des personnes sous son autorité, il n'abuse par de leur force et sait les exploiter à l'avantage de la communauté. Un groupe ne peut fonctionner que si son dirigeant à la confiance absolue de ses membres. Il n'y a pas à dire, toutes les conditions sont réunies pour faire de ces humains des survivants organisés et aguerris. Seule notre venue, à Jennifer, Tyler, Seya et moi, a perturbé l'ordre et la sérénité établis de cette communauté, les mettant de surcroît en mauvaise posture, alors que depuis trois ans, leur survie était rondement menée. J'espère sincèrement que nous réussirons à nous intégrer à ce groupe afin qu'il puisse reprendre ses habitudes de survie qui l'ont si bien servie jusqu'à présent.

Nous nous asseyons en cercle derrière un fourré juste assez haut pour nous dissimuler, mais nous permettant aussi de voir de l'autre côté un éventuel ennemi approché. Jennifer et Brooke sortent de la viande séchée de leurs sacs et en distribuent à tout le monde, tandis que Dan dépose sur le sol des écuelles qu'il remplie ensuite d'eau provenant de sa propre gourde à l'intention des chiens. Ces derniers, assoiffés, se jettent littéralement dessus et en vide le contenu en quelques secondes à peine. Je mange ma ration de viande en ayant une pensée pour la chair tendre des dorwe, qui fait de mon avis cruellement défaut à cette planète. Jennifer sort sa gourde et approche le goulot de ses lèvres avant de froncer les sourcils et de la secouer en se rendant compte qu'elle est vide. Après m'être assuré que Brooke ne regarde pas dans notre direction, je lui tends la mienne.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant