Aeternam Galaxia

➳ Chapitre 73 : Yoran

En bout de fil, j'avance tranquillement, le souffle léger. Je sens que les humains, eux, sont déjà épuisés. Le rythme a fortement ralenti depuis plusieurs minutes maintenant et j'entends la respiration saccadée de Jennifer, devant moi. Je sais bien que Seya et Karani n'ont pas plus de difficulté que moi à avancer, ce sont les humains qui sont tout simplement moins endurants que nous. Je me glisse à côté de Jennifer, la faisant sursauter. Le groupe est particulièrement à cran, mais je ne partage pas son angoisse. Encore l'un des bienfaits de mon entraînement : rester maître de sois-même en toute situation. On peut dire que j'y parviens... du moins la plupart du temps.

- Donne-moi ton sac, je vais le porter.

La dernière fois que je lui fais cette proposition, c'était lorsqu'on était seuls dans la forêt pour rentrer au refuge, et cela s'est soldé par une dispute. J'espère y échapper aujourd'hui.

- Non, tu vas vite t'épuiser et t'avanceras plus après, lâche-t-elle entre deux grandes inspirations.

Je décide de ne pas lui rappeler que je suis bien plus fort et endurant qu'elle, et que je pourrais certainement porter trois ou quatre de ces sacs avant d'en sentir un quelconque effet. Elle me lance un regard en biais. Je crois qu'elle vient de réaliser que je ne suis pas du tout fatigué. Elle soupire et commence à enlever ses bras des lanières de son sac à dos.

- Tiens le warrior, ça me déprime de te voir si bien portant, me dit-elle en me tendant son fardeau.

Puis elle s'empresse d'ajouter :

- Un warrior, c'est un guerrier. C'est de l'anglais.

- Je sais. Enfin, je ne savais pas que c'était de "l'anglais", mais je sais ce que ça veut dire.

Elle fronce les sourcils, visiblement confuse.

- Tu parles combien de langue ?

- Je ne saurais pas te dire exactement, on me les a téléchargés en même temps dans mon implant. Mais je ne comprends que celles les plus parlées sur cette planète.

- Sûrement l'anglais, l'espagnol, le mandarin, le hindi, le français, l'arabe et le portugais alors.

- Sûrement.

Je réussis à lui arracher un sourire.

- C'est dingue ça, tu ne sais même pas combien de langue tu parles.

Je me contente de hausser les épaules.

- Quand apprendre à parler une langue devient aussi simple que de manger ou boire, à quoi bon tenir le compte ?

Ses yeux se perdent dans le vague, lui donnant un air rêveur.

- N'empêche, le nombre de trucs qu tu dois savoir... Je veux dire, indépendamment des langues, tu dois connaître un tas de choses. Surtout dans les sciences ! Vous êtes beaucoup plus avancés que nous, vous avez certainement découvert des choses que nos scientifiques n'avaient même pas commencé à supposer.

Je pris le temps de réfléchir quelques instants à ses paroles.

- Tu sais, le savoir n'a pas que du bon, on peut faire des choses terribles avec et puis, parfois, il m'arrive de me dire qu'il est plus simple de vivre sans savoir.

- T'as sans doute raison, mais jusqu'à un certain stade. Quand t'as vie se résume à travailler, à nourrir ta famille, à survivre, rien ne sert de connaître les grands mystères de l'univers. Mais quand t'as le temps de rêver, que ton esprit est libéré de la contrainte de ce problème de survie, alors à ce moment-là, tu ressens un vide. Tu cherches un sens à ta vie. Certains le trouve dans la religion, d'autres dans les sciences. Sans l'un ou l'autre, tu deviens fous.