Aeternam Galaxia

➳ Chapitre 72 : Jennifer

Mon cœur bat rapidement tandis que je suis, pour une fois à la lettre, les ordres que Christophe nous a donner dix minutes plus tôt. « Ramassez tout ce qui peut être utile à notre survie. Fourrez tout ça dans des sac à dos, maximum deux par personne, il faut que vous puissiez avancer vite. Ne traînez pas, ils pourraient revenir à tout moment. ». Je tourne en boucle ces phrases dans ma tête et regarde régulièrement l'entrée de la grotte d'un œil paniqué.

- Calme-toi Jenny, ça fait déjà plusieurs heures qu'ils sont passés ici et ils ne sont pas revenus, tente de me rassurer Brooke en remarquant ma nervosité.

- De toute façon, s'ils reviennent, ils n'auront même pas le temps de t'approcher que je leur défoncerais la gueule, plaisante Tyler pour me détendre.

Mais je ne souris pas. Rien ne saurait chasser cette horrible angoisse qui m'étreint la poitrine. Je m'abaisse pour ramasser une gourde qui traîne sur le sol et m'apprête à la remplir d'eau du lac avant de me raviser. Le sang de certaines des victimes s'est déversé à l'intérieur et colore ses rives d'un rouge pâle. Rien que de penser boire cette eau m'écœure. Je fourre la gourde vide dans mon sac à dos et continue ma besogne en circulant entre les cadavres. Tout le monde participe à cette récupération express, même Yoran, Seya et Karani, qui ne sont désormais plus surveillés par personne. Même si aucun de nous ne le verbalise, nous savons bien que désormais, s'ils veulent nous tuer, ils pourront le faire sans problème. Toutefois, je ne m'en fais pas trop pour ça. J'ai appris à faire confiance à Yoran et j'ai bien compris que Seya était inoffensive. Quant à Karani, même si je continue à m'en méfier un peu, je la crois sincère. De toute façon, si cette dernière tentait de nous faire du mal, je ne doute pas une seule seconde que Yoran lui briserait la nuque.

Je prends quelques vêtements de rechange, plusieurs boîtes de conserves, deux autres gourdes vides et des briquets qui traînent par terre si et là. Ensuite, je rejoins Brooke, qui a déjà commencée à récupérer le matériel de soin. Je mets des compresses, du désinfectant et des bandages dans mon sac. Je n'ai plus de place, ma cousine devra se charger du reste. Nos préparatifs de départ sont presque achevés. Flora, Dan, Seya et Tyler attendent déjà près de la sortie. Je viens me poster près d'eux, tout en essayant d'oublier les grognements de mon ventre, qui crie famine depuis plus d'une heure. Désormais, nous devrons faire attention aux portions que nous mangerons, rien ne nous assurera que nous trouverons facilement de quoi nous nourrir. Finalement, je devrais peut-être apprendre à chasser plus tôt que prévu.

Les derniers ne tardent pas à nous rejoindre et Christophe, comme à son habitude, prend la tête de la marche. Il fait nuit dehors et un vent frais me glace le visage. Heureusement que j'ai pris un manteau, mais je crains de finir par avoir froid avant la fin de la nuit. Le hululement d'une chouette me fait sursauter et un frisson me parcourt l'échine. Voilà ce que c'est que d'être une proie obligée d'être toujours aux aguets, on en tire la peur de tout et de rien. Nous descendons le chemin que nous avons emprunté quatre jours plus tôt, avec pour seule lumière pour éclairer nos pas les rayons lunaires. Devant moi, Flora avance comme s'il y a encore deux heures à peine, elle n'avait pas était mourante. J'ai beau avoir vu les effets du xarediam plusieurs fois, je n'arrive pas à m'habituer aux merveilles qu'il peut accomplir. D'ailleurs, je n'aime pas trop y penser, car les miracles qu'il accomplit sur le corps humain, il les accomplit aussi et avant tout pour les Haeras. Ceci me ramène toujours à cette même pensée qui m'obsède depuis le début de cette guerre : ils sont invincibles. Quoi que nous fassions, jamais nous ne gagnerons, jamais ils ne repartiront chez eux, et nous resterons jusqu'à la fin traqués sur nôtre propre terrain de chasse. Le camp de réfugiés en Amazonie, puis celui-ci que je quitte cette nuit, m'avaient momentanément fait oublier ma propre mortalité, dont j'avais tant conscience quand je me débrouillais seule. Maintenant, cette impression que la Mort peut surgir à tout moment, n'importe où et n'importe quand, revient plus forte que jamais.

Arès me lèche les doigts, me sortant quelques instants de mes pensées morbides. Je me demande s'il capte ma détresse, ou si c'est lui qui a besoin d'être rassuré. Un léger sourire aux lèvres, je lui caresse la tête et le gratte derrière les oreilles sans ralentir l'allure. Il est le dernier berger allemand encore vivant, enfin je suppose. Les autres ne sont pas revenus, alors qu'ils étaient tout à fait capable de retrouver le chemin. C'est son inexpérience aux combats qui lui aura finalement sauvé la vie. Souvent, la fuite est la meilleure alternative.

Pourtant, moi, je suis contrainte de ne pas fuir. Même si personne n'en a parlé, je sais que Christophe prévoit d'aller se terrer dans une grotte. La région en est bourrée. Certes, elle ne sera peut-être pas aussi grande, facile d'accès et avec de l'eau à profusion comme celle de Choranche, mais ce sera mieux que rien, elle permettra la survie du groupe. Seulement voilà, je ne pourrais pas les suivre. Pas tant que Zacarie ne sera pas à mes côtés. Alors que j'attendais avec impatience le retour de Zorak, accompagné de mon frère, je pris désormais pour que l'extraterrestre ne soit pas encore parvenu en Amazonie. S'ils arrivent ici, ils ont de grandes chances de se faire repérer par les Amoqs Haeras. Le plus sûr pour Zack, ce n'est plus qu'il me rejoigne, mais que je vienne à lui. Et pour ça, la seule solution, c'est de me rendre à la base ennemi de Grenoble. Si je parle de mes projets aux autres, je sais que Tyler et Brooke voudront m'accompagner, mais ça ne peut être une possibilité. Seule, j'aurais moins de chance de me faire remarquer et puis, il est hors de question que les gens que j'aime se mettent en danger pour m'aider. Si j'avais décidé d'emmener mon petit frère avec moi ou si je n'avais jamais quitté le camp, je n'aurais pas besoin aujourd'hui de risquer ma vie. C'est ma mission, pas celle de quelqu'un d'autre. J'ai merdé, j'ai manqué de jugement, maintenant je dois réparer la plus importante erreur de mon existence.

Alors que nous dépassons l'ancienne boutique souvenir de la grotte, je commence à échafauder un semblant de plan dans mon esprit. Christophe a mentionné le fait que nous allions quitter la vallée. Nous nous rapprocherons alors forcément de Grenoble. Dès que les panneaux seront en vue, j'aurais une meilleure idée de la distance qui me séparera alors de mon objectif, ainsi que la direction à prendre. Une nuit, peu de temps avant la relève de mon tour de garde, lorsque tous les autres dormiront, je n'aurais qu'à filer. Je m'arrangerai pour que le groupe ne soit sans surveillance que pendant un petit laps de temps. Mais du même coup, cela ne me laissera qu'un court moment avant qu'il ne se rende compte que je ne suis plus là et ne se mette à me chercher. Commençant à connaître Christophe, il prendra vite la décision de poursuivre la route sans moi. Brooke et Tyler s'y opposeront, une dispute éclatera, une partie du groupe continuera les recherches tandis que l'autre partira. A ce moment-là, je serais déjà loin. Ils finiront par abandonner et rejoindre Christophe et ceux qui l'auront suivi. Jusque là, mon plan est plus ou moins sans faille, c'est après que ça commence à se compliquer. Comment se présente la base de Grenoble ? Est-elle très bien gardée ? Le dispositif de sécurité a-t-il été renforcé, après qu'une de leur base scientifique ait été attaquée ? A quel endroit sont parqués leurs vaisseaux ?

Les questions sont nombreuses et elles resteront sans réponses jusqu'au dernier moment. Je devrais improviser, surmonter les obstacles un par un, ne surtout pas me précipiter. Ma vie en dépendrait. Je sais bien que mes chances de survie sont minimes, mais c'est tout ce qu'il me reste à faire si je veux un jour pouvoir revoir mon frère sain et sauf. Une petite voix dans ma tête me dit que mon comportement est dans le fond purement égoïste, que je fais ça juste pour me déculpabiliser, pour oublier le fait que j'ai abandonné Zack. Mais en cet instant, je m'en moque. Si je dois mourir, qu'il en soit ainsi.

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Je vais essayer de reprendre un rythme normal de publication, désolée pour ceux qui attendaient la sortie de chaque chapitre avec impatience ^^'. Désormais, je devrais publier beaucoup plus que ces derniers mois ;)