➳ Chapitre 50 : Jennifer

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En réalité, je flippe, parce que je commence sincèrement à avoir confiance en lui, malgré que tout mon être me pousse à m'en méfier. Mon rythme cardiaque s'accélère à son approche, une sueur froide se met à perler dans mon dos, au moindre relâchement mon corps est secoué de tremblements et je n'ai qu'une envie, prendre mes jambes à mon cou. Pourtant, tout ceci n'est que l'effet de mon subconscient, puisque je ne ressens désormais plus aucune peur ni aucune rancune à son égard. Peut-être est-ce comparable à la méfiance que nous pouvons ressentir envers un serpent, même non-venimeux ; cette méfiance est inscrite dans nos gènes, depuis que le premier être de la première espèce humanoïde est mort de l'une de leur morsure, il y a des millions d'années. Ou comme le fait que le loup ait peur de l'homme depuis que ce dernier ait décidé de l'exterminer, avant de se repentir et de faire marche arrière. La génétique n'oublie pas, elle. Prends garde à tout ce qui peut te tuer.

En tout cas, je sais que la méfiance que je lui accorde l'a blessé, et je m'en veux quelque peu. Ce n'était pas mon objectif. Alors j'essaie de changer rapidement de sujet sans trop tarder, attrapant au vol la première idée qui me vient à l'esprit.

- Euh... Seya va bien ?

Bon, j'admets que j'aurais pu trouver mieux, d'autant plus que non, elle ne va visiblement pas bien. Yoran fixe quelques secondes un point derrière moi, semble hésiter un instant, puis m'incite à le suivre en remontant la légère pente de la grotte menant à la salle de la Cathédrale. Au moment de gravir les escaliers qui y mènent, mon regard accroche celui de l'un des deux réfugiés chargés de garder un œil sur les Haeras. Voilà ce que Yoran observait. Les deux hommes s'arrêtent finalement au pied des marches, sans nous quitter des yeux.

Comme à mon habitude, je m'appuie contre la rambarde, mais dos à l'eau cette fois-ci. Même si cet extraterrestre ne me répugne plus autant qu'avant, il reste ce qu'il est, et je ne voudrais pas mourir bêtement pour avoir baissé ma vigilance une seule seconde. Yoran se positionne face à moi, ses yeux semblables à deux petites émeraudes verdoyantes ne me quittant pas un seul instant sous la lumière des lanternes. Il n'a rarement plus eu l'air d'un prédateur qu'à ce moment précis. Un léger frisson me parcourt l'échine à cette pensée, il le remarque et me demande innocemment :

- Tu as froid ?

Je hoche la tête en frottant mes mains sur mes bras, davantage dans un geste protecteur que pour me réchauffer.

- Ne t'inquiète pas, je n'en ai pas pour longtemps, je préférais être certain que personne ne nous entende. Pour répondre à ta question, non, Seya ne va pas bien. Elle est même très loin d'aller bien. Elle m'a confié qu'elle regrettait d'avoir quitté la Secte. Si qui que soit l'apprend, j'ai peur que l'on s'en prenne à nous. Elle n'arrive pas à oublier ce que Christophe nous a obligé à faire.

Il me faut quelques secondes pour comprendre où se trouve le problème, puisque tuer des Haeras n'est certainement pas ce qui m'a le plus marqué dans les événements récents qui se sont déroulés dans ma vie. Mais je me doute qu'assassiner des membres de sa propre espèce pour répondre à la demande d'une autre est loin d'être une partie de plaisir, d'autant plus dans les conditions dans lesquelles cela s'est produit.

- Je comprends, finis-je par dire en acquiesçant. Mais effectivement, personne ne doit le savoir. Qu'importe ce qu'elle pense, elle doit le garder pour elle, sinon elle, mais aussi Karani et toi, êtes perdus d'avance. Et même si je n'apprécie pas plus que toi Christophe, dans un cas comme celui-ci, je devrais me ranger de son côté, tu comprends pourquoi, n'est-ce pas ? Je ne peux pas risquer une nouvelle fois ma place dans ce camp, d'autant plus parce que ça pourrait réduire mes chances de retrouver un jour Zack. Que fera-t-il si je ne suis pas ici lorsqu'il arrivera ?

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant