Cette nuit-là, le sommeil tarde à venir me chercher. Les yeux fixés au plafond, j'observe les ombres projetées par les arbres sous l'effet des rayons lunaires. Le vent souffle fort dehors, faisant craquer le vieux bois de la charpente. Je pourrais m'en inquiéter si la présence de Flora et Brooke dans la chambre ne me rassurait pas à ce point. Pourtant, cela ne suffit pas à apaiser suffisamment mon esprit pour réussir à m'endormir. A l'inverse, mon cerveau tourne à plein régime, comme encouragé par la quiétude nocturne.
Sûre de moi quant à mon départ il y a encore quelques jours, je commence à douter du bien-fondé de ma fugue. La mort. Immédiate. Voilà ce qui m'attend si je me rends à Grenoble, que ce soit seule ou accompagnée. Ce n'est pas que cette pensée ne me tourmentait pas avant, sauf que maintenant que mon élan de courage est passé, je ne suis plus prête à me rendre en Enfer d'un pas décidé. Mais que faire alors ? Je ne peux pas rester ici, à ne rien tenter pour retrouver Zack. D'autant plus que Zorak va certainement prendre le risque de le ramener dans la région, si ce n'est pas déjà fait. Ma gorge se sert. J'ai l'impression qu'une main invisible enserre mon cou à mesure que je commence à avoir de la difficulté à respirer. Je suis dans une situation inextricable. Depuis des semaines, tout ce que je réussis à faire, c'est me donner de l'espoir et allonger mon sursis sur cette planète déjà condamnée. Survivre. Survivre. Survivre. C'est devenu un automatisme pour beaucoup d'entre nous. A tel point que nous en perdons le sens premier. Survivre, c'est utile quand tu as une promesse d'avenir derrière. Sinon, à quoi bon ?
Je prends une grande inspiration pour me calmer. Il faut que je parle à Yoran, il saura me conseiller. Peut-être existe-t-il un autre endroit où prendre un vaisseau, ou un autre moyen d'atteindre mon objectif. Seul lui sera en mesure de me donner des réponses. Après tout, il est de la même espèce que les Amoqs Haeras, il sait comment ils pensent et connaît certainement énormément de choses que j'ignore.
Cette pensée fixe en tête, je finis par fermer les yeux et plonger dans un sommeil agité, entrecoupé de corps décapités, d'êtres humanoïdes à la peau rouge et aux grands yeux verts, accompagnés par des zombies décharnés aux dents pointues.
***
Le lendemain matin, nous nous asseyons tous à une grande table dans la salle à manger, au rez-de-chaussée. Chacun mange sa boîte de conserve en silence. J'observe Karani, qui ne peut s'empêcher de grimacer à chaque bouchée. Notre nourriture n'est apparemment pas vraiment à son goût. Elle a toutefois la présence d'esprit de ne pas s'en plaindre. Déjà que Christophe a de la difficulté à tolérer la présence des Haeras, il doit attendre le moindre prétexte pour les inciter à partir.
Flora est étrange, elle ne cesse de fixer Christophe d'un regard vide. Elle n'a plus l'air aussi perdue et désespérée que les jours précédents, mais... quelque chose ne va pas, sans que je puisse deviner quoi. Ses mots prononcés hier me reviennent alors. "Rien de tout ça ne serait arrivé si Christophe n'avait pas envoyé Yoran et Seya dans ce campement ennemi". Elle lui en veut, c'est une certitude. Et je ne peux l'en blâmer. A sa place, je lui en voudrais aussi. Mais il faut bien admettre que Christophe n'a toujours eu qu'une seule chose en tête : protéger les gens de son camp. Toutes les décisions qu'il a pu prendre allées dans ce sens.
- Je vais faire un tour, annonce le chef en se levant. Vérifier qu'il n'y a pas d'ennemi qui traîne dans le coin. J'en profiterais pour m'assurer que les loups sont partis.
- Je viens avec toi, dit Yoran.
- Pas besoin, ça ira. J'ai envie de revenir vivant et non poignardé dans le dos.
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Aeternam Galaxia
Science FictionLa Terre. Planète dominée par l'espèce humaine depuis des milliers d'années. Mais ceci est en train de changer... En 2029, la Terre est bien différente de celle que nous avons pu connaître par le passé. Extraterrestres et humains se combattent sans...