Aeternam Galaxia

➳ Chapitre 42 : Jennifer

Comme je m'y attendais, Brooke n'a rien trouvé de mieux que de me gueuler dessus, en m'empêchant d'en placer une avant qu'elle finisse sa longue tirade. Mais depuis le temps, elle devrait savoir que ce n'est certainement pas la bonne manière de procéder avec moi. Donc sans surprise, j'ai explosé à la fin, lui crachant des mots qui dépassaient largement ma pensée, tels que "Lâche-moi un peu, t'es pas ma mère", "Je me débrouille très bien sans toi", ou encore "Je suis sûre que dans le fond, ça t'aurais fait plaisir que j'y reste, t'aurais plus eu à te sentir responsable d'une sale gamine". Puis je me suis sauvée, voulant évidemment avoir le dernier mot face à ma cousine.

Désormais calmée, je regrette les paroles dures que j'ai pu lui dire. Elle s'est inquiétée pour moi, elle ne pouvait pas réagir autrement. Pourquoi est-ce que j'ai eu une telle réaction ? J'ai du mal à le comprendre, et dire que c'est dans ma nature me paraît un peu trop facile. Non, il n'y a rien qui peut excuser le comportement que j'ai eu. C'est décidé, j'irais m'excuser auprès de Brooke. Mais pas maintenant.

Je continue à regarder Tyler dormir, comme je le fais depuis maintenant plus de vingt minutes, l'air pensive, incapable de détacher mes yeux de son visage paisible. Cette vision m'apaise. Il m'apaise. Mise-à-part Brooke, Tyler est la seule personne qui ait toute ma confiance. A ses côtés, je me sens enfin en sécurité. Et dire qu'au début je ne pouvais pas le sentir. Je souris en repensant à notre rencontre mouvementée et à son comportement plus que désagréable. Ça doit faire quoi, peut-être à peine deux semaines que l'on se connaît ? Et pourtant, je me sens plus proche de lui que je ne me suis jamais sentie auprès de mes amis d'enfance. Je sais bien que c'est plus dû au contexte qu'au destin. Cette guerre rapproche facilement les gens, les forcent à s'entraider, à se lier d'amitié pour survivre. La cohésion des derniers survivants est essentiel à la survie de notre espèce tout entière, ou plutôt de ce qui l'en reste.

Oui, de ce qui l'en reste... Zack me manque, j'ai peur pour lui, j'ai aussi peur pour la suite, mais la suite de quoi ? Le plus gros problème, c'est celui-ci, ne pas savoir de quoi sera fait demain, si nous serons toujours en vie, ou non. Vivre dans l'incertitude est parfois insupportable. C'est pour ça que je crains encore de trop m'attacher à Tyler, puis de le perdre aussi tragiquement que j'ai pu perdre mes parents, mais je me dis que ce serait sûrement pire de le perdre et d'avoir des regrets par la suite. Alors, j'essaie de me convaincre que l'important, ce n'est pas ce qui arrivera par la suite, mais plutôt ce qui se passe en ce moment-même. Je dois profiter des gens à qui je tiens aussi longtemps que je le peux.

Tyler gigote, se retourne plusieurs fois, puis finit par ouvrir les yeux. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu'il me voit.

- Bien dormit ? je lui demande.

Il acquiesce et s'étire avant de s'asseoir en tailleur sur son matelas. On reste comme ça quelques secondes, sans prononcer un mot. C'est un silence assez agréable, je n'ai pas envie d'amorcer une quelconque discussion, préférant profiter du calme et de cette rare sérénité. Je ferme les yeux en appuyant mon menton contre mes genoux. C'est à ce moment que je me rends compte que mon excursion d'une bonne partie de la nuit m'a plus épuisée que je ne le pensais. Je ne réagis même pas lorsqu'un bras se glisse dans mon dos et m'attire doucement vers le sol. Je pose ma tête sur un oreiller en ouvrant un œil et découvre le visage de Tyler à quelques centimètres
du mien.

- Dors, me chuchote-t-il. Je veillerais sur toi.

Sans plus résister au sommeil, je m'endors rapidement, le cœur léger.

Je me réveille trois heures plus tard, la faim au ventre. Tyler n'a pas bougé d'un pouce et il ne sait pas rendormi non plus.

- T'en fais du boucan, raille-t-il en désignant mon ventre.

Je me contente de sourire, encore trop somnolente pour lui répliquer.

- Ça a été avec Brooke ?

- Mmmh...

- Je prends ça pour un non.

Je baisse les yeux en me remémorant mon altercation avec ma cousine.

- Je veux pas t'embêter alors que tu viens à peine de te réveiller, mais... je voudrais qu'on reparle d'hier, fait-il en hésitant un peu.

Je soupire puis prends mon oreiller pour le mettre sur ma tête.

- Aller Jenny, soit sympa ! s'exclame-t-il en rigolant et en poussant mon épaule du bout des doigts.

Je profite de son inattention pour lui asséner un grand coup d'oreiller dans la tête. Il s'écroule sur son matelas en jurant et avant même que je ne puisse réagir, je me prends à mon tour un oreiller de pleine face. Je ris bruyamment et m'apprête à répliquer en levant bien haut mon arme improvisée, mais quelqu'un me l'arrache brusquement des mains. Je me retourne, prête à râler après le fauteur de trouble. Je dois presque lever les yeux au plafond pour croiser le regard de la montagne face à moi.

- Moins de bruit, grince Christophe entre ses dents.

Mais quel emmerdeur ! Je préfère garder pour moi mes états d'âme afin d'éviter le conflit, et puis dans le fond je sais qu'il a raison, même si je ne l'admettrais jamais. Je remarque alors le jeu de regard entre le chef et Tyler. Ce dernier toise Christophe d'un regard mauvais, et aucun des deux ne semblent près à détourner les yeux le premier. Mon ami sert les poings si fort que les jointures de ses doigts en blanchissent. De peur que ça ne dégénère pour rien, je pose ma main sur celle de Tyler pour tenter de détourner un peu son attention.

Son regard croise le mien une fraction de seconde, mais cela suffit à le faire desserrer les poings. La tension diminue progressivement et ils finissent tous les deux part abandonner la partie, Christophe repartant de son côté et Tyler se concentrant de nouveau sur moi.

- La prochaine fois ne rentre pas dans son jeu, j'ai bien cru que vous alliez vous taper dessus.

- C'est pas moi, c'est lui qui...

- Je sais, le coupé-je. Mais je te rappelle qu'on n'est que des invités ici. S'il nous considère comme gênant, il nous foutra à la porte. Alors, à partir de maintenant, on s'écrase.

Il hoche la tête, l'air toutefois mécontent, puis ses yeux glissent sur ma main, toujours posée sur la sienne. Je la retire précipitamment.

- Bon, je vais voir Brooke, il faut qu'on s'explique, je le préviens en me levant.

- Nous deux aussi faut qu'on s'explique, par rapport à hier.

- Plus tard...

Je m'apprête à partir, mais il me retient par le bras.

- Je suis désolé. On n'a pas le même point de vu en ce qui concerne ces trois Haeras, mais ce n'était pas une raison valable pour que je m'énerve comme ça. C'est tout.

Il me relâche et je lui adresse un regard compréhensif en lui murmurant un petit "Ce n'est rien, oublis ça", avant de me retourner.

Ne trouvant Brooke nulle part dans la cavité principale, je finis par me diriger là où nous aimons bien nous retrouver pour discuter, la salle de la Cathédrale. Une odeur de renfermé flotte dans l'air, due à la forte humidité créée par la cascade. Sans grande surprise, ma cousine s'y trouve bien, les coudes appuyés sur la rambarde. Elle ne m'entend pas approcher à cause du bruit de l'eau qui s'écoule rapidement sur la roche, pour se jeter ensuite plus en contrebas. Je pose mes mains sur le métal froid, à côté d'elle, et elle sursaute en tournant sa tête vers moi. Elle se détend immédiatement en me reconnaissant, puis un petit sourire sans joie vient étirer ses lèvres. Son regard triste me serre le cœur et une vague de regret m'envahit.

Alors sans plus attendre, je la serre fortement dans mes bras, sachant pertinemment que parfois, ce genre de marque d'affection vaut bien plus que toutes les excuses du monde.

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Je poste ce chapitre légèrement en avance, parce que sinon je risquais de pas avoir le temps de le poster plus tard. J'ai pas vraiment eu beaucoup de réponses quant à la question dans le chap' précédent si je devais faire oui ou non une FAQ, alors je la repose et cette fois-ci vous êtes obligés de répondre soit par OUI, soit par OUI, mais plus tard, soit par NON.