➳ Chapitre 62 : Jennifer

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Le soleil pointe seulement à l'horizon lorsque j'ouvre les yeux ce matin. J'enlève ma capuche, avec laquelle j'ai dormi pour me tenir au chaud, m'assois et commence par m'étirer. Je passe un bras devant moi, le tire au niveau du coude avec l'autre, puis reproduis l'opération sur le second bras. Brooke s'approche, je lui murmure un "bonjour" et me saisis de la tranche de viande séchée qu'elle me tend. Au début, j'avais un peu de mal à m'habituer au goût très prononcé de cette chaire de cerf, laissée suspendue à l'air libre sur des fils de plastique à l'aide de pinces à linge, pour pouvoir être mieux conservée par la suite. Désormais, j'aurais du mal à m'en passer, c'est tellement différent de toutes ces boîtes de conserve que je mangeais continuellement durant ma longue cavale... Je prends une première bouchée et observe d'un œil absent le camp plongé dans un silence lugubre. Les chiens sont encore couchés, mais leurs têtes relevées et le mouvement de leurs oreilles m'indiquent qu'ils sont à l'écoute du moindre bruit. Quant à mes compagnons de route, chacun est assis dans son coin et mange son petit-déjeuner, sans prêter attention aux autres. La tension de la veille est encore palpable, certainement accentuée par l'appréhension que nous ressentons tous à l'idée de ce qui nous attend aujourd'hui. La seule personne qui ne semble pas le moins du monde inquiète de la situation, c'est Tyler, qui dort toujours comme s'il ne risquait pas de nous tomber une bande d'Haeras sur le dos d'une minute à l'autre.

- Quelqu'un peut-il le réveiller avant que je lui vide ma gourde sur la tête ? demande Christophe, d'un ton morose.

Je me lève avec difficulté et réprime une grimace. À cause de ma nuit passée à même le sol, tout mon corps me fait atrocement souffrir. Je soupire et me dirige vers le grand blond incorrigible qui arbore une barbe de trois jours, lui donnant des airs plus âgés qu'il ne l'est en réalité. Je m'accroupis près de lui et le secoue par l'épaule.

- Aller, debout fainéant.

Il grogne, mais ne remue pas d'un centimètre. Avec un nouveau soupir, je m'assois, tends mes jambes devant moi, et lui donne de petits coups de pied dans les côtes.

- Debout, j'ai dit ! m'exclamé-je.

- Rhooo ! Ça va, ça va, j'ai compris, je me lève, tyran ! maugrée-t-il d'une voix encore enrouée par la fatigue.

Prise d'un élan de désinvolture, je me penche et l'embrasse sur la joue. Il relève la tête avec un sourire narquois placardé sur le visage.

- Je préférerais que tu me réveilles comme ça la prochaine fois, ce serait beaucoup plus efficace, je t'assure.

Je me redresse sans lui répondre, un petit sourire sur les lèvres.

- Il est temps d'y aller, laisse tomber le chef.

Je ramasse mon sac et l'enfile sur mon dos. Je renoue les lacets de mes chaussures de marche, que j'ai dénoués pour la nuit, et rabats ma capuche sur ma tête pour empêcher le froid de me geler les oreilles. Le printemps est censé être bien installé, mais le froid perdure dans cette région de la France. Je noue mes mains entre elles, les approchent de ma bouche et souffle dessus pour me réchauffer les doigts. Malgré les gants, ils sont glacés. Tyler me rejoint et prend mes mains dans les siennes avant de les frotter frénétiquement pour leur transmettre un peu de chaleur. Je le remercie et suis le groupe qui reprend la route, après avoir indiqué à Arès de me suivre. Plus les jours passent, plus ce chien apprend vite et m'écoute au doigt et à l'œil. Je suis contente que Dan me laisse parfaire son éducation, bien que je ne suis pas toujours sûre de réussir à en faire un vrai chien de combat, redoutable et obéissant. Parfois, je me laisse même à penser que je n'ai pas besoin qu'il soit un tueur sur pattes, un ami fidèle me suffit amplement. Mais c'est le berger du camp de réfugiés avant tout, pas le mien, et puis, s'il peut sauver des vies humaines, tant mieux.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant