➳Chapitre 68 : Jennifer

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Un souffle chaud sur ma joue me tire progressivement de mon lourd sommeil. Tous mes membres me font souffrir, j'ai l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur. Non sans une grande difficulté, je parviens à lever un bras afin de repousser Arès. Il couine et me lèche la main. Je grogne et finis par ouvrir les yeux pour les refermer aussitôt sous les assauts des rayons du soleil, qui viennent me brûler la rétine. Je me frotte les paupières et me redresse en position assise. Je sursaute malgré moi en posant le regard droit dans celui de Yoran, fixé sur moi. Depuis combien de temps m'observe-t-il ? Je me demande s'il se rend compte qu'en ce moment précis, il ressemble à un prédateur près à bondir sur sa proie. Je déglutis et lui demande d'une petite voix :

- T'es réveillé depuis longtemps ?

- Je n'ai pas dormi.

Je m'apprête à lui demander pourquoi, mais me ravise en le comprenant. Il a veillé sur nous toute la nuit. Cette pensée me gêne quelque peu. Je ne trouve pas son attitude naturelle, bien qu'il m'ait prouvé à maintes reprises de quel côté il se trouvait. Sans que je n'ai besoin d'ouvrir la bouche, il me tend une cuisse de lapin et la gourde. Je les accepte en le remerciant, mais cette prévenance me dérange aussi de plus en plus. Pourtant, bien qu'étrange, son comportement me rassure. Comme d'habitude, Yoran réveille en moi des émotions contradictoires. Peur, confiance, admiration, dégoût. Perplexe, je mange en vitesse ma collation en tentant de faire abstraction de mes doutes.

- Nous ferions mieux d'y aller tout de suite, fait-il au moment où je lance l'os de la cuisse à Arès.

Yoran semble préoccupé et ce n'est pas pour me rassurer. Je me relève en m'époussetant et déroule le manteau sur lequel j'ai dormi avant de le rendre à son propriétaire en le remerciant de son geste. Yoran commence à soulever le sac et à le mettre sur son dos.

- Donne-le moi, tu l'as porté toute la journée hier.

Il me considère un moment, un air moqueur dans les yeux puis, de manière tout à fait inattendue, me donne une tape dans le dos.

- Je suis plus capable que toi de porter ce sac.

Reprenant contenance, je fais mine de m'indigner :

- Tu dis ça parce que je suis une fille ?

Il fronce les sourcils.

- Je ne comprends pas le rapport.

- Bah... Je suis une fille, t'es un mec, t'as les muscles, non ?

- J'ai plus de force que toi, mais c'est parce que mon espèce est physiologiquement ainsi. Cela n'a rien à voir avec le fait que tu sois une femme.

- Mais alors quoi ? Il n'y a pas de discrimination entre les hommes et les femmes, chez toi ?

- Pourquoi y en auraient-ils ? me demande-t-il, de plus en plus perdu.

C'est vrai, pourquoi ? Parce que les Haeras sont pour la plupart des pourritures qui ont massacrés toute une espèce sans se poser de question ? Après tout, ce n'est pas parce qu'ils ont exterminé les Hommes qu'ils partagent avec eux les mêmes tares. Non. Ils sont même bien plus avancée que nous, technologiquement et, il faut croire, socialement. Lorsque quelqu'un meurt, nous avons tendance à ne retenir que le meilleur de lui et à oublier ses mauvais côtés. Pour la mort de tout un peuple, c'est apparemment la même chose. Mais dans le fond, la fin de l'espèce humaine ne peut en rien laver ses erreurs.

- Laisse tomber, soupiré-je.

L'air toujours un peu troublé, il retire le sac de son dos et me le tend à bout de bras.

- Tiens. Désolé, je ne voulais pas t'offenser.

- M'offenser ? Mais non, crétin ! Pour un type évolué, t'en mène pas large, raillé-je.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant