➳ Chapitre 47 : Yoran

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Cela fait plus de dix minutes que Karani alterne entre cris et larmes, sans me laisser l'occasion d'en placer une. Elle est limite hystérique, mais je ne peux que la comprendre. Elle vient de prendre conscience qu'elle a été enlevée, et surtout que c'est à cause de Seya et moi. Certainement se souvient-elle aussi des corps de ses camarades, étendus morts au milieu de leur sang dans leur lit. Je fais un mouvement vers elle, mais elle recule précipitamment et va se coller contre les barreaux de la cage.

- Ne m'approche pas, dit-elle d'un ton écœuré.

Je ne suis pas étonné, mais quoiqu'un peu triste face à sa réaction. Je me passe une main sur le visage, je ne sais absolument pas ce que je dois faire. Je ne suis pas très doué pour la communication. Peut-être aurais-je dû la tuer ? Après tout, il y a peu de chance que les humains lui laissent la vie sauve. Voilà pourquoi il vaut toujours mieux écouter la voix de la raison que celle du cœur, pour éviter ce genre de situation inextricable. C'est bien la leçon la plus importante que la Secte m'ait inculquée, mais j'ai été incapable de la suivre.

- Karani, s'il te plaît, essaie de me comprendre, je n'avais pas le choix...

- Oui, c'est sûr, tu "n'avais pas le choix". Pas le choix de nous trahir, pas le choix de massacrer les tiens, pas le choix de me kidnapper !

Elle recommence à pleurer. Je ne sais plus quoi dire, son comportement est tout à fait justifiable au vu de ce qui s'est passé. Nous restons un moment silencieux. J'entends vaguement les voix des humains dans la cavité principale, leurs rires, leurs chuchotements font ressurgir alors en moi une question que je me suis déjà posée plusieurs fois :

- Crois-tu que nous méritions plus de vivre que les humains ?

- Interdiction de parler votre langue ici, tonne la voix de l'un des gardes.

Je ne me suis même pas rendu compte de mettre exprimé dans ma langue natale. Karani me fixe un certain temps sans répondre, et je comprends dans son regard qu'elle aussi se l'ait déjà demandé.

- Quoi qu'il en soit, finit-elle par dire, ce n'est pas à toi de rendre justice. Notre société s'est battit sur un principe fondamental : l'allégeance à notre patrie. C'est ce que nous sommes, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui encore notre espèce continue de gravir les échelons de l'évolution et du pouvoir. Sans ça, nous serions à la place des humains en ce moment même, envahis, détruis, au bord de l'extinction. Sans ça, tout notre système tournerait à l'anarchie, et l'anarchie, Yoran, c'est tout ce qu'il y a de pire.

Peut-être s'est-elle posée la même question que moi, mais elle ne semble pas en être arrivée à la même conclusion ; et ça m'agace d'avoir l'impression qu'elle ne comprend pas, ou qu'elle ne veut pas comprendre mon point de vue.

- Pense ce que tu veux, après tout je m'en fous. Mais ta seule chance de survie, c'est de faire profil bas et de jurer de ne pas t'en prendre aux humains. S'ils sont conciliants, ils t'enverront certainement commettre quelques meurtres fratricides, puis tu pourras vivre avec nous. Sinon, ils te tueront.

Elle se relève vivement dans sa cage et vient coller son visage contre les barreaux. Les gardes pointent alors leurs armes sur elle.

- T'aurais mieux fait de m'assassiner comme tous les autres, me chuchote-t-elle d'une voix calme et inquiétante. Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

Décidément, cette fille ne cesse de me surprendre. Elle qui était si douce encore hier... Je ne pensais pas qu'elle puisse faire preuve d'autant de pugnacité. J'approche à mon tour mon visage des barreaux et lui murmure sur le même ton :

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant