➳ Chapitre 64 : Jennifer

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Yoran bouche la sortie de son corps, de sorte qu'il m'est impossible de voir ce qu'il y a de si intéressant de l'autre côté pour le laisser pantois. Christophe tend le cou pour regarder par-dessus son épaule et quelque chose lui fait froncer les sourcils. Je joue des coudes et passe devant tout le monde. Je pousse doucement Yoran sur le côté, curieuse de voir ce que cache cet endroit. Trop curieuse. Dans ma hâte, je trébuche sur son pied. Les yeux rivés sur le sol, je tente de reprendre mon équilibre. Il me faut faire deux bons pas au-delà de l'arcade pour y parvenir. Deux pas de trop. Le corps à moitié penché dans le vide, j'écarquille les yeux et fait de grands mouvements avec mes bras pour me redresser. Heureusement, Yoran finit par sortir de sa torpeur et me tire en arrière.

- Ça va ? me questionne-t-il, une main toujours refermée sur mon bras.

Le souffle court, les yeux fermés, je hoche lentement la tête, tentant de me remettre de mes émotions. Des fourmillements parcourent mes jambes et remontent dans ma colonne vertébrale, preuve que même mon corps se rend compte de la manière dont il aurait pu finir, écrasé au fond du gouffre.

- Dites moi que j'hallucine, lâche alors Brooke.

Je pivote pour la regarder. Elle s'est avancée elle aussi et se tient maintenant juste derrière Yoran, près de Christophe. Son air ébahi finit par me rappeler la raison pour laquelle j'étais si pressée. Je me retourne. Face au spectacle qui s'offre à moi, l'air vient à me manquer, comme si j'échappais à une nouvelle chute meurtrière.

Nous nous trouvons dans une immense cavité haute de plafond, encore davantage que celui de la Salle de la Cathédrale. Un gouffre d'une bonne dizaine de mètres de long nous sépare d'une plateforme un peu plus bas. Mais le plus surprenant, ce n'est pas la forme de cette étrange cavité, ce sont les fresques gigantesques gravées à même les murs, dont les lignes brillent d'une douce lumière bleutées. Mon cerveau ne répond plus, tout ceci est bien trop hallucinant pour lui. Je me contente donc d'observer, médusée, comme tous mes camarades.

- Eh ! Où tu vas ?

La voix de Christophe me fait sursauter. Je regarde dans sa direction. Karani vient d'emprunter un escalier taillé dans le roc, sur notre droite, que je n'avais pas remarqué auparavant.

- Reviens ici !

Il s'élance à sa suite. À ce moment précis, c'est comme si tous nos esprits réalisaient enfin la teneur extraordinaire de ce qu'ils avaient devant eux. En un instant, ils se remettent tous en marche et nous nous précipitons en même temps vers l'escalier. Je me souviens vaguement avoir poussé Brooke -ce qui a eu pour effet de la faire jurer-, puis d'avoir écrasé un ou deux pieds et couru jusqu'en bas des marches sans me soucier du vide sur ma gauche. Je ne peux aller plus loin. Karani s'est arrêtée, Christophe derrière elle.

- Ne nous précipitons pas, l'endroit est peut-être piégé.

- Je te rappelle que c'est toi la première à être partie comme une furie, lui fait remarquer Dan.

- Je ne sais pas ce qu'est une "furie", se contente-t-elle de répondre.

Je ne peux m'empêcher de relever le caractère très formel de sa réponse.

- Certains mots n'ont pas été enregistrés dans la base de données de nos traducteurs neuraux, ajoute Yoran d'un ton détaché en passant devant moi.

Il ne semble pas se soucier que nous ne comprenions pas ses paroles, lui aussi semble dans le même état second que la scientifique. Quant à Seya, elle suit Yoran de près. Comme d'habitude, il est difficile de lire quoique ce soit sur son visage.

Je meurs d'envie d'avancer, mais toutes sortes de scénarios catastrophes s'imposent en même temps dans mon esprit. Des flèches qui surgissent de nul part, les murs qui se rapprochent pour nous écraser, un gros tronc d'arbre qui surgit du plafond... S'il y a bien une chose que les films d'aventures nous apprennent, c'est que ce genre d'endroit n'a qu'un seul but : te tuer. Je me sens un peu ridicule à placer ma survie dans mes observations cinématographiques, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus ; ce n'est pas tous les jours que l'on se retrouve dans une telle situation.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant