➳ Chapitre 55 : Yoran

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Je me réveille en sursaut, laissant échapper une exclamation de stupeur. Sans même m'en rendre compte, je suis déjà debout. Pendant la nuit, l'eau du lac a continué de monter. Mon sac de couchage, à l'écart de ceux des humains, est désormais trempé. Tout comme mon dos, mes pieds et une partie de mes jambes. Seya,  à côté de moi, toujours bien au sec dans son sac de couchage, me regarde d'un œil amusé.

- Ce n'est pas drôle, lui dis-je d'un ton faussement énervé.

- Interdiction de parler dans votre langue ici, fait une voix pâteuse.

Je lève les yeux vers l'un des humains chargé de nous surveiller. Il ne semble pas connaître d'autres mots que ceux composant cette phrase qu'il nous répète à longueur de journée. Le regard ensommeillé, il baille et se détourne pour aller se recoucher. Ces deux derniers jours, les réfugiés paraissent beaucoup moins sur leur garde qu'auparavant. Quoique bien loin d'avoir une attitude amicale, au moins ne nous lancent-ils plus de regards assassins. J'ai l'impression que tous s'habituent petit à petit à notre présence et cessent de nous voir comme une menace.

Quelques-uns d'entre eux, que j'ai dû réveiller par mon agitation, m'observe l'air agacé. Je vous y verrez bien vous, dormir près de l'eau glacée ! fulminé-je intérieurement. Je retire le tee-shirt mouillé que Jennifer a réussi à m'obtenir et l'étend sur le sol non loin de moi. Mes vêtements haeras me manquent, ils étaient imperméables, conservés une chaleur optimale pour mon corps, laissés respirer la peau et me permettaient de garder une grande mobilité de mouvement. Ceux des humains me gênent, me démangent et semblent avoir été volontairement mal conçus. Et puis, je me sens tellement ridicule dans ces tissus non-adaptés à ma taille et affublés d'écriteaux et de couleurs criardes. Les goûts des humains et ceux de mon espèce sont si différents...

Je me frictionne un moment les bras pour tenter de me réchauffer. Il y a plusieurs couvertures dans le camp, mais les humains préfèrent mourir de chaud en s'en posant trois sur le corps plutôt que d'en prêter une à un Haera. Toutefois, je ne leur en veux pas, j'ai appris à me mettre à leur place et je sais que j'aurais agi de la même façon. M'asseyant sur le sol, je reporte mon attention sur Seya. Elle s'est rendormie. L'air soucieux qui lui colle au visage depuis son départ de la Secte ne disparaît que durant son sommeil. Il n'y a qu'à ce moment-là qu'elle paraît sereine. J'ai de la peine de la voir dans cet état. Elle n'a jamais été particulièrement souriante ou démonstrative, comme tous les orphelins recueillis par la Secte, mais je la connais depuis assez longtemps pour savoir qu'elle n'est pas heureuse dans ce camp. Mais pour l'instant, avec les nôtres qui patrouillent dans le coin et nos têtes certainement recherchées activement par le Gouvernement, c'est le seul endroit où nous sommes à peu près en sécurité. Plutôt paradoxale de se retrouver dépendant de personnes dont encore un mois auparavant, nous justifions l'anéantissement.

Au prise avec mes pensées, je remarque que Christophe est réveillé seulement en le voyant passer devant moi pour se diriger vers le coin cuisine de la grotte. J'ai réfléchi une bonne partie de la nuit à ce que je devais faire pour ma survie, ainsi que celles de Seya et de Karani, qui dépendent étroitement de celle de ces réfugiés humains. Je rejoins donc le chef au moment où il s'apprête à mordre dans une cuisse de gibier volant dont je ne connais pas le nom, ramené la veille par les chasseurs. Au regard qu'il me lance, je sais que je le dérange et qu'il aurait préféré ne pas avoir à faire à moi.

- Qu'est-ce que tu veux ? me demande-t-il de but en blanc.

- Partir sur l'une des zones de recherches marquées sur la carte que j'ai enregistrée. Je suis curieux de savoir ce que mijotent les miens et comme ça, j'apporterai peut-être des réponses à cette prophétie. C'est bien ce que tu désires, non ? Au cas où ces recherches et ces inscriptions gravées pourraient nuire aux tiens.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant