➳Chapitre 65 : Yoran

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- Où est Eric ? s'enquit Christophe en se précipitant dans les escaliers.

- Il est resté là-haut, pour les retarder au cas où nous ne serions pas sortis à temps. Les chiens se sont mis tout à coup à grogner et Eric m'a fait signe d'aller vous chercher, explique Tyler.

- Ce ne sont peut-être pas des Amoqs Haeras, suggéré-je.

Christophe tend le cou et me lance un regard en biais.

- Les bergers ne grognent que s'ils flairent la présence d'Haeras. Ils sont entraînés à ça.

Le retour en surface se fait ensuite au pas de course et en silence. Je garde la main sur la paroi afin de me guider dans le noir. La tension qui émane de chacun de nous a rarement été aussi intense. L'espace d'un instant, j'ai l'impression de me retrouver enfermé à la base de Madagascar : pris au piège et en danger de mort... Mais pourtant sans ressentir la moindre peur. Je secoue machinalement la tête. Ce n'est pas le moment de me transformer en tueur froid. Pas encore. Je dois garder mon sens de l'éthique au moins jusqu'à la sortie, sinon ma perte de contrôle pourrait nous nuire plus qu'autre chose.

Nous arrivons dans la dernière ligne droite. Le chemin en pente nous cache toujours la lumière.

- Baissez-vous, nous ordonne Christophe.

Encore quelques pas et la lumière du jour vient nous piquer la rétine. Je plisse les yeux le temps qu'ils s'habituent à la luminosité. Le chef passe la sortie, son arme braqué devant lui. En l'absence d'échanges de coups de feu, j'en déduis que les ennemis ne sont pas encore là.

- Les chiens ont une bonne ouïe, ils ont dû les entendre d'assez loin, nous informe Eric une fois que nous sommes tous regroupés devant lui. Mais ça fait presque cinq minutes, ils ne devraient plus tarder, il faut qu'on parte maintenant, nous sommes trop vulnérables ici.

Tout en achevant sa phrase, il s'approche de la sortie de la cavité. Il commence par s'asseoir sur le rebord et s'apprête à sauter. Mais il n'en a pas le temps. Il suffit d'un tir à plasma pour lui exploser le crâne. Le temps semble ralentir. Nos cerveaux ont du mal à s'adapter si vite à une nouvelle situation. Les lambeaux de chair et les morceaux d'os touchent le sol. Un hurlement de terreur s'élève de notre groupe. Et tout s'accélère.

Je me jette à plat ventre, en plaquant de même les deux personnes à ma gauche et ma droite. Puis je laisse le tueur en moi prendre le contrôle. Alors que les tirs fusent autour de nous, un calme froid s'empare de mon esprit. J'analyse rapidement la situation. Des bouts de roches des parois nous tombent dessus, explosés par le plasma. Bientôt, la cavité menacera de nous tomber dessus. Mes yeux se posent sur le pistolet d'Eric. Le corps de ce dernier n'est plus là, il a dû tomber en contre-bas. Je rampe et me saisis de l'arme. Un cri de douleur retentit. Quelqu'un a été touché. Il faut quitter cet endroit, mais comment ? Mon instinct de survie, auquel je me fis habituellement, ne me renvoie que des informations contradictoires : "reste ici, tes ennemis sont trop nombreux en bas", "fuis, ou tu finiras écrasé par les rochers". Quitte à mourir... Sans plus réfléchir, je me relève, cours et saute au pied de la montagne. J'atterris bien droit sur mes jambes et me mets à courir à travers la forêt. Dans un coin éloigné de mon esprit, je pense à Seya. Je sais qu'elle m'a imité. Dans les moments critiques -comme dans les autres d'ailleurs-, elle m'observe et suis mon exemple. Elle ne peut plus se référer à notre mentor, alors elle a remplacé Saba par la seule personne sur qui elle peut encore compter. Je sais qu'elle survivra. Il ne peut en être autrement.

Je cours aussi longtemps et aussi loin que je le peux, sans me soucier de mon environnement. Si un autre groupe est dans les parages... Je n'aurais aucune de chance de l'éviter. Mais tant pis, mon instinct de survie a repris contenance. Il n'y a plus qu'un choix possible et viable : fuir. Je ne saurais dire combien de temps s'écoule avant que je ne ralentisse jusqu'à m'arrêter complètement. Les mains derrière la tête, je prends plusieurs grandes goulées d'air en regardant autour de moi. Rien. Aucun bruit, aucun ennemi ou allié en visuel. Juste du vert à perte de vue. Même les animaux semblent avoir fui la zone, comme conscients du drame qui se jouait non loin d'eux. Je poursuis mon chemin en marchant, beaucoup plus à l'écoute de mon environnement que plus tôt. Je ne sais pas où je vais, mais il faut que je m'éloigne un maximum de la cavité avant la nuit. Je me rends compte que sans le savoir, j'ai longé la montagne. Dois-je continuer ainsi ou m'enfoncer dans les terres ? Peut-être devrais-je rejoindre l'un de ces villages visibles depuis le camp ? À moins que je ne rejoigne les autres réfugiés. C'est sûrement ce que feront les survivants du groupe. Mais si aucun n'est encore en vie, comment serais-je accueilli là-bas ? Ils penseront certainement que c'est moi qui ai tué tout le monde et que je viens pour m'occuper d'eux.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant