- Je tourne en rond depuis des jours, je ne comprends rien à cette prophétie stupide.
- Les prophéties tolkems sont loin d'être stupides, Yoran.
Je lève les yeux sur Karani, son visage n'exprime aucune émotion, elle paraît bien loin de la sympathique jeune femme que j'ai rencontrée une semaine auparavant. Cependant, elle reste désormais assez calme pour que les gardes ne la droguent pas. Sous la pression des rescapés de ce camp, Christophe est venu lui annoncer ce matin qu'il la tuerait, mais ne se décide pas à passer à l'acte. Depuis, Karani patiente, en attente de son exécution, puisque même si Christophe ne veut rien entendre de ce que je lui dis, ce qu'il s'apprête à faire en est bien une.
- Penche-toi sur les légendes humaines, ajoute-t-elle alors. Tu sais tout comme moi que les mythes ont toujours une part de vérité, d'autant plus chez les espèces primitives.
C'est vrai que je n'y ai pas pensé. Déjà pour une espèce aussi avancée que l'est la nôtre, les prophéties anciennes peuvent être interprétés à partir de certains mythes et légendes. Ces derniers sont très souvent vrais à l'origine, et désignent des choses ou des concepts que les gens de l'époque n'arrivaient pas à expliquer autrement que de manière imagée, s'appuyant sur ce qu'ils connaissaient. Ainsi, nos ancêtres désignaient les étoiles filantes comme étant des oiseaux de feu traversant le ciel. Ils savaient que ce n'étaient pas vraiment le cas, mais au fil des siècles et des millénaires, cette image s'est ancrée dans leur esprit et il aura fallu du temps avant qu'elle ne disparaisse complètement au prix de la vérité.
Cela voudrait-il dire alors qu'il y aurait un élément caché pouvant nous permettre de déterminer ce que veut dire concrètement "aeternam galaxia" dans les mythes humains ? On peut toujours essayer, me dis-je finalement.
- Tu as raison. Merci Karani.
Je me relève et m'apprête à partir, avant de finalement me retourner pour ajouter :
- Je ne te laisserai pas mourir.
- Ce n'est pas ce que tu semblais dire la dernière fois, me lâche-t-elle avec un sourire amer.
Je me retiens de grimacer aux souvenirs de notre dernière discussion. À ce moment-là, les mots ont dépassé ma pensée, je voulais simplement lui faire peur, mais jamais je ne l'admettrais.
- Ne t'inquiètes pas, je trouve ça poétique de finir mes jours comme ça. Est-ce que tu me prendrais pour un folle si je te disais que je n'en veux pas aux humains, mais que je vois ça davantage comme un juste retour des choses ?
Comme je garde le silence, un air songeur affublé sur le visage, elle reprend :
- Ah oui, c'est vrai que vous, les adeptes de la Secte, on vous entraîne dès tout petits à refuser l'idée même de mourir, afin de faire de vous des tueurs certes émérites, mais ayant tout de même conscience des risques.
Je suis plutôt étonné qu'elle connaisse ce détail, en général les pratiques de la Secte sont inconnues ou incomprises de la plupart des gens, même les plus haut placé. En fait, cette institution formant les plus puissants Haeras correspond davantage à un état dans l'Etat qu'à un simple ordre religieux. Et comme tous les états, elle possède des secrets bien gardés.
- Ce n'est pas parce que je trouve ça étrange que ça l'est réellement. Je pense que mourir pour expier ses fautes, voire celles des autres, est une marque de courage, c'est rendre justice.Tu es quelqu'un de juste, mais moi, je ne le suis pas, je ne le serais jamais.
Je m'apprête une nouvelle fois à partir, mais cette fois-ci, c'est elle qui m'en empêche.
- Juste, moi ? J'ai dit que je ne leur en voulais pas, mais si j'avais une chance de quitter cet endroit en vie, je la saisirai tout de suite, même si je dois tous vous tuer au passage, dit-elle en insistant bien sur le "vous".
- Et si je trouvais le moyen de te faire sortir ? Tu t'enfuirais pour aller chercher des assassins ou tu nous aiderais ? lui rétorqué-je avec la même insistance.
Elle ne me répond pas immédiatement, se contentant de me fixer, de me jauger, de chercher une faille. Mais je suis le plus fort à ce jeu-là et elle finit par détourner les yeux.
- C'est toi l'assassin, se contente-t-elle de dire d'un ton acerbe.
Elle relève les yeux avant de poursuivre :
- Avant que tu massacres tous ces innocents, je pensais comme toi, je trouvais qu'on allait trop loin en exterminant ces humains. Deux ou trois fois, en y réfléchissant bien, je me suis même vu rejoindre leur rang, leur venir en aide. Sauf que je ne suis pas quelqu'un d'héroïque, j'aimais ma petite vie bien rangée, mon métier, ma famille, ma patrie... je ne voulais pas tout gâcher, devenir une paria. Mais au moins j'avais mes convictions : tuer les humains, c'est mal, leur venir en aide, impossible, mais mon espèce n'est pas si mauvaise. Aujourd'hui, par ta faute, je ne sais plus quel est mon camp, quelle est mon opinion. Tu représentes certainement la face la plus sombre de notre espèce, mais tu défends cette race opprimée, je crois que tu aimes ta patrie, mais tu massacres les tiens, les humains se font massacrer, mais ils tuent aussi les nôtres. Je suis complètement perdue, je ne sais plus que croire, où me ranger. Moi-même ne suis-je pas une traîtresse à n'avoir jamais était réellement d'accord avec le Gouvernement ? A avoir pensé m'opposer à lui ? A nous ?
Elle secoue la tête et ferme les yeux, incapable de continuer. Quelques larmes silencieuses coulent le long de ses joues. Je prends alors la parole :
- Je suis confronté au même problème que toi. Ce sentiment constant de trahison, cette impression d'être dans le faux, du mauvais côté, qu'importe où je me trouve. J'ai quitté les nôtres sans réfléchir, je pense que si j'avais davantage pesé le pour et le contre, je serais resté à la Secte. Mais qu'importe, aujourd'hui je suis là, je ne peux plus reculer, et chaque nouvelle journée passée en la compagnie de ces gens me permet de voir que j'ai fait le bon choix. Massacrer les personnes de ce camp scientifique était sans doute une erreur, mais ne crois-tu pas que s'ils avaient découvert ces humains, ils leur auraient fait subir la même chose ? Et dans ce cas-là, tu te serais retrouvée dans la même position, avec les même doutes, sauf que les rôles auraient été inversés.
Le visage de Karani exprime une grande souffrance, ses yeux sont embués de larmes.
- Je me sens tellement oppressée, murmure-t-elle d'une voix étranglée. Je n'ai jamais été confrontée à un doute aussi intense. D'habitude, c'est lui qui dit ce qui est bien ou mal, ce qu'on doit faire...
Un frisson me parcourt l'échine, elle parle du Gouvernement, comme moi je pourrais parler de la Secte. Nous sommes tellement habitués à leur obéir, à les écouter... C'est tellement difficile d'aller à leur encontre que la plupart des Haeras choisissent de les suivre sans discourir. Moi-même, j'étais de ces gens-là il y a encore peu de temps. Bien que je n'en aie jamais parlé à quiconque, pas même à Seya, chaque jour est pour moi une atroce lutte intérieure. C'est comme si une petite voix s'insinuait dans mon esprit et me forçait à revenir en arrière, me poussait à croire que j'ai fait les mauvais choix, que je me suis trompé en préférant la cause humaine aux Haeras. Dans ces moment-là, je suis près à tout lâcher, à m'enfuir de ce camp, à retrouver ma place auprès des miens, à expier dans le sang le plus criminel de tous les actes que puisse commettre un Haera : la trahison. Parfois, j'ai l'impression que tout ceci serait le seul remède à l'abominable culpabilité qui me grignote le corps et l'esprit chaque jour et sans relâche.
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Yo ! Aïe ça faisait un moment que j'avais pas écrit, désolée mais dure dure la vie de 1èreS (j'imagine même pas l'année prochaine >-<). Bon, j'espère que ce chap' vous a plus, je voulais vraiment vous montrer le genre de combat intérieur auquel peuvent être soumis les Haeras en fonction des choix qu'ils font ou ne font pas. J'en dis pas plus parce que je suis vraiment curieuse de savoir si vous avez compris ou non ce que ce chapitre démontrait sur les Haeras et leur société (j'en ai déjà dis bcp là XD).
A part ça je vais m'inscrire aux Wattys 2017, j'ai jamais testé les gros concours sur Wattpad on verra bien ce que ça donnera ^^
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Aeternam Galaxia
Science FictionLa Terre. Planète dominée par l'espèce humaine depuis des milliers d'années. Mais ceci est en train de changer... En 2029, la Terre est bien différente de celle que nous avons pu connaître par le passé. Extraterrestres et humains se combattent sans...