Je récupère mes affaires et, une fois de plus, Julia m'attend dans son bureau. Elle ne m'a pas laissé prendre ma voiture. Parfois, je me demande si elle n'essaie pas de jouer le rôle de ma mère en étant aussi protectrice. Après tout, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, car c'est moi qui lui ai toujours donné ce rôle.
- J'ai vu que tu parlais avec Thomas, tout va bien ?
Julia pourrait être actrice, prétendre que cette conversation n'a pas eu lieu à cause d'elle, c'est assez fort. Mais quand elle me ment, je n'y vois que du feu, bien que j'ai fini par repérer cette petite ride sur son front qui trahit ses mensonges, même si je ne la remarque pas à chaque fois !
- Ne joue pas l'innocente, tu sais très bien pourquoi il est venu me parler.
- Il est venu me demander si tu le détestais. Qu'est-ce que tu voulais que je lui dise ? "Non, elle est juste anti-hommes" ?
- Et lui, il est homosexuel. Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
Elle peut bien faire sa tête de "Je n'en savais rien", ça ne prend pas avec moi, je ne la crois pas du tout.
- Oh, arrête de faire semblant de ne pas savoir, Julia. Tu es devenue une piètre menteuse.
- Tu m'en veux ?
-Pourquoi ne pas m'avoir dit cela, ou pourquoi m'avoir fait passer pour une homophobe à ses yeux ?
- Aïe... Même si tu l'avais su, ton jugement envers lui n'aurait pas changé, Kiara.
- Je pense que si, Julia.
- Et je pense que, une fois de plus, tu te mens à toi-même.
- Et je pense que tu as raison, encore une fois. Enfin, je ne me serais peut-être pas fait passer pour une homophobe non plus. Et je ne sais pas, je lui aurais sans doute parlé un peu plus.
- Ou pas. Allez, viens, on y va, le repas ne va pas se préparer tout seul.
Julia avait sans doute raison, mon jugement envers Thomas n'aurait probablement pas changé si je l'avais su, car à mes yeux, tous les hommes sont les mêmes. Je l'aurais peut-être un peu moins jugé jusqu'à ce qu'il me dise lui-même qu'il aime les hommes, mais maintenant qu'il me l'a dit, la question ne se pose plus.
Durant la route, Julia est anxieuse, et c'est sûrement de ma faute. Je pense qu'elle a peur de ma rencontre avec son copain, elle a probablement aussi peur de ma réaction face à lui, et pour être honnête, j'ai moi-même peur de ma réaction. Vais-je lui serrer la main ? Ou lui faire la bise ? Ou vais-je simplement être tétanisée face à lui ?
- Ça va aller, Kiara, ne t'en fais pas.
Julia a toujours su ce que je ressentais sans que je ne lui dise vraiment ce que j'ai, elle peut lire en moi comme dans un livre ouvert, parfois cela me rassure et d'autres fois, cela me fait peur.
- Je sais, j'ai confiance en toi, Julia, et si tu veux que je le rencontre, c'est que, au fond, il doit être gentil.
- Il l'est, crois-moi.
- Alors, tu euh... Enfin, tu vois quoi.
- Oui, Kiara, je suis amoureuse de lui, et je l'aime.
- C'est cool alors.
- Un jour, j'espère que toi aussi, tu connaîtras l'amour, tu sais, le vrai amour, pas celui que l'on prend par substitution.
Ce que Julia essaie de me dire, c'est qu'elle souhaite qu'un jour, moi aussi, je sois aussi heureuse qu'elle l'est à cet instant. Est-ce que je le souhaite vraiment? Je ne sais pas, d'ailleurs, je ne me rappelle même plus de la dernière fois où j'ai été heureuse... Une larme coule sur ma joue sans que je ne le veuille...
- Je suis désolée, je...
- Chut, ce n'est rien, Julia, parfois ça m'arrive encore de pleurer.
Cette nuit là, il ne m'a pas seulement pris la chose la plus précieuse pour une petite fille, non, il m'a aussi pris tous mes rêves, mes espoirs, et même ma joie de vivre.
- Je t'aime, Kiara.
- Je pense le savoir.
Je ne connais pas vraiment la valeur de ce mot, enfin si, grâce à Julia, je le comprends, mais le dire est autre chose. Julia sait que ce n'est pas parce que je ne lui ai jamais dit que je ne tiens pas à elle, et heureusement, puisqu'elle est encore et toujours là pour moi aujourd'hui. Elle est devenue mon repère, ma meilleure amie, tout simplement.
-Ça ira, Julia, ne t'inquiète pas.
- Depuis quand utilises-tu mes propres phrases ?
- Depuis que tu influences grandement ma vie.
- Je suis juste stressée, c'est tout.
- Et ?
- Rien de plus.
- Julia, s'il te plaît, arrête de mentir pour m'épargner.
- Tu risques de m'en vouloir, mais je n'y suis pour rien, alors s'il te plaît, ne m'en veux pas.
- Julia, sois brève, tu m'inquiètes.
- Thibault n'arrivera pas seul.
Alors Thibault, c'est le prénom de son ami. Elle ne l'avait jamais mentionné, ou alors je ne m'en souvenais pas, le prenant pour un simple flirt. Mais que veut-elle dire par "il n'arrivera pas seul" ?
Je l'interroge à travers mon regard, alors elle reprend.
Il a demandé s'il pouvait amener un ami pour que tu ne te sentes pas exclue.
- Donc, pour éviter de me sentir de trop, c'est bien ça ?
Elle fait oui de la tête.
Et tu lui as répondu quoi ?
- Je ne savais pas quoi lui dire, alors j'ai accepté.
- Tu as accepté sans même me consulter ?
- Tu aurais refusé, Kiara.
- Évidemment que j'aurais refusé, Julia. Tu connais parfaitement ma réaction face aux inconnus, surtout les hommes. Alors, tu n'as même pas envisagé de te demander comment je réagirais avec deux inconnus ?
- Je ne fais que me questionner sur tes réactions, mais finalement, je ne peux pas vraiment savoir comment tu réagirais puisque l'occasion ne s'est jamais présentée. Tu ne sors pas avec moi, sauf pour aller au travail, et c'est moi qui organise ton planning pour qu'aucun homme ne soit présent pendant tes séances. Alors excuse-moi, mais comme tu es ma meilleure amie et que je tiens beaucoup à toi, je voulais te présenter l'homme dont je suis amoureuse, même s'il vient accompagné ce soir. M'en veux-tu ?
Je ne peux pas vraiment lui en vouloir, enfin si, mais la seule chose que j'ai retenue, c'est que je compte beaucoup pour elle. Je sais qu'elle fait beaucoup pour moi et je ne la remercie pas assez, alors je peux bien faire cet effort pour elle ce soir.
- Ne t'inquiète pas, Julia, si je meurs ce soir, tu n'auras que ma mort sur la conscience.
- Très drôle.
Je tente de faire un peu d'humour pour la rassurer, sachant qu'elle se fait beaucoup de soucis pour moi. Cela devrait aller, bien que ce ne soit plus un, mais deux problèmes que je vais devoir affronter ce soir. Je pressens déjà comment je vais me sentir, mais je vais tâcher d'empêcher Julia de s'inquiéter trop pour moi.
Je la laisse terminer le repas tandis que je dresse la table. Une fois tout prêt, Julia se prépare et se fait belle, elle opte pour une robe rose qui s'évase vers le bas et des talons aiguilles. Elle est splendide, parfaitement maquillée et coiffée, et je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant. Quant à moi, j'ai choisi pour ce soir un jean noir et une chemise noire ample, mes cheveux toujours attachés, sans maquillage, portant seulement les marques de la fatigue, du stress et de l'angoisse de toutes mes nuits.
Lorsque j'entends la sonnette, Julia m'offre un sourire et je perds toute notion de ce que j'avais prévu de faire. Dois-je serrer la main, faire la bise, ou simplement saluer d'un geste de la main ? Julia les invite à entrer et quand je les vois s'approcher, mon cœur s'affole et mon regard se fixe sur lui. Oh putain, non, tout sauf ça...
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Innocence volée (En Correction)
RomanceOn ne peut expliquer ce que l'on ressent, honte, dégoût, colère, haine voilà les émotions, mes sentiments. J'étais si jeune et impuissante, j'étais sa chose, son objet, sa marionnette, sa poupée .... On ne peut décrire ce que l'on ressent, on essa...