#15

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Assise dans ma voiture, je ne peux m'empêcher de repenser aux paroles de la psychologue, me demandant pourquoi Julia m'a caché cette thérapie. Je conduis, guidée par le GPS qui me dirige vers elle, répétant mentalement ce que je vais lui dire, car j'aime que tout soit planifié et organisé, je déteste être prise au dépourvu.

Le GPS annonce que je suis arrivée, bien que je n'aie conduit que dix minutes. Je me stationne et cherche le numéro vingt-trois. La lumière est allumée, c'est bon signe.

La maison est impressionnante de l'extérieur, je ne sais pas exactement ce que Thibault fait comme travail, mais à en juger par la maison, il doit bien gagner sa vie.

Alors que je m'apprête à sonner, j'entends des rires à travers la porte. Et si je tombais encore une fois sur un moment inopportun ? Peu importe, je dois lui parler, je ne peux pas attendre demain, surtout que je suppose qu'elle va passer le week-end ici. "Jalouse", me souffle ma conscience. Peut-être, mais cela m'est égal, je l'assume. "Menteuse", rétorque-t-elle. "Chut", je pense tout haut pour la faire taire. "Tu crois que je vais me taire aussi facilement ?" Je ne renonce pas, je suis trop énervée.

Je frappe une première fois, les rires couvrent le bruit, et personne ne vient m'ouvrir. Je décide alors de sonner et d'insister jusqu'à ce que quelqu'un vienne m'ouvrir.

Les phrases se répètent en boucle dans ma tête, je connais mot pour mot ce que je dois lui dire, je suis tellement en colère contre elle. Mais la personne qui ouvre la porte n'est ni Thibault ni Julia.

- Crochet du droit, que fais-tu ici ?

Je dois rester forte, ne pas flancher, ni même me dégonfler, même si je me répète ces mots, je perds la parole, mais j'arrive quand même à murmurer son nom.

- Julia ?

- Tu t'es trompée d'adresse ! Heureusement, il a compris.

Comment ai-je pu me tromper ? Non, c'est bien l'adresse que Julia a notée sur le frigo. Elle doit être ici, sinon où pourrait-elle être ? Je rassemble le peu de courage qu'il me reste pour lui parler, bien que ce soit probablement ma colère qui s'exprime.

- Mais c'est l'adresse qu'elle m'a donnée. Regarde par toi-même.

Je lui tends le papier avec l'adresse, il le saisit, le lit, et puis cette bimbo surgit.

- Hé Roméo, tu reviens quand ?

Et merde, j'avais oublié les rires derrière la porte, c'étaient des rires de femmes. Il ne tente pas de me la présenter, mais après tout, pourquoi le ferait-il ? Il l'envoie directement dans la chambre avec un ton sec et autoritaire.

- Va dans la chambre, Anastasia.

Quel connard, j'ai envie de dire, mais je m'abstiens car une partie de moi apprécie la manière dont il l'a renvoyer pour me parler, et pourtant, je me sens trop proche de lui, surtout qu'il est torse nu. Je recule d'un pas, il le remarque.

- Désolé crochet du droit, mais c'est effectivement mon adresse.

J'espère que c'est une blague de la part de Julia, car je pense qu'elle a vraiment dépassé les bornes cette fois. Comment peut-elle me donner l'adresse de ce gars au lieu de la sienne ? Ok, je suis peut-être trop envahissante, mais il semble qu'elle veuille se débarrasser de moi, sympa ...

- Alors, donne-moi l'adresse de Thibault, je dois parler à Julia, c'est urgent.

Est-ce que je rêve ou est-ce qu'il se moque ouvertement de moi, ce type ? Enfoiré, ça aussi je le pense mais ne lui dis pas.

- Attends, tu n'as jamais entendu parler des téléphones portables ? Appelle la. 

Il a raison sauf que je veux la voir, j'ai besoin de voir sa réaction face à cette révélation.

- Et toi, tu connais mon crochet du gauche ?

Bon, d'accord, c'était nul, mais il a le chic pour m'énerver. En même temps, il a un charme qui ferait craquer n'importe quelle fille, mais il reste un danger, une menace, un homme.

- Alors là, c'est la meilleure ! Tu ne me parles pas et quand tu daignes enfin m'adresser la parole, c'est pour me demander l'adresse de mon meilleur pote. Non mais, je rêve ! C'est soit je viens avec toi, soit je te laisse ici.

- NON

Je suis sur le point de partir et de me débrouiller seule quand elle reprend la parole.

- Roméo, j'ai froid.

Beurk, beurk et re-beurk, c'est répugnant. Juste au moment où je vais franchir la porte pour me diriger vers ma voiture, il me saisit le poignet, comme si cela était devenu une manie chez lui.

- C'est devenu une manie de saisir mon poignet ?

- Attends, dit-il en se tournant vers la fille, prends tes affaires et casse toi Anastasia.

- Tu n'es pas sérieux, là ?

- Si, dégage, on baisera une autre fois.

Alors, qu'elle ramasse ses affaires et passe la porte en me lançant un regard noir, elle finit par se tourner vers Mathew.

- Pauvre connard.

Il ne l'avait certes pas volé, mais il tenait encore mon poignet, ce qui devenait de plus en plus inconfortable pour moi. Il éclata de rire face à l'insulte et me regarda à nouveau.

Je posais mon regard sur sa main qui enserre mon poignet, et il me libéra aussitôt.

- Pourrais-je avoir l'adresse de Thibault maintenant s'il te plaît ?

Si j'y mettais de la politesse et une forme de gentillesse il pourrait peut-être me la donner non ?

- Non, je t'emmène, c'est ce que je t'ai dit.

Ok, bon ça ne fonctionnait pas.

- Et moi, j'ai dit non. Je ne monterai pas avec toi seule en voiture.

Il rit à nouveau, alors que j'étais sérieuse, plus que jamais auparavant. Il me fixa avec un air grave et me dit :

- Attend, tu crois que je vais te violer ou quoi ?

Et c'était la phrase de trop, le mot qui a brisé le silence, venant de lui. Je me retournais brusquement et courais vers ma voiture, laissant mon sac tomber au sol sans prendre le temps de le ramasser, encore moins de me retourner alors qu'il criait mon nom. Je montais dans ma voiture et prenais la route, tentant de chasser cette peur qui me rongeait de l'intérieur.

Et voilà, il a fallu qu'il me dise cela, cet homme qui éveillait en moi des sentiments inconnus. J'aurais pu donner une chance à ces nouvelles émotions, mais ses mots m'ont rappelé que tous les hommes sont les mêmes, à des degrés différents.

Je conduis sans savoir où je vais, les mains tremblantes, le cœur battant la chamade, ma respiration si affolée. Je dois me concentrer sur la route. Et s'il m'avait suivie ? Je vérifie dans le rétroviseur intérieur, puis extérieur, rien, aucune voiture à ma poursuite. Je dois m'arrêter, reprendre mes esprits, respirer, me calmer ou je risque un accident. Je me gare sur le côté de la route, sur un trottoir, et je compte jusqu'à ce que je me calme. Concentrée sur les chiffres, arrivée à soixante-douze, ma respiration se stabilise, mes mains ne tremblent plus, et mon cœur ne bat plus aussi fort. Je remets le contact et reprends la route.

Innocence volée (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant