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Mathew ouvrit la porte et posa son regard sur ma sœur, l'observant en silence avant de m'adresser un sourire et de nous inviter à entrer. Ma sœur s'empressa de se présenter devant lui et prit place à ses côtés à la table, je choisis donc de m'asseoir en face. J'avoue que c'était mieux ainsi, plus j'étais loin de lui mieux c'était.

Julia était visiblement heureuse de me voir. Je savais que je devais lui parler, mais cela pouvait attendre encore un peu.

Le dîner se déroulait bien, du moins de mon point de vue. Je ne pouvais m'empêcher d'observer le comportement de ma sœur avec Mathew, elle ne pouvait s'empêcher de lui parler, de le frôler, le toucher, tout l'inverse de moi. J'étais énervée de la voir être ainsi avec lui, mais finalement lorsque tu es une personne "normale" sans faille tu dragues comme ça non ? Etais-ce vraiment ça ?
Lui, il ne cessait de me lancer des regards. Était il à la recherche d'un signe ou d'une quelconque réaction de ma part ? Je me sentais juste mal à l'aise d'être ainsi scrutée. Peut-être voulait-il savoir si j'avais ouvert son cadeau, c'est ce que je supposais.

Il était environ 22h30 quand le téléphone de ma sœur se mit à sonner, affichant "maman" à l'écran. Elle me jeta un regard puis répondit. Que pouvais-je lui dire ? J'aurais voulu qu'elle ne lui réponde pas, en tout cas pas devant moi. La relation avec mes parents avait été brisé il y a sept ans.

"Maman ?"

Oui elle est avec moi tu veux lui parler ?

Je secouais la tête, refusant catégoriquement de lui parler. Karen me tendit son téléphone, mais je le refusai, ne voulant pas le prendre. Elle insista, ce qui fit monter ma colère. Pourquoi tenait-elle tant à ce que je parle à ma mère ?

- Non, Karen, je ne veux pas lui parler, je te l'ai déjà dit.

- Kiara, elle veut juste te dire bonjour et savoir comment tu vas. Fais un effort.

Karen ne comprenait pas pourquoi j'avais quitté ma vie précédente, ni pourquoi j'avais coupé les ponts avec mes parents. Je ne voulais pas donner raison à ma mère, encore moins l'entendre. Mais je ne pouvais pas non plus dire les raisons à ma sœur surtout devant tout le monde puisque ma sœur était toujours à table avec nous.

- Laisse-moi tranquille, Karen.

- Allez, crochet du droit, dis-lui au moins bonjour.

Mais pourquoi se mêlait-il de cela ? Il ignorait même la raison pour laquelle je refusais de lui parler, sans parler de ce qui s'était réellement passé. Julia me regardait, indécise, ne sachant pas si elle devait intervenir ou me laisser éclater. Karen était retournée dans la cuisine pour poursuivre sa conversation avec ma mère, tandis que Mathew me fixait intensément. Julia tenait la main de Thibault, qui jetait un regard furieux à Mathew... J'étais là sans vraiment l'être, je haïssais ma sœur d'être revenue, encore plus de me forcer à reparler à mes parents, et plus encore pour toute cette compassion, cette pitié envers moi !!

Ne pouvant plus supporter cette scène, ni ces regards posés sur moi dans un silence pesant, je me levai de table, pris mes affaires, mes clés de voiture et me dirigeai vers la porte. Ma sœur, qui venait de réapparaître dans la pièce, me regarda, soupira, les larmes aux yeux, et me laissa partir...

De retour à l'appartement, sans me soucier de ma sœur car Julia était avec elle et je savais qu'elle resterait pour la nuit, je retirai mes chaussures à l'entrée, enfilai mon pyjama et allai me coucher. Une fois au lit, je sortis mon carnet de la table de nuit et y couchai mes pensées.

Mon cher journal,

Tu pourrais croire que je t'ai oublié ou que je n'ai plus besoin de toi, mais c'est tout le contraire. Je dirais même que tu es plus utile que ma psychologue !

J'ai eu ma première séance et je l'ai détestée. Pour l'instant, je ne vois pas en quoi cela va m'aider, mais Julia insiste pour que je continue, alors je vais m'y tenir, car je tiens à elle et à mon travail. Je te parlerai davantage de cette thérapie quand je commencerai à en ressentir les bienfaits.

Mais parlons de ce qui est vraiment important : ma sœur Karen. Je suis sûr que tu te souviens d'elle, je ne cessais de te parler d'elle. Eh bien, elle est revenue dans ma vie aujourd'hui !
Je ne sais pas encore pourquoi exactement, mais je vais le découvrir. Ce que je déteste, c'est qu'elle ramène avec elle mon passé. Elle veut me réconcilier avec notre mère, mais je n'en ai ni la force ni le courage. Tu me comprends toi n'est-ce pas ? Le soucis c'est que son retour me fait remonter trop de souvenirs, trop de choses que je n'arrive pas à classer.

Je sais qu'elle cherche à découvrir quelque chose, la vérité probablement, mais ai-je envie qu'elle sache ? Pas vraiment. Et ai-je envie de lui dire ? Encore moins. Je veux toujours la protéger, ne pas l'inquiéter, et surtout, je ne veux pas que son regard sur moi change, bien qu'il ait déjà changé, et c'est ce que je refusais de voir dans ses yeux.

Je ne sais pas comment réagir face à ma sœur, elle était en pleine adolescence lorsque je suis partie, elle n'a pas compris pourquoi je l'avais abandonné et je pense qu'elle m'en veux d'avoir détruit sa famille de rêve, notre famille ... J'ai besoin de réponse j'ai besoin d'aide mais je ne sais pas qui pourrait m'aider, j'ai envie de retrouver ma petite sœur mais plus rien n'est comme avant, me pardonnera-t-elle ? Comprendra-t-elle aussi la vraie raison du pourquoi je suis partie ? Encore faudrait-il qu'elle le sache !

Je suis consciente que tu ne peux pas me donner de conseils, mais à ta façon, tu m'aide en me permettant d'exprimer mes doutes et mes problèmes.

Tu connais l'histoire, tu sais comment j'étais et mon unique désir était de la protéger de lui. Lui, si proche de notre famille, lui qui...

Mes larmes s'échappent sans contrôle, de colère je gribouille la page de mon journal, incapable de me convaincre que j'ai pris les bonnes décisions puisque personne ne m'a crue, aidée, et le pire, c'est qu'ils m'ont tous abandonnée.
J'essuie mes larmes qui coulent de plus en plus en ce moment, je dois être forte comme j'ai appris à l'être, comme j'ai dû l'être. Je sais que je ne suis pas heureuse, je sais aussi que ma situation aurait pu être pire. Je dois me contenter de ce que j'ai réussi à accomplir.

Oui, cher journal, je déteste ma sœur d'être revenue, je déteste la voir si belle et heureuse, je déteste constater à quel point elle a réussi sa vie. Pourtant, je suis tellement heureuse et fière de la voir si éclatante, si lumineuse et si pleine de vie.

Je voudrais être comme elle, j'aurais aimé ne jamais avoir vécu cela et surtout, j'aurais souhaité que ma famille ne me rejette pas.

A bientôt .

Ainsi se termine ma soirée en compagnie de celui qui ne m'a jamais quittée, mon cher journal.

Après avoir confié mes émotions du soir à ces pages, je range mon journal comme lorsque j'étais petite. Ensuite, je me blottis dans mon lit, en position fœtale sous la couette. Je pressens que cette nuit sera agitée, et je sais qu'il sera, comme souvent, présent dans mes rêves.

Innocence volée (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant