Le temps des secrets. [EN RÉÉCRITURE]

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Nous venions tout juste d'avoir un an mon frère et moi quand notre mère a disparu de notre vie, subitement. Devenue mère trop jeune, elle s'était révélée incapable de nous élever, et avait prit la fuite. Seize ans plus tard, elle n'était toujours pas réapparue dans notre vie. À vrai dire, elle ne nous manquait pas vraiment, après tout, nous n'avions strictement aucun souvenir d'elle, si ce n'est quelques photos que notre père avait glissées dans un vieil album que nous sortions à l'occasion. Ma mère me ressemblait un peu étant jeune. J'ai hérité de ses cheveux blonds vénitiens, et mon frère Alistair lui, a eu le droit à ses yeux, deux surfaces bleues extraordinaires. Je ne vais pas me plaindre, loin de là, les yeux verts de mon père me conviennent parfaitement, mais j'aurais aimé qu'elle me lègue au moins ça, que nous ayons quelque chose à partager en plus de nos cheveux, qui de toute façon ne seront pas de la même couleur tout au long de notre vie... Peut-être même qu'elle n'a plus les cheveux blonds, pour ce que j'en sais.

« - Ethel ! » Crie, mon père depuis la cuisine. Je jette un coup d'œil à mon réveil, et constate qu'il n'est que dix-huit heures, je me demande bien ce qu'il peut me vouloir. Intriguée, j'abandonne le livre que j'étais en train de lire, et saute hors de mon lit, avant de parcourir les quelques mètres qui séparent ma chambre de la pièce principale de la maison. Mon père se tient assit, sur l'îlot central qui nous sert de table, il sirote une bière. Alistair est là lui aussi, il a les yeux rivés sur la télévision. Quand je tourne la tête vers celle-ci, je constate qu'il est fasciné par un épisode de Pokémon, que nous avons sans doute déjà vu, en bons fans que nous sommes. Prenant conscience de ma présence, mon père se saisit de la télécommande et éteint le téléviseur, ce qui me surprend énormément. S'il a eu le cran de faire ça pendant un épisode du dessin animé préféré de mon frère, c'est qu'il se passe quelque chose de grave. Je lui jette un coup d'œil, perplexe. Il m'invite à m'asseoir d'un signe de tête, et un pressentiment me fait comprendre que je risque de ne pas apprécier ce qu'il s'apprête à dire. Il fait une grimace, et je sens tout mon corps se crisper.

« - Votre mère veut que vous alliez vivre avec elle. » Alistair en lâche son verre d'eau, et ma mâchoire se décroche. Je m'apprête à éclater de rire, puis le regard sérieux de mon père me fait prendre conscience que ce n'est pas une blague. Seize ans qu'elle ne nous a pas vu ni adresser la parole, et elle veut qu'on vienne habiter chez elle, c'est la plus grosse blague du siècle. J'ai envie de vomir soudainement. Alistair à côté de moi est tendu, il observe mon père sans rien dire. Je sais qu'il ne criera pas, qu'il restera calme, comme toujours. Alistair n'est pas du genre à s'énerver, à crier et à tout exploser. À vrai dire, la bombe de la famille, c'est moi. Et à ce moment précis, je sens monter en moi la colère. J'essaye de la contenir, mais n'y parvient que pendant une brève seconde. L'instant d'après, l'ouragan se déverse.

« - Jamais. » Je hurle alors, faisant sursauter à la fois mon père et Alistair. « - Je n'irais jamais vivre avec elle. Pas alors qu'elle nous a abandonnés sans aucun scrupule. » J'espère sincèrement gagner ce combat-là, mais au fond de moi, je sais déjà qu'il est perdu d'avance. Le pauvre sourire de mon père me le confirme, une fraction de secondes plus tard.

« - Elle est prête à m'envoyer des avocats pour obtenir votre garde, je n'ai pas les moyens de... » Il ne finit pas sa phrase, mais je comprends instantanément. Je sais que nous n'avons pas les moyens, nous survivons tout juste avec son salaire.

Je la hais déjà, avant même de l'avoir rencontré.