Beaucoup plus tard dans la soirée, je me suis réveillée, toujours étendue au même endroit. Les étoiles brillaient toujours dans le ciel, et la lune avait avancé dans sa longue course. Il n'y avait plus un bruit dans la maison et en posant un œil sur mon réveil, je compris pourquoi : il était près de deux heures du matin. Tout le monde devait être en train de dormir. Soudainement prise d'une envie terrible de manger, je suis sortie de ma chambre sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller qui que ce soit. Je n'avais pas particulièrement envie de croiser ma mère, sa compagne, ou l'un de leurs rejetons. La maison était plongée dans le noir et était assez flippante, mais je finis ; par tâtonnements, par dénicher le chemin jusqu'aux escaliers, que je dévalai le plus doucement possible... Arrivée à quelques marches du rez-de-chaussez je me stoppais sur place en entendant plusieurs voix. Sur le coup, je décidai de faire demi-tour, et de redescendre plus tard, mais c'était avant d'entendre mon prénom. Curieuse de nature, je descendis plusieurs autres marches, et me planquais près de l'entrée du salon, là ou j'étais certaine de parvenir à entendre la conversation qui se tenait dans la pièce.
« - Elle est égoïste, méchante et malpolie. Elle vous traite toi et Sam avec un total mépris ! » Kehan. C'est la voix de Kehan qui résonnait dans le salon. Je ne le connaissais que depuis quelques heures, mais je n'avais eu aucune difficulté à reconnaître sa voix. Il faut dire aussi qu'il était le seul homme vivant dans cette maison. Je n'ai même pas besoin de me trouver face à lui pour comprendre qu'il bouillonne de colère, et j'imagine très bien la tête qu'il doit tirer : mâchoire et poings serrés, regard bouillonnant de colère. Ouais, il doit être exactement comme je me l'imagine. Je pense qu'il est avec Isabelle, enfin, c'est ce que je déduis puis ce qu'il vient tout juste de mentionner le surnom « Sam », diminutif de Samantha, qui se trouve être le prénom de ma mère, je l'imagine mal parler à Kiara ou Mia comme ça... Surtout si tard.« - Laisses-lui du temps mon ange, c'est pour elle que c'est le plus difficile, je te l'ai déjà expliqué. Elle est très proche de son père, la séparation doit être vraiment atrocement douloureuse pour elle. » Effectivement, j'avais raison, c'est bien Isabelle qui se trouve avec lui... C'est gentil de la part de cette femme de prendre ma défense contre Kehan, mais son fils n'a pas tout à fait tord au fond, j'ai été vraiment odieuse avec elle, alors qu'elle ne le méritait nullement, elle ne m'a rien fait.
« - Ne la défends pas maman, la séparation avec son père ne justifie pas sa façon de te parler comme si tu étais de la merde. Ce n'est pas une raison pour être désagréable avec tout le monde. Elle vient à peine d'arriver et elle m'agace déjà ! On dirait une de ces gamines pourries gâtées qui croient que tout leur est dû. Si elle était déjà capricieuse quand elle était petite, j'imagine très bien pourquoi Sam est parti ! » Sa dernière phrase me cloue le bec, et je me mets à trembler, figer sur place. J'ai l'impression que quelque chose en moi vient de se briser en mille morceaux. J'ai le souffle coupé, et je suffoque. Il faut que je m'en aille d'ici ! Il ne faut pas que je reste là.
C'est à ce moment-là que je fais volte-face et que je me dépêche de remonter les escaliers quatre à quatre, sans plus me soucier de faire le moins de bruit possible. Je me fiche bien qu'ils m'entendent après ce qu'il vient de dire ! Et si tout le monde est réveillé, je m'en tape. Il m'a fait mal, terriblement mal et je n'ai qu'une seule et unique envie : m'éloigner de lui le plus vite possible. J'ai besoin d'air.
Quand j'arrive dans ma chambre, je fonce droit vers la véranda, et je m'effondre contre la porte, avant de finalement éclater en sanglots. Peut-être qu'il a raison et que ma mère est partie à cause de moi, parce que j'emmerdais mon monde ! Peut-être que c'est de ma faute si elle nous a abandonnés et si papa s'est retrouvé seul. Je n'en ai pas la moindre idée, mon père ne parle jamais du passé et surtout pas de la mère de ses enfants. Jamais. Les rares fois où nous avons entendu parler d'elle, c'est quand nous posions des questions Alistair et moi, pour savoir comment elle était, ou pourquoi elle était partie. Il ne répondait jamais à la seconde question, donc nous n'avons jamais rien su.
Les mots que Kehan a prononcés sont très durs à entendre et me mettent dans un état pitoyable. Ils me retournent le cerveau, me compressent le cœur, me foutent complètement en vrac. Ca fait méga mal d'imaginer que notre mère est partie à cause de nous, mais ça fait encore plus mal d'entendre quelqu'un d'autre dire que votre mère est partie à cause de vous.
C'est pour cette raison, qu'à partir de ce moment précis, je le déteste.
Kehan.
Kehan et sa gueule d'ange. Kehan et ses yeux bleus. Kehan et son putain de sourire.
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Le temps des secrets. [EN RÉÉCRITURE]
Ficção AdolescenteTout oppose Ethel et Alistair, faux jumeaux, pourtant, ils partagent une complicité à toute épreuve. Alors que leur année de première arrive à sa fin, leur père, qui les a élevé seul après le départ de leur mère lorsqu'ils étaient petits, leur annon...