II.

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Instinctivement, je cherche la main d'Alistair et finis par enrouler ses doigts avec les miens

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Instinctivement, je cherche la main d'Alistair et finis par enrouler ses doigts avec les miens. Il l'a vu lui aussi, et sert un peu plus mes doigts. Nous sommes aussi tendus l'un que l'autre. En seize ans, c'est la première fois que nous voyons la femme qui nous a mit au monde. Pourtant, nous l'avons reconnue tout de suite. À cause de ses yeux peut-être, je ne saurais le dire. Nous savions, c'est tout. On est resté planté face à elle, à se fixer comme des imbéciles, incapables de détacher l'autre du regard.

Un mouvement vers le bas attire soudain mon regard, et je découvre une petite tête blonde, haute comme trois pommes. Ma gorge se serre. Ma mère n'a pas fait que nous abandonner mon frère et moi, elle a fondé une nouvelle famille. C'est comme si elle avait complètement nié notre existence pendant toutes ses années. Je me sens rejetée, et ça fait mal.

Alistair caresse le dos de ma main avec son pouce, pour me donner du courage, mais je sens des larmes de colère me picoter les yeux. Pourquoi vouloir, nous faire, entrer dans sa vie, alors qu'elle a déjà tout ce qu'il lui faut ? Pour retenir mes larmes, je me mords l'intérieur de la joue.

Après une seconde, Alistair m'entraîne vers elle, et je le suis à contrecœur. Ce n'est pas comme-ci j'avais la possibilité de m'enfuir pour échapper à tout ça. Notre mère nous observe chacun notre tour, puis nous sert maladroitement dans ses bras. Lorsque c'est mon tour, je trouve cela très bizarre. Je ressens un picotement, comme-ci mon corps avait gardé des souvenirs du sien... Une chaleur se répand à travers mon être entier, mais en même temps, je trouve cela assez étrange, j'ai l'impression qu'une étrangère me prend dans ses bras.

« - Vous avez tellement changé ! » Nous lance-t-elle après m'avoir enfin libérée. Alistair serre ma main un peu brusquement, et je comprends que je ne dois pas balancer les premiers mots qui me passent par la tête... Une seconde de plus et je lui aurais lancé une réplique bien cinglante. À la place, je tente maladroitement de sourire. Je suis certaine que mon sourire est loin d'être convainquant, pourtant notre mère, c'est si difficile de la nommer comme ça, semble ne pas en prendre conscience. Pour sa part, elle a un sourire éclatant scotché au visage. Notre absence de réponse ne semble même pas la déranger une seconde et elle continue de rayonner.

Elle me fait penser à un ange, avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus et sa peau blanche. Oui voilà, c'est ça, ma mère ressemble à un ange. Elle ne fait pas du tout ses trente-six ans, mais plutôt dix de moins. On dirait encore une jeune femme, alors qu'elle est femme depuis dix-sept ans.

« - Je vous présente Kiara, votre petite sœur. » La pauvre petite se cache derrière les jambes de sa mère, de notre mère, intimidée. Elle ne doit pas avoir plus de six ans. Elle nous jette des coups d'œil, posant ses yeux immenses sur nous. Ils sont bleus, comme ceux d'Alistair. Suis-je la seule de ses enfants à ne pas avoir hérité de ses yeux ? Cela m'agace, alors je détourne la tête, et me perds dans mes pensées, incapable d'entretenir le rapport visuel avec ma mère. J'ai mal lorsque je la regarde, parce que tout ce que je vois, c'est son visage, le visage que je n'ai pas eu la chance de connaître parce qu'elle nous a abandonnés. J'ai envie de hurler, mais aucun son ne sort. Je reste silencieuse, figée. Soudain, mon frère serre un peu plus ma main, je lève la tête et fronce les sourcils. Il fait un mouvement de la tête en direction de notre mère, et je comprends que celle-ci a dû dire quelque chose.

« - Quoi ? » Je questionne soudainement, sûr un ton un peu brusque. Je sens Alistair trembler légèrement à côté de moi.
« - Je vous demandais si vous préfériez visiter les alentours, ou rentrer directement à la maison. » Souffle la femme qui se tient devant moi, sans percevoir le malaise qui s'est glissé entre nous.
« - Oh... » Je murmure. Est-ce véritablement un choix ? Visiter les alentours semble être barbant, mais allé chez elle, je ne sais pas si je suis prête. Je me balance d'un pied sur l'autre, en réfléchissant à la meilleure solution possible. Je n'en trouve pas, et je soupire. « - On peut aller chez toi, je suis fatiguée. » Finis-je par lâcher, j'entends Alistair soupirer de soulagement et je me doute qu'il flippait à l'idée que ma réponse ne soit aucune des deux. J'avoue que l'idée de m'enfuir m'a traversé l'esprit, mais je sais que ça ne me mènera nulle part, mon père me l'a bien fait comprendre. Rien n'est négociable.
« - Alors, nous sommes partis ! » S'exclama-t-elle sans contenir sa joie... Si elle fait semblant, elle est très bonne actrice.

Alistair tire sur mon bras, et nous partons.


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Le temps des secrets. [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant