Chapitre 8

9.8K 839 47
                                    

Je tourne brusquement la tête et découvre nul autre que le prince en personne en train de m'observer l'air rieur.

À le regarder de plus près, je me rend compte qu'il n'est vraiment pas laid... si on aime le genre bien asticoté avec sans doute un balai là où je pense. Avec ses cheveux blonds bien coiffés, ses yeux bleus pétillants de malice et son sourire enfantin, il est beaucoup plus beau que sur les portraits que j'ai vu de lui. Il est aussi beaucoup plus grand.

Merde il doit me prendre pour une folle à parler toute seule et à l'observer comme ça, me dis-je subitement.
Je me lève vite pour ne pas me ridiculiser encore plus mais en remontant, je me prend les pieds dans ma robe et perds l'équilibre.
Je me sens tomber en arrière. Le prince le remarque aussi et s'avance pour m'aider mais trop tard, je tombe dans l'eau glacée et vaseuse de l'étang.

- Putain c'est froid !

- Attendez ! Attrapez mon bras !

- Non, je sais très bien me débrouiller seule, merci ! Dis-je un peu trop hargneusement en remontant difficilement la berge. Les cheveux trempés et la robe noire de boue et pesant une tonne à cause de l'eau. Quand je suis enfin remontée, je commence à éponger ma robe et mes cheveux. Je suis frigorifiée et le prince ne semble plus se trouver nulle part aux alentours.

- Sa majesté a pris la fuite, sifflais-je perfidement.

- Est-ce de la déception que j'entends dans votre voix ? S'exclame-t-il moqueur en réapparaissant, une serviette à la main.

- Pas le moins du monde ! Ne prenez pas vos rêves pour la réalité ! Dis-je en arrachant la serviette de ses mains.

- Un merci aurait suffit, dit-il en m'observant me sécher les cheveux, un étrange sourire aux lèvres.

- C'est à cause de vous que je suis tombée. Vous pouvez vous mettre votre merci là où je pense.

- Seigneur mais qui êtes vous ? Je ne me souviens pas vous avoir déjà vu au château et vous êtes bien trop grossière pour être une de mes invitées.

Je devrais être flattée qu'il ne me considère pas comme une de ces petites dindes à l'intérieur. Et pourtant je sens en moi l'irritation augmentée. Me prend-il pour une paysanne ?!

- Invitées, c'est comme cela que vous les appelez ?

- Et bien oui, comment voudriez-vous que je les appelle ?

- Oh je sais pas moi, vos esclaves ? Vos prisonnières ? Vos jouets, vos captives, vos pantins ? Ça sonne plus juste.

- Elles ont choisies d'être ici.

- Non, erreur, leurs familles l'ont choisis.

- Je ne les force à rien... elles sont libres de partir à tout moment.

- Je vous en prie ! Ne vous faites pas plus naïf que vous ne l'êtes, vous pensez sincèrement qu'elles sont libres de décider si elles restent ou non ?

- Vous parlez en connaissance de cause ?

- Ma mère et ma sœur sont dans cette salle. Ma mère a beau être la femme la plus aimante que je connaisse, si ma sœur part sans que vous ne l'ayez ordonné, jamais elle ne lui pardonnera. Alors imaginez un instant les autres "invitées" qui elles n'ont peut-être pas des mères aussi compréhensives...

-je...je n'y avais pas pensé...

-bien sûr que vous n'y avez pas pensé. Vous êtes persuadé que derrière ces murs, le monde est beau. Vous êtes enfermés dans une cage en or depuis toujours mais tout ça...ce n'est pas réel... vous ne l'êtes pas non plus...

-Pardon ?

Pourquoi lui dis-tu ça ? Tu es sur cette terre la personne la moins bien placée pour lui expliquer cela. Toi non plus, avant aujourd'hui tu n'étais sortie de ta cage dorée...

-vos sentiments, vos décisions, votre façon de vous tenir et votre vision du monde, toutes ces choses qu'on vous apprend depuis votre naissance mais qui sont pour votre peuple des détails futiles et qui font de vous un homme irréel. Un homme parfait.

-n'est ce pas ce qu'on attend d'un souverain, la perfection ?

-si sans doute...mais je ne sais pas si cela sert vraiment vos intérêts en fin de compte...

-je ne vous suis pas vraiment...

-si vous étiez plus proche de votre peuple, si vous voyiez leurs conditions de vie parfois si misérables que s'en est aussi d'une certaine façon irréel... je pense qu'il vous aimerait plus.

-mon père m'a toujours dit que je devais les forcer à me craindre, pas à m'aimer.

-c'est le truc le plus con que j'ai jamais entendu ! M'exclamais-je outrée.

Il éclate de rire et je souris en écoutant ce son si doux à mes oreilles.

-vous êtes définitivement l'être le plus étrange qu'il m'ait été donné de rencontrer.

-c'est un compliment ?

-bien sur !

-vous n'avez pas du en croisez souvent des gens alors...

-pas faux, dit-il en riant doucement.

Nous sommes assis au bord de l'étang côte à côte sans parler mais ce n'est pas un silence gênant, c'est paisible. Tous ce dont j'avais besoin après cette journée...irréelle.

-Soly !

Surprise, je me redresse brusquement et sonde des yeux les environs.

-qui a-t-il me demande le prince en cherchant ce que moi même je cherche.

-je...j'ai cru entendre mon nom...

-Soly !

Cette fois je suis sûre, c'est Nelly et elle me cherche, sa voix se rapproche et connaissant son caractère volcanique, si elle me trouve seule en compagnie du prince, ça va barder.

-Soly ? Fait le prince en se retournant vers moi.

-il faut que j'y aille ! Dis-je précipitamment en me relavant.

-quoi ? Pourquoi ?

-ma sœur me cherche et je ne veux pas qu'elle nous voit ensemble ! M'écriais-je déjà loin.

-attend !

Je me retourne impatiente vers lui qui n'a toujours pas bougé.

-ton prénom c'est Soly ?

Je souffle d'exaspération, il a quoi mon prénom ?

-non Soledad !

-enchanté, moi c'est James...

Je lui souris rapidement en hochant la tête et sans rien ajouter je déguerpis le plus loin possible de l'étang.

Et du prince. James...

I am invisible. [terminée] [en cours de correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant