Chapitre 53

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Je me réveille, j'ouvre un œil puis l'autre, m'attendant à me trouver dans l'infirmerie du château avec Ash à mes côtés.
Mais c'est avec incompréhension que je réalise que je suis dans ma chambre, dans ma maison et que la personne qui est à mon chevet n'est autre que ma mère.

Ma mère...
Ça semble faire une éternité.

Avant qu'elle ne s'aperçoive que je suis réveillée, je prends le temps de l'observer. Elle a l'air si petite dans ce grand canapé, si fatiguée avec ces grandes cernes en dessous de ses yeux d'ordinaire si sereins et qui semblent maintenant complètement abattus.
Elle a froid, ça se voit à la chair de poule qui recouvre ses avant bras, je me redresse lentement et constate avec surprise qu'elle sert contre elle Monsieur nobody, mon doudou. Elle m'avait obligé à m'en séparer, prétextant qu'une jeune fille de huit ans n'en avait plus besoin pour dormir, je me souviens encore, la première nuit que je passais sans lui, j'avais l'impression que tous les monstres de la terre s'étaient donné rendez-vous sous mon lit.
J'avais crié et pleuré toute la nuit, mais personne n'était venu, elle avait demandé à ce qu'on me laisse me débrouiller seule et c'est ce que j'avais fait, la première nuit et toute les autres nuits qui suivirent.
Au début, je lui en voulais, je ne lui parlais plus, mais comme tout, cela a finit par passer, j'ai réussit à lui pardonner, à dormir sans monsieur nobody et à me débrouiller seule.
Maintenant, je la vois, elle le sert contre son cœur comme si c'était son bien le plus précieux, comme si c'était la seule chose qui pouvait l'empêcher de se noyer complètement.

Elle joue bien la comédie si on connaît le rôle qu'elle tient dans mon histoire.

- Maman ? L'appelais-je doucement.

Rien, elle ne relève même pas la tête vers moi, son regard est toujours fixé sur un point imaginaire.
Pourquoi ne réagit-elle pas ?

- Maman ? Dis-je un peu plus fort.

Elle ne scille même pas. Si c'est une sorte de vengeance pour être partie, je ne trouve absolument pas ça drôle. C'est moi qui devrait être furax de ce que j'ai appris sur elle.
Je me lève avec l'intention d'aller la secouer pour la voir réagir mais je suis bloquée. Je retombe lourdement sur le matelas. Je re-essaie mais la même chose se produit...le lit, il me retient je ne sais comment et je ne peux pas me lever.

Paniquée, je commence a crier

- Maman ! C'est moi, c'est Soly ! Je suis rentrée ! Maman !

-...

- Maman ! C'est pas drôle ! S'il-te-plait !

Mais à quoi joue-t-elle bon sang ?! Est-elle devenue complètement folle ?

- Maman, je t'en supplie regarde-moi, chuchotais-je en pleurs.

Soudain la porte s'ouvre et c'est avec espoir que je vois Nelly suivie de Sylvia entrer dans la pièce.
Elles m'ont entendues, elles vont me sortir de là.
Nelly paraît elle aussi fatiguée, elle a perdu du poids si j'en crois ses joues trop creusées. Est-ce ma disparition qui les mettent dans des états pareils ?
La bouche à demi-ouverte, attendant que Nelly me remarque, je la vois à la place s'accroupir au près de ma mère, lui prendre la main et la prié de sortir.

- Maman, il faut que tu manges, Sylvia a préparé le repas.

- Non, je veux êtres là quand elle reviendra.

C'est sa voix, je l'avait presque oublié, c'est ma mère. Peu importe ce que j'ai pu apprendre.

- Elle ne voudrait pas te voir dans cet état, si tu continues comme cela, tu ne seras même plus là pour la voir rentrer !

Elle parle de moi, c'est à cause moi si maman est dans cet état...

- Aller vient maman, je t'en prie...Sylvia aide moi à la soutenir jusqu'à la cuisine !

Nelly se redresse et la tire par le bras pour l'obliger à se relever, Sylvia arrive aussi pour l'aider et à deux, elle finissent par soulever notre mère.
Comprenant que si elle parte, je suis coincée, je commence à m'agiter dans tous les sens et essaie encore d'attirer leur attention.

- Nelly ! Maman !

Mon sang se glace. Elles ne m'entendent pas, ne me voient pas, comment est-ce possible ?

- MAMAN ! Hurlais-je de toute mes forces avant qu'elles ne partent définitivement.

Au dernier moment, je vois ma mère se raidir et se retourner vers le lit, ses yeux se posent avec espoir à l'endroit exact où je me trouve.

- Soledad ? Chuchote-elle sans trop y croire.

- Oui maman, c'est Soly ! Je suis là ! Sanglotais-je.

- Soly ? Répète-elle en essayant de s'extirper des bras qui la retiennent.

- Maman, arrête ! Elle n'est pas là ! Regarde, elle n'est pas la, dit Nelly en balayant la pièce du regard.

Et je comprend, pas une seule fois son regard ne s'est arrêté sur moi, elle ne me voit pas...
Ma mère balaie aussi la pièce des yeux et commence à sangloter en comprenant qu'elle a rêvé.

- Je...j'ai cru l'entendre, pendant un instant, j'ai cru qu'elle était rentrée

Ma sœur prend ma mère dans ses bras et commence à lui caresser le dos pour la rassurer
Ça me fait peur, je ne l'ai jamais vu comme ça, ma mère, si forte est maintenant complètement brisée.

- On la retrouvera, je te le jure.

Et sur cette dernière phrase, elle referme la porte, et je me retrouve seule, j'ai l'impression à cet instant de faire un bond dans le passé et de revenir 8 ans plus tôt, de revenir à la première nuit ou je ne me suis plus sentie en sécurité, ou l'on m'a pris le seule rempart qu'il y avait entre moi et le danger qui rodait à l'extérieur.
Parce que depuis cet instant, plus jamais je ne me suis sentie en sécurité, j'ai toujours cette impression de vulnérabilité, ou que j'aille, quoique je fasse.

J'ai cette impression que mon bonheur peut m'être arraché à tout moment.

Alors je le protège.

Et j'oublie de me protéger moi.

I am invisible. [terminée] [en cours de correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant