I am invisible. [terminée] [en cours de correction]

Chapitre 55

- Tu l'auras pas, il est pour moi !

- Non, Soledad tu partages où je le dis à ma maman !

- Je m'en fiche ! Ta maman peut rien faire, elle travaille pour ma maman.

- Bah alors je... Je

- Tu..tu quoi ?! Lui dis-je (enfin techniquement c'est la moi d'il y a dix ans) en rigolant.

Tient c'était nouveau ça, je ne me souviens pas avoir dit cela...
Je m'approche de mon double et ne suis pas surprise de constater que ses yeux sont maintenant complètement rouge, elle est en pleine transe.

-Soly, si tu ne partages pas, je ne serai plus ton amie et t'en as aucune autre !

Je sais exactement à quel moment, les mots qu'a prononcés Anny font leur effet sur mon double, elle serre fort ses petits poings et sa mâchoire et ses yeux s'assombrissent encore un peu plus.

- De toute façon, j'ai pas besoin de toi alors t'as qu'à t'en aller !

Anny, ne s'attendant sûrement pas à cela, se met à pleurer en se frottant les yeux attirant par la même occasion l'attention de Sylvia sur elles.

- Arrête de chouiner espèce de gros bébé ! Ta maman va nous punir !

Mais cette phrase, loin de calmer les sanglots d'anny, les font redoubler en intensité et Sylvia, s'est maintenant levée et marche vers elles avec un air de mécontentement bien visible sur son visage.
Je vois l'air paniquée de la petite blonde à l'idée de se faire punir par sa gouvernante pour avoir fait pleurer sa fille, et, chose incroyable, je me souviens pour la première fois ce que j'ai ressenti,à cet instant là, je me souviens de ce que la chose qui vit au fond de moi à ressenti. Elle avait peur, je sens encore la panique qui monte jusqu'à tout recouvrir, ce besoin primaire de la faire taire pour sauver sa peau. Je ne réfléchissais pas correctement, ce n'était même pas moi qui réfléchissait. Je sais ce qui a se passer avant même qu'elle ne le fasse. Je vois la paire de ciseaux pour laquelle on se disputait quelques instants plus tôt à ses pieds, je la vois la ramasser et finalement, sans bouger, je la vois l'enfoncée bien profondément dans son ventre.

Je me souviens avoir aimé le silence qui a suivit mon geste, je me souviens avoir aimé d'une certaine façon ôter la vie à mon amie, je me souviens avoir juste durant un instant apprécié entendre les hurlements de Sylvia, qui pleurait pour son bébé, paniquée comme moi je l'avais été quelques instants plus tôt.
Mais je me souviens aussi du moment où mes parents sont arrivés en courant, me regardant pour la première fois avec des yeux nouveaux, du moment où j'ai absorbé dans ma petite tête d'enfant ce que me criait Sylvia, du moment où je me suis rendue comme de ce que j'avais fait, moi, toute seule, j'avais tué Anny, je l'avais empêché de grandir, je l'avais enlevée à sa maman. Puis je ne me souviens de rien et c'est sans pouvoir intervenir que je regarde mon petit corps d'enfant s'écrouler sans connaissance a côté de celui de ma meilleure amie.

Je ne me rends pas compte que je pleure, c'est en passant ma langue sur mes lèvres que je sens le goût salé de mes larmes, que je me rends compte à quel point je suis brisée, si triste pour ce qu'a dû vivre cette fillette de six ans à peine, si désolée pour cette autre fillette qui est partie de façon si injuste.
Quand j'ai compris, bien plus tard, que c'était moi qui lui avait dérobé son avenir, je me suis empêché le droit de connaître un jour, un avenir heureux.

Et maintenant je me souviens, je me souviens de tout.

C'est à présent mon autre malédiction, de vivre avec mes souvenirs.

Mes souvenirs qui me hantent toujours.

Parce que même si je veux être heureuse, ils seront toujours là pour me rappeler que je n'en ai pas le droit.