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« Le cœur amputé »

Dans ses yeux, je vois qu'elle la redoute. Qui ne la redouterais pas ? La mort rode autour d'elle. Elle se pointe une nouvelle fois pour bousculer mon quotidien de misérable. Elle le fait exprès ? Elle peut pas prendre un autre itinéraire ? Wesh, elle pense pas au fait qu'elle m'a déjà brisé le cœur en m'enlevant ma mère ? Je rigole. Un rire nerveux, un rire de dégoût que j'essaie de transformer pour la rassurer. Melha me regarde et comprend ce foutu rire ! Mes yeux me trahissent... elle me suit dans ma bêtise. Elle a beau simulé son visage ne suit pas ses émotions. Un tonnerre vient de s'abattre sur nous. Une chaise à proximité me crie d'aller m'asseoir. Wallah mes membres ont bougés tout seul, je canalise mes émotions pour ne pas exploser.

-T'es pas contagieuse ? m'exclamai-je, parce que j'ai pas envie d'attraper ta connerie là.

- J'aurais bien aimé l'être pour t'emmener avec moi mais ça serait purement enfantin et égoïste surtout que je veux pas partagé de lit avec toi, répond-t-elle ironiquement.

- Ouais bah moi non plus surtout que déjà sur ce lit tu prends toute la place imagine si on partage le même trou, j'aurais le temps de crever mille fois, je me risque pas sur ce terrain.

Elle lâche un petit rire. J'ai l'impression de ne plus voir ses cheveux châtains, de ne plus voir ses joues de gamine et son teint de porcelaine. C'est un visage fracassé par la maladie que j'ai en face de moi. Bordel, hier elle rayonnait, elle me narguait, elle m'a fait à graille et aujourd'hui elle est sur ce putain de lit d'hôpital. La première chose qui saute aux yeux de ceux qui la regarderais est sa fatigue. J'aimerais savoir ce que j'ai fais au monde pour subir toutes ces atrocités...

- Az', tu dois visité l'appart', t'as pas oublié ?

- Non, j'ai pas zappé, mais là tu vois j'ai pas la tête à y aller. L'espèce de conne qui me sert de pote est pas très en forme.

- Continue à faire l'enfant, et tu verras ce qui t'attends ! Tu vas pas squatter chez l'autre là toute ta vie en plus il revient dans pas longtemps, redescends sur terre.

- Tu peux rien faire cloué sur ce lit... ! J'ai plus envie de me marrer là Melha, il t'opère quand ?

- Je sais pas encore, dans certainement quelques jours voire quelques semaines.

- Ils attendent quoi ? Que tu clamses pour agir ?

- C'est compliqué Az', je dois passé plusieurs test avant.

- Pourquoi tu me l'as pas dit ? Me donne pas ce maudit prétexte, que ma mère était malade, ça passe plus ! Comment t'as fait pour me cacher un truc pareil ? Tu venais me voir au hebs sans scrupule... j'avais confiance en toi. Tu m'as baladé Melha, tu me l'as mise à l'envers !

- La confiance ne vient rien faire dans cette histoire. Tu te trompes sur toute la ligne. Regarde-toi aujourd'hui, tu es un cadavre parmi les hommes. Je me rappelle comme si c'était hier le jour où tu as appris qu'elle était malade, qu'il y avait plus de retour en arrière. T'es venu chez moi, tu as tout détruit sous mes yeux Azhar. J'ai vu le désespoir, la peur, tous les sentiments de merde que tu veux dans tes yeux : tu n'étais plus le même. Tu es devenu en quelques secondes une feuille morte emporté par le vent. J'ai vu ton visage, j'ai vu les larmes dans tes yeux, imagine juste une seconde si j'abordais l'état de mon cœur, tu serais où ? Je pense que tu serais pas à mes côtés maintenant. Toute la force que j'ai vu en toi ces dernières années se sont volatilisés quand tu es parti pour devenir le Hugo des quartiers HLM pour elle, pour la rendre fière. J'me suis pas trompée sur le fait que tu deviendrais une âme errante sans ambition. Mets-toi une seconde à ma place, tu crois que je veux être la cause d'une nouvelle chute ? Aujourd'hui, je te vois prendre la poussière comme un vieux meuble et je peux rien faire. J'aime pas te voir souffrir, j'ai l'impression de souffrir de la même façon, shit ! c'est pas pour rien qu'on nous surnomme les siamois, maugrée-t-elle souriante... Ta mère disait : « La vie est liée à la mort chaque âme qu'elle soit pure ou impure quittera la ter-ter », tu te souviens de l'accent qu'elle prenait, on aurait dit une vrai « voyelle » comme elle m'appelait.

Le naufragé de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant